En quoi consiste vraiment le métier d'espion?
Ils sont souvent en ligne de front, dénichant des informations de première importance pour la sécurité de l’État. Dans l’ombre, ils risquent parfois leur vie pour le bien commun. Ils exercent un métier fascinant, qui inspire romanciers et réalisateurs : ils sont espions. Et pourtant, ces agents secrets n’ont que peu de choses en commun avec des James Bond et autres Jack Bauer. Un ancien agent de la CIA lève le voile sur son métier.
Les espions : des vendeurs mondains
Dans une récente interview accordée au magazine Pursuit, Lindsay Moran, anciennement espionne au service de la CIA, dévoile les dessous des cartes de son métier hors du commun.
Pour elle, la vie d’agent secret est très similaire à celle d’un vendeur lambda. Elle explique :
Les agents de la CIA sont souvent représentés comme des tueurs sanguinaires, sans foi ni loi, capables de tout pour obtenir des renseignements classés secret défense. Mais en réalité notre métier est beaucoup plus mondain. Nous menons une vie très semblable à celle d’un commercial. Nous nous rendons dans un pays étranger, nous y construisons une petite vie tranquille et nous sortons pour rencontrer des gens – des étrangers qui ont accès à des infos – pour les convaincre de commettre des actes d’espionnage. Mais on ne se ballade pas l’arme à la main pour zigouiller tout le monde. Nous ne distillons pas non plus un poison mortel dans les breuvages de nos interlocuteurs. Nous vendons une idée ou un principe – celui d’espionner des gens et de transmettre des informations – à nos interlocuteurs et les persuadons de travailler pour nous.
La psychologie comme outil de persuasion
Loin des paillettes d’Hollywood, les espions de la vraie vie doivent souvent s’armer de patience. Ils peuvent en effet se tapir dans l’ombre pendant de longs mois, voire des années, dans le but d’infiltrer un réseau ou une communauté. Ils doivent aussi apprendre les ficelles de la psychologie :
En gros, comme agent secret, on doit maîtriser tous les aspects de la psychologie humaine. De nombreuses tâches que nous avons à effectuer relèvent de ce domaine. Quel que soit le niveau auquel nous opérons, nous agissons à la manière des psychologues. Nous tentons d’établir une relation humaine solide et de gagner la confiance de l’autre. Nous essayons de recruter cette personne et d’obtenir d’elle des informations secrètes – souvent contre de l’argent. C’est un exercice très difficile. Il serait bien plus facile de liquider quelqu’un comme le ferait un sniper. Ici, nous devons au contraire convaincre de parfaits inconnus de faire ce que nous – en tant que patriotes – ne ferions jamais.
L’arroseur arrosé
Le métier n’est cependant pas totalement sans danger. Les espions courent en effet le risque de faire eux-mêmes l’objet d’une surveillance, en particulier s’ils sont infiltrés à l’étranger. Le cas échéant, les choses ne se passent pas comme dans les films hollywoodiens : point de course-poursuite spectaculaire, point de carambolage en masse ou de fusillade à l’heure de pointe, en plein centre-ville. Dans la vraie vie, l’espion ne tient pas à être démasqué et fait profil bas en toutes circonstances.
Moran explique :
Nous avons eu des cours traitant uniquement de la détection de surveillance, et cette question fait aussi l’objet d’exercices intégrés à l’ensemble de notre formation. Pour nous assurer de ne pas être suivis, nous devons varier les espaces dans lesquels nous évoluons et alterner les espaces ruraux et les zones urbaines plus congestionnées. En gros, nous devons tourner en rond.
Il y a là de nouveau un clivage entre la fiction et la réalité :
Dans les films, on voit un espion suivre quelqu’un de près. En réalité, l’espionnage est beaucoup plus subtil. Les voitures nous suivent de loin. Elles sont plusieurs. Si les espions nous suivent à pied, ils changent régulièrement de tenue et se fondent dans la masse. Par ailleurs, si nous nous apercevons que nous sommes bel et bien suivi(s), nous ne voulons pas que l’autre espion sache que nous l’avons repéré. À nouveau : nous ne réagissons pas comme dans les films en démarrant au quart de tour et en faisant crisser les pneus. Nous devons fatiguer la personne qui nous suit et faire en sorte qu’elle pense perdre son temps. Nous devons aussi faire ce qu’on appelle des « arrêts de couverture » : si nous roulons pendant 25 minutes en rase campagne, nous devons avoir une bonne raison. Nous choisissons intelligemment l’endroit où nous nous arrêtons : nous évitons une épicerie (que l’on trouve facilement en ville) et préférons plutôt un magasin de matériel de pêche ou d’équitation. Nous privilégions un endroit hors du commun, qui justifie que nous ayons fait cette route.
Vous trouverez plus de révélations de cet agent plus si secret dans cette interview qu’elle a accordée à une chaîne d’informations en ligne :
Source: Business Insider et Pursuitmag.com