Ils font voler des Airbus, des F-16... et même des fusées
Fleuron du secteur aéronautique et spatial en Belgique, la Sabca ne manque assurément pas d'attractivité sur le marché de l'emploi. Mais cela ne suffit pas toujours pour dénicher les bons candidats...
Deuxième employeur industriel à Bruxelles derrière Audi, la Sabca exerce aussi ses activités à Charleroi (à proximité de l'aéroport de Gosselies) et dans le Limbourg. Alors que se profile le salon aéronautique du Bourget, rencontre avec Jean-Marie Lefèvre, qui préside à sa destinée depuis près deux ans et qui nous expose les enjeux de l'entreprise sur le plan stratégique, et donc sur le plan du recrutement.
La Sabca émarge aux fleurons du secteur aérospatial en Belgique. Quels en sont les créneaux ?
Nous sommes actifs dans plusieurs secteurs et sphères technologiques. L'aviation civile et d'affaires, l'aviation militaire et le spatial nous permettent d'être présents dans des secteurs qui répondent à des cycles différents. Quant aux technologies, elles s'apparentent notamment aux structures en matériaux métalliques et composites et à la mécatronique, sachant que nous travaillons aussi dans la maintenance militaire.
Quels sont les domaines en plus forte croissance ?
Nos activités ont pendant longtemps été réparties à parts relativement égales entre l'aviation civile, l'aviation militaire et le spatial. À l'heure actuelle, le spatial est stable, le militaire se tasse en raison des contraintes budgétaires de nos clients (nous travaillons pour l'armée belge mais aussi pour les forces aériennes néerlandaise et américaine en Europe, notamment), et c'est donc l'aviation civile et d'affaires qui génère la majorité de notre chiffre d'affaires.
Quels sont les programmes phares dans lesquels vous êtes impliqués ?
Dans le spatial, nous sommes présents sur la fusée Ariane 5, où nous fournissons les jupes des propulseurs auxiliaires et les systèmes de servocommandes du lanceur, nous travaillons aussi pour le lanceur Vega et sommes retenus pour participer à la phase précontractuelle de la future fusée Ariane 6. Dans l'aviation civile, nous sommes présents dans les avions d'affaires de Dassault, notamment sur le tout dernier Falcon 5X qui vient d'être dévoilé, et dans la totalité des programmes d'Airbus (A320, A330, A350 et A380) : nous concevons et fournissons selon les appareils des éléments de structure complexes, des mécanismes de déploiement des parties mobiles des ailes, des éléments de carénage, entre autres.
Comment anticipez-vous l'évolution de votre activité ?
À court terme, il n'y a pas de nouveaux grands programmes en vue sur lesquels nous pourrions nous positionner. Mais nous allons absorber la montée en puissance des cadences pour le nouveau A350, sans oublier que les A330 et A320 ont bénéficié de modernisations, sous les formes « neo », qui reçoivent un accueil très favorable du marché. En ce qui concerne notre chiffre d'affaires, il y aura peut-être de légères turbulences pendant la période de transition entre les anciens et les nouveaux modèles mais, fondamentalement, les perspectives sont bien évidemment positives, pour autant cependant que nous restions dans les rails sur le plan de la compétitivité.
Un contrat signé pour un programme qui doit durer vingt ou trente ans n'est donc pas une garantie absolue ?
La demande d'avions est heureusement très soutenue à long terme, mais la compétition commerciale entre constructeurs est très dure. Airbus comme Boeing mettent fortement leurs sous-traitants sous pression en leur demandant des diminutions de coûts. De telles clauses sont prévues, dès le départ, dans les contrats et constituent autant de contraintes qui nous obligent à constamment nous améliorer. S'y ajoute le fait que, pour sécuriser leur approvisionnement, les grands constructeurs réfléchissent à l'opportunité de travailler en double source.
Quelles sont vos perspectives en matière d’emploi ?
Nous avons augmenté nos effectifs de quelques dizaines de personnes ces dernières années, et nous allons rester stables à court terme. Ceci ne signifie pas que nous ne recrutons plus : nous assistons au départ à la retraire des baby-boomers dont nous devons planifier le remplacement, ce qui demande beaucoup de travail en ce qui concerne les ressources humaines.
Quels sont les profils que vous recherchez ?
Nous travaillons dans un domaine où la qualité, la sécurité, les délais, la rigueur et le respect des procédures et des normes de certification constituent des impératifs absolus. Sur le plan de la production, la capacité de travailler dans un tel contexte est donc impérative. S'y ajoute bien entendu le background technique : nous éprouvons comme tous les industriels des difficultés à recruter des techniciens et ouvriers qualifiés, étant entendu qu'ils doivent disposer de la base indispensable pour intégrer nos programmes de formation. C'est un problème récurrent, dont les causes sont multiples comme vous le savez.
Qu'en est-il à propos des bureaux d'études et du management ?
Nous sommes confrontés au fait que notre pays ne forme plus assez d'ingénieurs, ce qui nous oblige à compléter nos effectifs en nous tournant vers la France. Parmi les critères auxquels nous veillons figurent aussi des qualités personnelles : nous travaillons beaucoup en équipes, et sur une base internationale puisque nous avons des contacts réguliers avec l'Inde, la Roumanie, le Maroc ou encore le Brésil notamment. Nos ingénieurs doivent aussi intégrer des contraintes multiples : technologiques bien entendu, mais aussi de coût, de productivité. Une solution ne s'impose plus, désormais, sur une seule et unique base technique. La logistique et la gestion des achats sont aussi des domaines auxquels nous sommes particulièrement attentifs, et qui nous poussent à nous ouvrir à d'autres profils, comme des ingénieurs de gestion par exemple.
Vous évoquez des difficultés de recrutement pour certains profils. N'êtes-vous pas suffisamment attractifs ?
Ce n'est pas à ce niveau-là que cela se joue : nos offres recueillent énormément de succès et, en dehors de celles-ci, nous recevons beaucoup de candidatures spontanées. À Bruxelles, nous sommes le deuxième employeur industriel après Audi et, vu notre activité, notre attractivité est naturelle. Ce qui pose problème, c'est l'adéquation de ces candidatures avec nos besoins et donc, au sein de ces candidatures, la proportion trop faible de profils techniques tels que ceux évoqués ci-dessus. C'est donc à la base, dès le plus jeune âge, qu'il faut susciter des vocations et inciter les jeunes à choisir des études qui les mèneront indubitablement à l'emploi.
Benoît July