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« Plutôt un jeune qui veut apprendre qu'un expérimenté qui sait tout »

Date de publication: 28 mars 2015
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Cefaly Technology a effectué l'an dernier une percée internationale dans le traitement de la migraine par neurostimulation. En forte croissance désormais, elle reçoit des candidatures spontanées.

Entreprise prometteuse de l'année, agrément de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis : Cefaly Technology a véritablement pris son envol en 2014. Le point sur les ambitions de cette société totalement centrée sur la recherche et développement avec son cofondateur et CEO, le docteur Pierre Rigaux.

Cefaly Technology est connue par le Cefaly, ce dispositif externe de prévention et de traitement de la migraine. Une entreprise monoproduit ?

Notre entreprise ne se réduit pas à  un produit. Et je dirais même que son core business n'est pas la vente. Notre spécialité, c'est la recherche et développement dans le domaine de la neuromodulation : comprendre comment cela fonctionne, développer des appareils et des applications cliniques, obtenir les agréments et les enregistrements pour leur mise sur le marché. La vente n'est en quelque sorte que le moyen nous permettant de poursuivre nos activités de R&D.

Quels sont vos prochains développements ?

Nous travaillons à  la mise au point d'autres appareils qui vont permettre de modifier l'activité de certains nerfs crâniens ou de certaines parties du système nerveux central. En ayant pour objectif de parvenir à  agir sur des pathologies telles que l'épilepsie, l'insomnie, la dépression ou encore aider à  la rééducation de personnes victimes d'un accident vasculaire cérébral.

L'entreprise a été fondée en 2004, mais son véritable envol ne date que d'un an, avec l'agrément de la FDA aux États-Unis. Comment l'expliquer ?

Ce délai s'explique d'abord par notre volonté de procéder par étape. Nous avons démarré en 2004 sans produit, mais en ayant la conviction que nous pourrions développer des applications très innovantes. Nous nous sommes d'abord intéressés à  la cosmétique, qui ne demande pas de longues procédures d'homologation, afin de générer de premiers flux financiers qui nous ont permis de poursuivre notre R&D. Puis nous avons obtenu en 2008 les premiers enregistrements pour des applications médicales, dans le domaine de la migraine, avec la conclusion de premiers accords de distribution en Espagne et au Royaume-Uni.

Que s'est-il passé depuis 2008 ?

Une crise économique majeure ! Qui réduit tous nos efforts à  néant, certains partenaires ayant même disparu dans la tourmente. L'année 2009 est catastrophique, suivie d'une année de convalescence, et ce n'est qu'en 2011 que nous recommençons vraiment à  nous développer. Sachant que, dans le domaine médical, on n'inonde jamais le marché d'un seul coup vu que chaque pays a ses propres règles. L'approbation de la FDA a fortement dopé notre notoriété, mais ce n'est pas pour autant que nous pouvons décider du jour au lendemain de vendre nos produits au Mexique ou au Japon, vu qu'ils n'y sont pas encore enregistrés.

N'est-ce pas frustrant ?

Non, car nous sommes une PME et ne pouvons pas attaquer tous les marchés en même temps. Par ailleurs, le bénéfice de ces lourdes procédures d'enregistrement est réel : elles nous protègent de la concurrence. Une entreprise qui souhaiterait faire la même chose que nous devrait passer par les mêmes étapes que nous...

Vous enregistrez désormais une croissance à  deux chiffres et vous employez une vingtaine de collaborateurs. Quels sont leurs profils ?

Essentiellement des profils scientifiques dans la R&D et bien évidemment des profils commerciaux. Contrairement à  d'autres entreprises qui font le choix d'attirer des profils expérimentés, nous préférons attirer des jeunes. Nous travaillons par exemple avec une stagiaire belgo-chinoise qui nous aide à  développer le marché chinois. Nous travaillons aussi avec un Belge de langue allemande, tourné vers les pays germanophones.

Pourquoi privilégier les jeunes, qu'il faut pourtant former ?

Quand ils sortent de l'université, ils ne connaissent effectivement pas grand-chose de la réalité des affaires, ne savent pas vraiment analyser un marché ou y trouver un distributeur, mais ils sont très ouverts à  la découverte. Ils sont, de plus, souvent amenés à  développer eux-mêmes les solutions qu'ils vont appliquer, ce qui les rend très performants : ils évoluent au même rythme que l'entreprise. C'est à  mes yeux beaucoup plus enrichissant que de recruter des commerciaux expérimentés qui coûtent un saladier et arrivent avec des solutions toutes faites, qui sont mal adaptées à  notre réalité.

Cefaly est-elle attractive ?

Nous ne le sommes devenus... que très récemment, depuis que nous avons remporté des récompenses et que la presse commence à  s'intéresser à  nos succès à  l'exportation. Nous recevons désormais des candidatures spontanées, ce qui constitue un luxe auquel nous n'étions pas habitués ! Il y a cinq ans, c'était à  nous de convaincre, de démontrer la validité de nos ambitions, de lutter contre une image de fragilité.

Quels sont vos objectifs des prochaines années ?

Nous sommes les leaders dans notre technologie et entendons poursuivre en ce sens, en développant de nouvelles applications. Compte tenu de la progression attendue de notre chiffre d'affaires, qui se caractérise généralement par une année de très forte croissance suivie par une année de consolidation (car il faut aussi veiller à  ce que la croissance soit soutenable), nous ne devrions pas trop tarder à  atteindre les 50 millions d'euros de chiffre d'affaires pour une cinquantaine de salariés : tous les domaines de l'entreprise devront alors être renforcés.

Les gens qui vous rejoignent ne doivent-ils pas craindre, à  terme, une revente de votre entreprise ?

Nous avons déjà  des investisseurs américains qui nous courtisent et nous pourrions lever, sans être prétentieux, 20 millions d'euros sans difficulté. Mais il ne sert à  rien de chercher du capital si on n'en a pas besoin : nous générons actuellement suffisamment de liquidités pour assumer nos objectifs. Et puis se pose toujours la question des exigences de l'investisseur. Les relations sont généralement très cordiales tant que tout va bien, mais peuvent rapidement se détériorer dans le cas contraire...

Quelles sont les qualités dont il faut faire preuve pour espérer vous séduire ?

Il faut avant tout une solide formation, c'est une évidence. Il faut aussi avoir le sens de la mission : accepter les responsabilités et mettre un point d'honneur à  les assumer, quitte à  ce que cela empiète par moment sur les loisirs ou la vie privée. Afficher cette mentalité est vraiment très important et nous veillons à  déceler cette qualité dans les entretiens de recrutement. Parfois, nous nous sommes trompés mais, dans ce cas, nous n'avons jamais hésité longtemps avant de licencier.

Un dernier mot sur la fabrication de vos produits, qui est sous-traitée dans les environs. Pour quelles raisons ?

La sous-traitance s'impose, car la fabrication n'est pas notre métier. Nous avons besoin de spécialistes qui sont habitués à  produire en masse et disposent des compétences pour assurer la qualité et la fiabilité. Trois prestataires travaillent pour nous, dans les composants électroniques, la fabrication des boîtiers, le montage et le contrôle final. Pourquoi en Wallonie ? Parce que la proximité a ses avantages : ces fournisseurs sont flexibles, peuvent réagir rapidement aux modifications que nous demandons et, si un problème devait survenir, il serait beaucoup plus facile à  régler en se rendant à  Alleur, Boncelles ou Bastogne qu'à  Shanghai ou Pékin...

Benoît July