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À Louvain-la-Neuve, c'est entre voisins qu'on innove

Date de publication: 18 janv. 2013
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Des entrepreneurs de la cité universitaire ont choisi de cultiver la proximité géographique et la convivialité pour développer leurs affaires. Un esprit de quartier à contre-courant de la mondialisation ? Le paradoxe n'est évidemment qu'apparent...

Lorsque je regarde par la fenêtre de mon bureau, je vois certains de mes clients, sourit Jean-Michel Wenric, à la tête d'Archetype Consulting, une société de services RH installée au sein de l'Axisparc, à deux pas de Louvain-la-Neuve. Si la totalité du portefeuille de ce spécialiste de la sélection, du conseil et de la formation pour les profils Sales & Marketing ne se limite évidemment pas à cet environnement immédiat, ce n'est pourtant par hasard que sa décision de déménager de Charleroi vers la cité universitaire a été prise il y a six ans déjà.

L'objectif était de nous rapprocher de Bruxelles et du pôle de croissance que constitue le Brabant wallon, dopé par le développement de l'UCL, poursuit Jean-Michel Wenric. Mais ce n'est qu'à l'expérience que je me suis aperçu du réel avantage de travailler sur un mode presque coopératif, en prise directe avec mes voisins immédiats : cette manière de fonctionner est en réalité assez novatrice et préfigure à mon avis une tendance lourde des prochaines années.

Bien qu'imaginé il y a près d'une décennie, l'Axisparc, qui associe des immeubles de bureaux classiques à un business center dédié notamment à l'accueil de startups, conserve effectivement un côté précurseur. Je me suis inspiré des parcs d'affaires dans la banlieue de Londres, qui rencontraient un succès fou en raison notamment de la qualité du service offert à leurs hôtes, raconte Henri Fischgrund, son administrateur délégué, se fondant alors sur le constat d'un manque évident de bureaux dans le Brabant wallon qui, souligne-t-il, pèse 8 % de la population wallonne, mais génère 18 % du PIB de la Région. 

Qualité de service ? Les entreprises et leurs collaborateurs ont accès dans un mouchoir de poche à plusieurs établissements de restauration, un service de nettoyage, un centre de fitness et de wellness, un centre de séminaires, des salles de conférences et même un service de location de voitures électriques, qui sera bientôt complété par des vélos électriques pour rejoindre le centre-ville, alors qu'une crèche, construite par la commune de Mont-Saint-Guibert, devrait prochainement voir le jour. Même si certains prestataires, comme le centre de fitness, tirent en réalité davantage leurs revenus d'une clientèle privée que des collaborateurs des entreprises aux alentours, ils n'en confortent pas moins l'attractivité du parc lui-même qui affiche, selon son patron, un taux de remplissage de 97 % - quelque 1 600 personnes y travaillent aujourd'hui.

Mais ce qui constitue notre véritable force, c'est la flexibilité que nous offrons aux entreprises, assure Henri Fischgrund. Elles démarrent ? Nous leur proposons de petits bureaux de quelques mètres carrés. Leurs affaires se développent ? Elles peuvent migrer vers une surface plus grande sans problème vis-à-vis du bail en cours. Elles ont besoin d'espace pour accueillir des clients ? Un bar et des salons sont à leur disposition. 

En sus des immeubles occupés par des entreprises telles que Knauf, Abbott, Hamon ou Mercuri Urval, le bâtiment central propose près d'une septantaine de bureaux, pouvant accueillir de une à quatre personnes, qui sont occupés par des indépendants, des startups, voire des sociétés déjà confirmées, dont le business n'exige la disponibilité que d'une faible surface, leurs collaborateurs passant l'essentiel de leur temps chez leurs clients. Quant aux entreprises qui, non installées dans le parc, souhaitent y bénéficier d'une station d'accueil dédiée au télétravail de leurs commerciaux, par exemple, un smart work center est à leur disposition.

