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« Lutter contre le cancer est une fierté légitime »

Date de publication: 11 oct. 2014

 

Leader mondial de la protonthérapie, IBA anticipe une forte croissance de ce mode de traitement du cancer dans les prochaines années. Le groupe, solidement ancré à  Louvain-la-Neuve, est régulièrement en quête d'ingénieurs afin d'y conforter sa technologie.

À la tête d'IBA depuis 2012, Olivier Legrain en a accompagné tous les développements depuis 1996. Rencontre avec ce patron qui, avant de reprendre les rênes de ce fleuron, s'était accordé un an de répit en reprenant... la barre d'un voilier.

Mise en service du premier cyclotron ProteusOne aux États-Unis, signature d'un partenariat stratégique avec Philips : les informations n'ont pas manqué ces dernières semaines...

Nous commençons en effet à  percevoir les effets positifs de notre stratégie de croissance en protonthérapie sur laquelle nous avons décidé de recentrer une grosse partie de nos activités. Il y a visiblement une dynamique de marché qui s'est enclenchée et qui se manifeste par la concrétisation d'objectifs visibles. Mais nous avons travaillé d'arrache-pied pour y parvenir.

Quelle est votre vision de l'évolution de ce marché ?

Nous ne sommes plus les seuls à  penser désormais que la protonthérapie pourrait s'appliquer au traitement de 20 % des patients traités par la radiothérapie conventionnelle, contre à  peine 1 % à  l'heure actuelle. Plusieurs études, en nombre croissant et de provenances diverses, anticipent cette évolution qui se justifie essentiellement par la plus grande précision et la moindre toxicité de ce mode de traitement.

Comment comptez-vous accompagner ce développement ?

Nous allons continuer à  aider la communauté médicale et scientifique à  démontrer les bénéfices de la protonthérapie puisque c'est sur cette base que repose notre légitimité. Et nous allons poursuivre nos investissements en R&D afin de rendre cette technologie encore plus efficace et accessible. Notre système ProteusOne a permis d'en diminuer le prix par quatre, aux alentours de 25 millions d'euros, et de séduire une nouvelle clientèle, y compris en Belgique où nous n'avions curieusement vendu aucun équipement. Le délai entre la commande et le traitement du premier patient a aussi été considérablement réduit. Nous envisageons, à  terme, de produire nos cyclotrons « en série » afin d'accélérer cette évolution.

Comment s'inscrit, dans ce cadre, le partenariat avec Philips ?

L'idée est de faire converger nos expertises respectives en protonthérapie et en imagerie médicale. Et ce, afin notamment de renforcer la précision du traitement, en temps réel, dans la salle de traitement. Chacun y gagne : le patient bien entendu, Philips qui se renforce sur le marché de l'imagerie médicale en oncologie, et IBA qui, en sus du partenariat technologique, va bénéficier de la force de frappe commerciale de Philips.

Tout focaliser sur la protonthérapie, n'est-ce pas risqué ? Les progrès s'accélèrent aussi dans les autres modes de traitement du cancer...

La protonthérapie est notre cœur de métier, mais nous restons actifs dans la dosimétrie, dans les accélérateurs de particules dédiés à  des applications particulières (stérilisation, production de radio-isotopes, entre autres) : notre portefeuille est diversifié. Quant à  la « concurrence » d'autres technologies, il faut la relativiser : les nouveaux progrès qui doivent être espérés dans la chirurgie, la chimiothérapie ou l'immunothérapie par exemple, ne vont pas rendre la protonthérapie obsolète, et celle-ci ne pourrait à  l'inverse absolument pas remplacer tous les autres traitements. La lutte contre le cancer – ou plutôt : les cancers, considérés dans leur croissance et leur multiplicité – exige la mobilisation d'un véritable arsenal de technologies qui ne vont pas se concurrencer mais se compléter.

Quelles sont les compétences dont vous avez besoin pour soutenir votre croissance ?

Nous employons 1 100 personnes, pour moitié dans le monde, pour moitié en Belgique. Nous recrutons donc beaucoup de personnel à  l'étranger où sont implantés nos centres de traitement, mais notre centre névralgique, le cœur de notre stratégie et de notre R&D, reste à  Louvain-la-Neuve. Nous avons plus que jamais besoin de la créativité d'ingénieurs et de techniciens : ce sont eux qui ont développé en quatre ans à  peine le ProteusOne, en y intégrant par exemple des techniques de supraconductivité qui ont considérablement renforcé notre leadership. Ce sont eux aussi qui ont développé nos logiciels d'imagerie qui sont pour l'instant sans équivalent.

Des profils plus généralistes ne vous intéressent pas ?

La croissance va accroître nos besoins globaux, mais la réalité opérationnelle d'IBA est mondiale. Pour vendre et assurer le service de nos centres de protonthérapie aux États-Unis, en Inde ou en Chine, nous avons surtout besoin de profils américains, indiens ou chinois. Cela étant, c'est au départ de Louvain-la-Neuve que sont gérés nos marchés en Europe et au Moyen-Orient.

Quels sont les fondements de votre attractivité sur le marché de l'emploi ?

Notre technologie (il n'y a pas un ingénieur en Belgique qui ignore ce que nous faisons) et notre caractère international (les gens qui souhaitent voyager recevront chez nous de vraies opportunités). Mais aussi notre mission : notre activité a vraiment du sens, elle contribue à  sauver des vies, y compris d'enfants frappés par le cancer. Bien que nous n'ayons absolument aucune vocation à  nous substituer aux médecins, force est de constater que nos collaborateurs sont régulièrement sollicités par des proches afin de savoir si la protonthérapie pourrait éventuellement être utilisée.

Votre package salarial est-il avantageux ?

Nous rémunérons au niveau du marché, sachant que certains collaborateurs perçoivent une prime à  la performance dont le pourcentage varie en fonction de leurs responsabilités dans l'organisation. Nous avions mis en place auparavant un système de stock-options, mais cette forme d'intéressement qui fut à  la mode ne suscite plus d'intérêt désormais.

L'ancrage belge, concrétisé notamment par le véhicule financier Belgian Anchorage (les employés) dans le capital, est-il important aux yeux de celles et ceux qui vous rejoignent ?

Pour les Belges, c'est un plus : cela leur garantit la proximité avec le centre de décision et leur procure une légitime fierté. Il y a tout de même peu de leaders mondiaux en Belgique. Mais cet ancrage est aussi bien vu par nos collaborateurs étrangers : il traduit une vision de long terme au-delà  de la nécessité de sortir de bons résultats trimestriels. Cette vision est confirmée par notre histoire : Yves Jongen a délibérément choisi en 1986 de fonder et développer IBA au départ de Louvain-la-Neuve alors qu'il aurait vraiment pu le faire à  l'époque à  Berkeley, en Californie, où il avait travaillé.

Benoît July