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«En tant qu’étudiantes, on ressent cette pénurie»

Rédigé par: Pauline Martial
Date de publication: 17 févr. 2020
Catégorie:

Etudiant pénurie

Victoria et Tiffany ont toutes deux 21 ans. L’une est étudiante infirmière à la haute école Robert Schuman de Libramont, l’autre à la haute école de la province de Namur. La pénurie d’infirmières est une réalité pour ces jeunes femmes. Alors qu’elles ne sont pas encore diplômées, elles en ressentent déjà tout le poids, notamment lors de leurs stages.

Victoria : « Parfois, nous remplaçons carrément une infirmière du service pour qu’elle puisse aller aider ailleurs (...). On doit s’occuper d’un nombre important de patients lors de chaque garde, sans parler de toute la pression qui règne au sein des équipes. Il y a des tensions, la plupart des infirmières sont fatiguées. Certaines parlent même d’arrêter. »

Il y a actuellement un manque criant de personnel infirmier dans tous les hôpitaux. Vous ressentez cette pénurie lors de vos stages?

Victoria: Même si cela dépend avant tout de l’institution dans laquelle on effectue notre stage, nous y sommes clairement confrontées. Dans certains endroits, les étudiantes servent à combler le manque d’infirmières. Parfois, nous remplaçons carrément une infirmière du service pour qu’elle puisse aller aider ailleurs. Dans de telles conditions, nous sommes considérées comme un membre du personnel à part entière.

Ce n’est pas normal car cela nous sort du contexte d’apprentissage classique dans lequel nous sommes censées être. On doit s’occuper d’un nombre important de patients lors de chaque garde, sans parler de toute la pression qui règne au sein des équipes. Il y a des tensions, la plupart des infirmières sont fatiguées. Certaines parlent même d’arrêter.

Tiffany: En tant qu’étudiantes, on ressent pleinement cette pénurie. Les infirmières sont censées nous prendre en charge et nous transmettre leur savoir, mais on ne leur laisse pas le temps de le faire. Elles n’ont déjà pas le temps de faire leur propre travail, alors forcément certaines ne nous suivent pas. Elles considèrent qu’une fois en troisième année, par exemple, on doit être capable de poser certains gestes.

Elles nous envoient en chambre en disant nous faire confiance, mais elles ne se préoccupent pas de savoir si on sait effectivement faire ce qu’elle nous demande. Au début, c’est vraiment stressant, on se demande comment on va pouvoir tenir comme ça pendant toutes nos études. Et puis, on finit par relativiser en se disant que ce n’est pas leur faute, mais celle du système.

Victoria

Les institutions de soins affirment mettre les bouchées doubles pour encadrer les étudiants et les amener à revenir y travailler plus tard. C’est une réalité? Observez-vous une différence quant à la manière dont vous êtes considérées?

V.: C’est difficile de dire si c’est en lien ou non avec la pénurie. Cependant, je remarque une différence par rapport aux premières expériences que j’ai pu vivre au début de mes études. Quand j’étais en stage en première année, je trouve que nous étions mal considérées. J’avais parfois l’impression de gêner les infirmières plus qu’autre chose. Après, c’est un peu normal. On débutait, il fallait donc nous apprendre davantage. Aujourd’hui, je remarque que les infirmières font beaucoup plus attention à nous.

Elles nous expliquent, nous montrent comment faire. Elles font attention à notre place de stagiaire et sont conscientes qu’on représente potentiellement leurs collègues de demain. Et puis dès qu’elles remarquent notre motivation et notre implication dans le travail, elles essayent déjà de nous recruter en nous incitant à déposer notre candidature.

T.: Ça dépend vraiment d’un hôpital à l’autre. Dans certains hôpitaux, on tombe sur une équipe attentive qui essaye de nous aider en nous intégrant un maximum, dans d’autres c’est tout l’inverse. Mais je remarque quand même qu’ils essayent de faire bouger les choses. A l’hôpital Saint-Luc à Bouge, par exemple, ils ont instauré une nouvelle organisation pour la prise en charge des stagiaires. Maintenant, chaque étudiante est suivie par une infirmière durant toute la durée de son stage.

On nous encadre évidemment beaucoup mieux. Et quand on est en dernière année, on essaye de nous recruter évidemment, et ce avant même qu’on ait effectivement obtenu notre diplôme.

 

Le cursus des études en soins infirmiers est passé de trois à quatre ans. Cela vous a-t-il découragée?

V.: Personnellement non, parce que j’ai effectué un parcours scolaire classique sans jamais devoir recommencer une année. Je prends donc cette année supplémentaire comme une bonne chose. Cela me permet de faire plus de stages, de peaufiner ma pratique. Il n’y a rien à faire, c’est un métier qui nécessite de l’entraînement pour arriver à adopter les bons gestes. Avec ce temps supplémentaire pour me former, je me sens plus en confiance. Au niveau des cours, ils sont désormais plus étalés, ce qui me laisse plus de temps pour rédiger mon travail de fin d’études.

T.: Ça a été décourageant au début parce qu’il y avait énormément de points d’interrogation. Les écoles ne savaient pas comment organiser cette 4e année, c’était le flou total. Aujourd’hui, je le prends plutôt bien. Je me dis que c’est une occasion de prendre plus d’assurance, de gagner en maturité et en expérience.

Tiffany

A l’aube de votre entrée dans le monde du travail, comment envisagez-vous votre carrière en tant qu’infirmière? Le secteur hospitalier figure-t-il toujours parmi vos envies?

V.: Même après avoir pris connaissance des conditions dans lesquelles je vais devoir travailler, je reste hyper motivée à l’idée d’exercer. Ça reste avant tout une vraie vocation pour moi. Certes, ce n’est pas toujours un travail facile. Il y a des tensions ainsi qu’une pression constante sur le personnel. Le salaire n’est, selon moi, pas toujours proportionné à la charge de travail qu’on doit abattre. Avec le recul, je ne sais pas si je referais les mêmes études.

Concernant l’hôpital, c’est une option que j’envisage toujours. Je suis en stage actuellement au bloc opératoire et je m’y plais énormément. Je crois que c’est un service dans lequel je me verrais bien commencer. Mais je ne me vois pas faire toute ma carrière dans le milieu hospitalier.

T.: J’ai toujours envie d’exercer ce métier. Mais j’ai pris conscience des différences qui existent entre l’hôpital et le milieu extrahospitalier. L’hôpital est une industrie de laquelle le patient doit sortir le plus vite possible. On doit faire les mêmes choses mais avec toujours moins de temps. Je pense que je commencerai ma carrière dans le milieu hospitalier parce qu’on y apprend beaucoup de choses, c’est très diversifié. Mais cela signifie aussi travailler avec des patients aigus et le stress qui va avec. Je ne me vois y pas rester toute ma carrière.

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