Tout cet environnement génère non seulement de la convivialité, mais aussi de vraies synergies entre voisins, affirme Jean-Michel Wenric. Qu'on se croise dans les couloirs, au bar ou au restaurant à deux pas du bureau, on parle business, on évoque des expériences, voire des idées de collaboration... y compris avec des concurrents s'il s'agit, par exemple, de partager des frais ou tout simplement de se simplifier l'existence. Qu'on le recherche au départ ou non, on finit donc par tomber sous le charme de cette culture de travail très informelle : il suffit parfois de frapper à la porte d'à côté pour trouver un conseil, un fournisseur ou même parfois un client potentiel. 

Ce n'est sans doute par hasard si c'est aussi au sein de l'Axisparc que se sont lovés les candidats de Nest'Up, cette pépinière de jeunes entrepreneurs orientés e-business qui a pour vocation d'en accélérer la croissance. Leur manière de travailler, flexible à la fois dans l'espace et dans le temps, correspond pleinement à ce qu'un outil comme le nôtre peut offrir, glisse Henri Fischgrund... qui ne dédaigne pas l'image branchée que lui confère cette initiative. Je suis même assez fier de pouvoir leur proposer une structure qui leur permet de partager leurs idées, de se stimuler et de commencer à ériger ces entreprises qui, peut-être, seront les pépites de demain.  

Benoît July

La Rue du Web s'ouvre à de nouvelles boutiques

Les boutiques de la Rue du Web s'appellent Akimedia, Auctelia, Orchestraaa, Kodesk, Tesial, TweetWall Pro ou encore Wepika. Une passion commune rassemble leurs créateurs : les technologies du web, qu'ils déclinent au profit de la création de sites d'e-commerce, en outils de gestion de buzz et de communication, en conseils stratégiques, entre autres.

L'idée de la Rue du Web est simple : rassembler sous une seule ombrelle des professionnels du web et des médias sociaux, dont les services sont potentiellement complémentaires pour nos différents clients, commente Marina Aubert, à la tête d'Orchestraaa et par ailleurs cofondatrice de ce collectif. Nous sommes nés fin 2009 dans un esprit un peu « garage » : deux petites sociétés qui s'associaient de manière informelle autour d'un concept de marketing pour gagner de la visibilité... et qui ont progressivement été rejointes par d'autres startups également séduites par une ambiance de travail fortement tournée vers la culture geek et la créativité. 

Bien qu'agissant dans la sphère du web et n'étant en principe associés qu'autour d'une ombrelle a priori virtuelle, les partenaires n'en ont pas moins ressenti l'intérêt de poser leurs ordinateurs portables en un seul lieu. À savoir à Court-Saint-Étienne, dans un premier temps, au sein d'anciens bâtiments des ex-usines sidérurgiques Henricot, et depuis peu au sein de l'Axisparc, à proximité de Louvain-la-Neuve, où le collectif s'est approprié un plateau pour y déployer ses activités.

Alors qu'avant, tout cela fonctionnait de manière très informelle, y compris sur le plan pratique, comme la gestion de la cuisine commune ou de la salle de réunion, nous sommes actuellement occupés à conférer une forme juridique à notre collectif, poursuit Marina Aubert. Cela nous permettra aussi d'y accueillir de nouveaux partenaires, afin non seulement de partager nos idées, nos technologies et notre enthousiasme... mais aussi nos frais : nous organisons actuellement des séances d'information qui recueillent pas mal de succès. 

Si l'intérêt de la formule pour les différents partenaires – chacun restant maître chez lui – est bien compréhensible sur le plan du marketing et de l'organisation, il l'est apparemment aussi au point de vue du recrutement : la Rue du Web organise, sous ce label, des fêtes, des opens-bars dédiés au networking qui permettent à ses membres d'exposer leurs projets de manière plus sexy auprès d'éventuels candidats. Quelque vingt-neuf personnes travaillent désormais dans ces sociétés, dont la plus grande emploie neuf collaborateurs. Le challenge ? Doubler les effectifs du collectif à moyen terme : un joli pied de nez à la sinistrose actuelle...

