Il y a du génie dans les biotechs

Dans la pharma, l'innovation fait loi. Jusque dans l'enseignement où l'acquisition des compétences en génie analytique peut désormais s'effectuer sous une forme inédite : un master « en alternance » codéveloppé entre haute école et entreprises concernées.

Dans les biotechs comme dans tant d'autres secteurs en croissance, l'une des craintes des entreprises est de ne pas disposer des compétences requises par le développement de leurs affaires. Cette préoccupation est telle que nous tentons de prendre les devants en menant des enquêtes auprès de nos membres afin d'anticiper leurs besoins, commente Rose-May Delrue, responsable de ce sujet au sein du pôle de compétitivité BioWin qui rassemble les acteurs (entreprises, centres de recherche et université) du secteur wallon des Sciences du vivant et plus globalement de la Santé.

De telles analyses nous ont conduits à  développer des formations spécialement centrées sur l'émergence de nouveaux métiers, poursuit-elle. La gestion des affaires réglementaires, par exemple, va requérir des profils qui sont actuellement en quantité trop faibles sur le marché alors que les besoins vont aller croissant : des PME dont les nouveaux produits s'approchent de la phase de commercialisation se rendent compte qu'elles ne possèdent pas les compétences requises pour gérer les contraintes réglementaires, ce qui est normal puisque, pendant des années, elles ont focalisé leur énergie sur la recherche et développement.

Si la formation continue permet certes de combler une partie des besoins à  court terme, certains ne sont pas loin de penser qu'il ne s'agit que d'un emplâtre sur une jambe de bois. Autrement dit : c'est à  un autre niveau, plus en amont dans le cursus et donc dès l'enseignement supérieur, que des formations plus en adéquation avec le marché devraient être développées. Et ce, notamment par le biais de l'alternance, cette formule longtemps décriée qui suscite désormais un réel intérêt.

Une formation en phase avec les attentes des employeurs

De quoi s'agit-il ? D'une forme particulière d’enseignement dans laquelle l'acquisition des compétences nécessaires pour l'obtention d'un diplôme de master se fait pour partie en entreprise et pour partie en haute école, l'alternance donnant l’occasion aux étudiants de faire directement le lien entre les notions théoriques vues en cours et leurs applications sur le terrain. Quatre masters de ce type existent désormais en Fédération Wallonie-Bruxelles : en gestion de production, en gestion de chantier spécialisé en construction durable, en gestion des services généraux et, enfin, en génie analytique.

Ce master en génie analytique a vraiment été développé en partenariat avec les entreprises du secteur pharma, commente Dominique Masy, directeur de la catégorie technique de la Haute École Louvain en Hainaut (HELHa) où les étudiants peuvent suivre ce cursus. Il s'adresse prioritairement aux bacheliers en chimie, en agronomie ou en biologie clinique qui, après l'obtention de ce master, auront accès à  des fonctions telles que responsable de projet en laboratoire de contrôle qualité ou en laboratoire de recherche et développement par exemple.

Concrètement, les cours en haute école permettent à  l’étudiant d’acquérir des compétences scientifiques et techniques de pointe dans les domaines de la chimie analytique, de la biochimie, de la biologie moléculaire ou encore des biostatistiques et facilitent l’intégration dans l‘entreprise d’accueil grâce à  des formations en gestion de la qualité, gestion de projet ainsi qu’en anglais. Lors de ses périodes d’apprentissage en entreprise, l’étudiant se voit confier des projets qui lui permettent, en partant de ses compétences de bachelier, d’acquérir petit à  petit les compétences du master en génie analytique.

L'étudiant bénéficie donc d'une formation totalement en phase avec les attentes des employeurs, car développée dans ce but et complétée au sein même de l'entreprise, en percevant une indemnité de l'ordre de 700 € par mois, complète notre interlocuteur. Et les entreprises, qui ont en quelque sorte codéveloppé le programme et participent à  la formation des étudiants, sont assurées de disposer des profils dont elles ont besoin.

Quelques dizaines d'étudiants ont déjà  suivi ce cursus. Avec un emploi à  la clé, souvent au sein de l'entreprise qui les a accueillis, mais pas systématiquement. Il faut veiller à  ce que cette formation soit suffisamment spécialisée pour répondre aux besoins des entreprises, mais aussi suffisamment large pour que l'étudiant ne soit pas formaté pour ne pouvoir travailler « que » dans l'entreprise où il a complété sa formation, souligne Dominique Masy. Il s'agit tout de même d'un master, et donc d'une formation qui doit vraiment élargir l'horizon. Nous sommes en contact permanent avec les entreprises et les étudiants pour continuer à  l'améliorer, voire corriger, le cas échéant, ce qui doit l'être dans cette formule qui n'en est encore qu'à  son commencement.

Benoît July

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