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« Notre refus de certifier certaines organisations assoit notre crédibilité »

Rédigé par: Philippe Van Lil
Date de publication: 27 janv. 2023
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Comment obtient-on le titre de Top Employer ? Est-ce une simple opération de marketing ou un réel gage de qualité en matière de gestion des ressources humaines ? Les critères d’évaluation tiennent-ils compte des évolutions sociétales ? La Belgique accuse-t-elle certains retards en matière de politique RH ? Nous avons posé ces questions de façon cash à Steven Hormann, Regional Manager Benelux & Nordics du Top Employer Institute.

Top employer 2023

Quelles sont les motivations des entreprises à devenir Top Emloyeurs ?

Steven Hormann : « Il existe peu de possibilités pour se positionner en tant qu’employeur de choix. On voit clairement en outre que l’employer branding est de plus en plus important pour toute entreprise. Certaines sociétés qui cherchent à recruter du personnel sont très connues dans leur secteur mais fort peu du grand public. C’est par exemple le cas de KONE, pourtant acteur mondial dans le secteur des ascenseurs et des escaliers mécaniques. Notre programme leur donne dès lors l’opportunité de se faire connaître. D’autres entreprises, comme PepsiCo, sont très connues mais sont à la recherche de talents particuliers, ce que le grand public ignore, en l’occurrence dans l’informatique. En réalité, chaque entreprise a ses propres motivations. C’est la raison pour laquelle nous sommes ouverts à tout le monde. Parmi nos entreprises certifiées, nous avons des organisations aussi bien privées que publiques telles que des hôpitaux universitaires. »

Comment se déroule la procédure de certification ?

S. H. : « Tout d’abord, le service des ressources humaines de l’entreprise remplit le questionnaire que nous lui faisons parvenir. Nous lui précisons dès le départ que les réponses doivent correspondre à la réalité et pouvoir être défendues ou démontrées, par exemple via des documents. Ensuite, nous procédons à un audit qui nous permet de valider ou non ces réponses, via des entretiens et questions complémentaires avec le service RH. Vu la quantité de questions qu’ils posent et la façon dont ils valident les réponses, nos auditeurs, qui sont particulièrement expérimentés, peuvent garantir qu’une entreprise qui obtient la certification l’a bien méritée. »

Les employés de l’entreprise sont-ils également consultés dans le cadre de cet audit ?

S. H. : « Nous n’avons pas la possibilité de poser des questions directement aux employés ou de leur envoyer des questionnaires afin de récolter leur opinion. En revanche, la section de notre questionnaire intitulé Écoute des employés nous permet de vérifier si les services RH consultent leurs employés. De manière indirecte, nous consultons donc les collaborateurs. En outre, nous conseillons fortement aux entreprises de communiquer à leur personnel leur participation à notre programme de certification. Il y a quelques années, une entreprise nous a même demandé de réaliser un petit film pour annoncer la chose à son personnel. De toute manière, la communication est clé du succès dans cette démarche de certification ; elle crée de la fierté et de l’engagement auprès des employés. Un autre facteur de réussite est la transparence et celle-ci passe entre autres par la consultation des collaborateurs afin de recueillir leur opinion. »

Vos critères d’évaluation évoluent-ils d’année en année ?

S. H. : « Oui. Par exemple, pour l’édition 2023, nous avons ajouté le thème de l’égalité à ceux de la diversité et de l’inclusion. Cela permet d’aborder de multiples questions liées à l’égalité hommes-femmes, à l’égalité salariale, etc. Autre exemple : auparavant, nous parlions de l’engagement des employés, que nous avons remplacé par l’écoute portée aux travailleurs. C’est ici une évolution très significative. De manière générale, les questions que nous posons changent aussi en fonction des tendances dans le secteur des ressources humaines. Dans le prochain questionnaire pour l’édition 2024, nous avons déjà décidé par exemple d’introduire un focus plus important sur l’expérience employé ». Nous supprimons aussi de notre programme de certification toutes les questions qui font systématiquement l’objet de réponses favorables ; rien ne sert de se pencher sur ce qui fait l’objet d’un consensus général. Étant donné toutes ces évolutions, il est intéressant pour toute entreprise de continuer de participer à notre programme. »
 

Top employer 2023

Par rapport à d’autres régions du monde, constatez-vous des tendances RH spécifiques à la Belgique ?

S. H. : « Nous ne disposons pas encore des toutes dernières tendances. Cependant, sur le long terme, nous observons par exemple qu’en matière de diversité et d’inclusion, la Belgique figure en queue de peloton au niveau européen. Ceci a d’ailleurs été confirmé à Bruxelles par Actiris, qui a lancé un label relatif à la diversité afin d’inciter les entreprises à faire mieux en la matière. Selon moi, les sociétés qui misent sur la diversité sont les plus à même de faire face à la guerre des talents. Il y a en effet encore un pool de talents disponible que l’on n’utilise pas actuellement. »

Vous ne certifiez pas tous les candidats. Cela n’engendre-t-il pas de la frustration ?

S. H. : « Nous avons effectivement beaucoup de candidats au titre de Top Employer. Toutefois, pour éviter une telle frustration, nous effectuons avec eux un travail de pré-screening. Cette mini enquête permet de vérifier si l’entreprise a le niveau de maturité suffisant pour participer au programme. C’est évidemment un message assez dur à délivrer, mais cette démarche honnête s’avère très souvent bénéfique car nous conseillons d’emblée à ces entreprises de travailler sur certains points de leur politique RH et elles reviennent alors l’année suivante. En outre, au bout du processus d’audit, nous sommes malgré tout dans l’obligation de ne pas certifier certaines organisations. Commercialement, notre démarche peut sembler contreproductive, mais finalement elle assoit notre crédibilité. De plus, lorsqu’une entreprise n’est pas certifiée, elle ne perd pas tout : elle a un rapport d’audit à sa disposition, qui lui permettra de s’améliorer en lui spécifiant très précisément les axes sur lesquels elle doit encore travailler. »