 

« L'écosystème Louvain est totalement dédié à l'innovation »

Philippe Barras est le directeur du Louvain-la-Neuve Science Park, où sont installées plus de 160 entreprises qui y ont investi quelque 440 millions d’euros et y emploient plus de 5 000 personnes. Elles sont spécialisées, entre autres, dans les sciences du vivant, l'engineering, la chimie fine et les technologies de l'information et de la communication (TIC).

Coworking, incubation, innovation... Quels sens prennent ces concepts au sein du Parc scientifique de Louvain-la-Neuve ?

Ils acquièrent un sens tout à fait concret dans le cadre de notre Centre d'entreprise et d'innovation (CEI), un incubateur situé en plein cœur de l’« écosystème Louvain » : en relation directe avec l'UCL, au contact de ses spin-offs, il s'agit d'une véritable couveuse dédiée à l'innovation technologique. Son succès est tel que nous avons dû ériger un second bâtiment qui offre, à l'instar de l'Axisparc, un espace de coworking et un Smart Work Center, notamment.

Vous allez donc au-delà de la mise à disposition d'une infrastructure ?

Nous veillons effectivement à dépasser le cadre purement logistique pour accompagner le développement des spin-offs et des startups, qui ont une réelle valeur ajoutée technologique, en lien avec la vocation du Parc scientifique. Ces sociétés peuvent dès lors s'intégrer au sein de notre filière dédiée à l'innovation, qui implique non seulement les ressources académiques de l'UCL, y compris la Louvain School of Management, mais aussi Sopartec, la société de transfert de technologie et d'investissement de l'UCL qui travaille en étroite collaboration avec l'Administration de la Recherche, notamment.

Quid du financement de ces jeunes pousses ?

Elles peuvent, potentiellement, bénéficier du soutien de Vives, un fonds multisectoriel qui finance particulièrement les projets portés vers l'éco-innovation. Ce fonds a la capacité d'investir à différents stades de maturité d'une société, que ce soit l'amorçage ou la phase de croissance. Pareil outil, dans le contexte de crise actuel, est tout sauf anecdotique : il a réussi à lever quelque 43 millions d'euros auprès d'investisseurs tels que Fortis Private Equity Belgium, d'ING Belgium, Sofina, AXA Belgium, Belfius Banque ou Nivelinvest, entre autres, ce qui en fait, en taille, le premier fonds d'investissement européen initié par une université. Depuis plus de vingt ans, l'UCL, Sopartec et le fonds Vives ont accompagné la création de plus de 60 spin-offs et startups, qui emploient actuellement plus de 3 000 personnes.

En sus du CEI, de Sopartec et de Vives, orientés vers les entreprises émergentes, quelles sont les collaborations entre les entreprises du Parc scientifique ?

Elles bénéficient d'une structure, AxE 4.25, qui formalise ces collaborations... au-delà d'ailleurs du Parc scientifique puisqu'elle fédère les entreprises situées autour du carrefour géographique formé par les axes routiers N4 et N25, sur les communes d’Ottignies-Louvain-la-Neuve et de Mont-Saint-Guibert. Sous cette coupole se déclinent, par exemple, des projets d'achats groupés d'énergie, de gestion des déchets ou de promotion de la mobilité douce, entre autres.

Des initiatives sur le plan de la GRH et du management ?

L'initiative Mind & Market rencontre un énorme succès : il s'agit en effet de favoriser les chances de réussite des porteurs de projet en mariant les compétences scientifiques et technologiques (le côté « Mind ») et celles davantage dédiées à la gestion financière et commerciale (le côté « Market »), étant entendu qu'il est rare qu'une seule personne affiche le même niveau de performance dans ces deux profils. Des rencontres sont organisées très régulièrement, qui permettent aux uns et aux autres de se présenter... et plus si affinités.