Créatifs et technophiles : le mariage de l'eau et du feu ?
Bienvenue dans le monde des apps, de la com, des images de synthèse et des jeux vidéo. Dans un univers où la créativité règne en maître... pour autant qu'elle soit soutenue par de solides compétences ICT. Comment combiner ces profils, initier ce mariage apparent entre l'eau et le feu ?
Le tableau de chasse est éloquent : avec trois « nominations » aux Oscars et deux Césars, Digital Graphics s'est hissée en quelques années dans la cour des grands. Sa spécialité ? La création d'effets spéciaux numériques et d'animations de synthèse pour le cinéma et la télévision, qui lui ont permis de se distinguer sur des productions telles que Ernest et Célestine ou Loulou, l'incroyable secret, notamment.
Notre ossature est constituée d'une équipe d'une dizaine de personnes et nous faisons régulièrement appel à des collaborateurs extérieurs pour nous renforcer en fonction des projets, commente Marc Umé qui a créé cette PME liégeoise avec son frère Serge il y a tout juste vingt ans. Ce qui constitue notre force est assurément notre capacité à repousser les limites techniques pour répondre aux besoins des réalisateurs.
Les deux frères, l'un étant au départ ingénieur dans l'aérospatiale et l'autre architecte, se sont en effet rapidement rendu compte que la dimension créative de leur activité ne pourrait se développer qu'en étant soutenue par des logiciels performants qu'ils développent, sur mesure, en interne. Nous améliorons nos compétences techniques en fonction des demandes des artistes, en fonction aussi des contraintes, de temps notamment, qui sont inhérentes à la production, poursuit Marc Umé. Nous avons donc chez nous des profils qui sont à la fois très pointus sur le plan technologique, mais aussi capables de dialoguer avec les créatifs. Des profils rares, en réalité.
Pareil dialogue entre la technologie et la créativité constitue également le quotidien de Fishing Cactus, cette PME montoise spécialisée dans les jeux vidéo dont certains comme Paf le chien ou Creatures Online se sont érigés en succès. La réflexion initiale porte intégralement sur l'expérience du joueur, précise Guillaume Bouckaert, Game Designer. Quelles histoires, quels types d'interactions allons-nous lui proposer ? Un jeu n'est bon que s'il permet d'y rentrer dans un temps très court. Le joueur doit en quelque sorte être happé !
Pour y parvenir, le Game Designer intègre, notamment, les codes du cinéma afin de dresser un premier scénario qui sera testé en interne. À ce stade, le visuel est relativement sommaire, poursuit Amandine Flahaut, graphiste. Le designer a élaboré l'univers, conceptualisé les personnages et leurs interactions, tout l'art du graphiste étant de s'approprier tout cela afin d'y apporter sa propre griffe, afin que le visuel renforce l'attractivité.
Un processus interactif
À charge ensuite, pour les informaticiens, de mettre tout cela en musique ? Le processus de création n'est pas aussi linéaire, mais plutôt interactif, favorisant la convergence des talents, précise Pierre Pôlet, directeur des opérations chez Emakina, un groupe spécialisé dans la communication digitale qui emploie dans ses diverses entités plusieurs centaines de collaborateurs en Belgique. C'est pourquoi nos projets sont toujours pris en charge par plusieurs personnes. Nous avons aussi besoin en amont de commerciaux qui vont créer les opportunités pour nos clients et de chefs projets qui vont dialoguer avec eux pour comprendre leurs besoins et mener le contrat à bon port, en harmonie avec nos équipes en interne.
Parmi ces équipes ? Des architectes de l'information, qui vont imaginer par exemple un site web de réservation en ligne et ses diverses fonctionnalités afin qu'il génère l'expérience la plus agréable pour l'utilisateur. Aucune école ne forme vraiment à cela, précise Pierre Pôlet. Il faut savoir ce que permet la technologie, mais surtout maîtriser les dimensions psychologiques, voire sociologiques, qui permettront d'être parfaitement en phase avec les attentes du public.
L'architecture du site étant dessinée, c'est au tour des graphistes d'en imaginer le design en partenariat avec les développeurs qui vont traduire le tout en fonctionnalités purement informatiques, dans le langage ad hoc, à destination d'écrans classiques ou mobiles, voire sous la forme d'applications dédiées aux usages nomades. Les développeurs sont généralement bien formés en études supérieures, estime Pierre Pôlet. S'ils ne maîtrisent pas tous les outils, ils possèdent la logique de programmation qui leur permet de s'adapter aux situations. Lors d'un recrutement, nous sommes en tout cas très attentifs à leur ouverture d'esprit, à ce qu'ils ont appris ou développé par ailleurs, en dehors de leur cursus, et dès lors à leur capacité à sortir de leur environnement purement technologique pour comprendre les demandes qui leur sont adressées.
Benoît July
Le stage, voie royale vers l'emploi
Comment s'assurer qu'un candidat a non seulement les compétences techniques, mais aussi et surtout l'ouverture d'esprit qui lui permettra de dialoguer avec les équipes créatives ? Chez Emakina, c'est régulièrement par le biais de stage qu'on engage – une dizaine de personnes sur la dernière année. De vraies expériences avec des responsabilités, sur des projets sérieux, qui permettent au candidat comme à l'entreprise de se tester, dit-on dans cette entreprise spécialisée dans la communication digitale qui collabore avec des hautes écoles, des universités, mais aussi le centre de compétences Technofutur, à Gosselies.
Le secteur ICT tire son épingle du jeu
Dans le cadre d'une conférence de presse appelant les pouvoirs publics à mettre en place les incitants qui permettront à l'industrie technologique de renouer avec la croissance, la fédération patronale Agoria a épinglé quelques secteurs qui, en dépit de ce contexte morose, parviennent à tirer leur épingle du jeu. Les entreprises qui enregistrent les meilleurs résultats en 2014 sont issues de l’industrie aéronautique et aérospatiale (+5 %) et de secteurs d’activités orientés « services » tels que le contracting, en hausse de 5 %, et les technologies de l'information et de la communication (TIC), en hausse de 3 %.