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Lutosa cultive sa belgitude

Date de publication: 20 mars 2015
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Spécialisée dans la transformation des pommes de terre, en frites notamment qu'elle exporte dans le monde entier, Lutosa compte recruter une trentaine de collaborateurs cette année. Essentiellement des techniciens pour sa vaste usine située à  Leuze-en-Hainaut.

La frite belge se porte bien, merci pour elle. En particulier chez Lutosa, cette entreprise qui en exporte plusieurs centaines de milliers de tonnes chaque année. En conservant sa culture d'entreprise familiale, apparemment très appréciée par ses collaborateurs comme en témoigne Erwin Wuyts, son patron que nous avons interrogé en exclusivité.

Lutosa est bien connue par ses campagnes de pub. Qui se cache derrière cette marque ?

Nous sommes une société d'origine familiale qui a longtemps été dirigée par les frères Guy et Luc Van den Broeke, et qui appartient aujourd'hui au groupe canadien McCain. Nous sommes spécialisés dans la transformation des pommes de terre en frites surgelées et en flocons notamment, que nous exportons à  plus de 95 % dans plus de 110 pays dans le monde. Et ce, au départ de deux usines, l'une en Flandre et l'autre en Wallonie, qui fabriquent quelque 360 000 tonnes de produits en rythme annuel.

Qu'est-ce qui explique le succès des frites à  l'international ?

Nous bénéficions du succès de géants de la restauration rapide comme McDonald, Burger King et autres Kentucky Fried Chicken qui ont popularisé la consommation des frites bien au-delà  des frontières des États-Unis. Tout le monde mange des frites aujourd'hui, tant en Amérique du Sud qu'en Asie, en Afrique ou au Moyen-Orient. Dans ce vaste marché, nous cultivons notre spécificité : nous sommes belges, bien évidemment, et nous veillons à  conclure des partenariats à  l'échelle locale avec des distributeurs qui ont la même mentalité entrepreneuriale que nous et veulent diversifier leur gamme de produits.

Les ventes sont-elles en croissance ?

Le chiffre d'affaires est peu pertinent, car il fluctue en fonction de l'évolution du cours, très volatil, de la pomme de terre. Les tonnages, en revanche, sont plus significatifs et sont effectivement en croissance. Nos produits connaissent un vrai succès et je suis persuadé que ce n'est pas terminé.

Quels sont, dès lors, les profils que vous recherchez ?

Nous fonctionnons de manière très efficace avec nos équipes commerciales et administratives, qui sont au complet : nous travaillons avec des commerciaux véritablement multilingues, de sorte qu'avec moins d'une dizaine de personnes, nous répondons à  nos clients en chinois, en japonais, en grec ou en espagnol ! Nous sommes aussi très bien pourvus en profils relatifs à  la recherche et développement, à  la traçabilité et à  la sécurité alimentaire par exemple. C'est dès lors essentiellement dans la production que nous recherchons des compétences.

Soit autant de profils techniques ?

Nous recherchons des profils qui sont susceptibles de travailler dans notre usine : une trentaine de personnes affichant des compétences en électromécanique, en électricité, en automation notamment. Ce n'est pas simple, évidemment, car de tels profils sont très recherchés, mais nous avons la chance de bénéficier d'une bonne attractivité : nous recevons une bonne centaine de candidatures spontanées chaque mois, qui malheureusement ne correspondent pas toutes à  nos besoins actuels.

D'où votre présence au salon Talentum ?

Un tel événement permet de rencontrer, en un seul après-midi, une multitude de candidats : non seulement des chercheurs d'emploi au sens strict, mais aussi des profils qui souhaitent réorienter leur carrière puisque le salon reste ouvert en soirée. C'est très important pour nous, car nous avons délibérément fait le choix d'internaliser notre procédure de recrutement et de sélection : nous devons donc être présents sur le terrain, au plus près des candidats, afin de les rencontrer et nourrir notre base de CV. Nous pensons en effet qu'en contrôlant davantage ce processus, plutôt que de le confier à  des prestataires externes, nous sommes plus en phase avec le marché et raccourcissons sensiblement les délais pour procéder à  un recrutement.

Des personnes faiblement qualifiées n'ont-elles aucune chance chez Lutosa ?

On ne travaille plus dans une usine comme il y a vingt ans : les opérateurs qui restent à  leur poste de travail toute la journée, le long de la chaîne de production, ont quasiment disparu. Les gens qui travaillent à  la production sont de véritables techniciens qui doivent faire preuve d'initiative, de flexibilité, de mobilité. C'est ce qui explique qu'une personne faiblement qualifiée part très certainement avec un désavantage. Mais elle peut néanmoins nous intéresser pour autant qu'elle nous démontre une forte envie d'apprendre et de progresser : sa personnalité doit, dans ce cas, faire la différence.

De nombreux collaborateurs français travaillent chez vous. Pourquoi ?

Parce que nous sommes à  deux pas de la frontière et parce que, pendant des années, les Français ont bénéficié d'un statut de travailleur frontalier qui leur était fiscalement favorable. Cet avantage a disparu, mais nous restons attractifs pour deux raisons : nos salaires horaires sont plus élevés qu'en France et, surtout, le nord de la France connaît un taux de chômage très élevé. Cela nous arrange aussi, vu que cela nous permet d'élargir notre spectre de recherche, en particulier pour les compétences en pénurie.

Quels sont les éléments qui fondent votre attractivité ?

Nous avons la faiblesse de croire que nous sommes un employeur qui compte : 600 personnes sur le site de Leuze-en-Hainaut, ce n'est pas rien ! Nous avons aussi la réputation de payer correctement nos collaborateurs et, la faible rotation de notre personnel le démontre, les gens sont contents de travailler chez nous. Il faut être beaucoup plus attentif aujourd'hui aux attentes individuelles de chacun alors qu'il y a vingt ans, c'était plutôt au niveau collectif que tout se négociait. Nous sommes donc à  l'écoute, notamment de celles et ceux qui veulent changer de responsabilités, évoluer, progresser, et nous pouvons nous le permettre, car nous sommes une entreprise en croissance.

Vous faites désormais partie d'une multinationale, mais continuez de capitaliser sur votre culture d'entreprise « Lutosa ». Pourquoi ce choix ?

Parce que c'est notre identité. Qu'est-ce qui, fondamentalement, fait la différence ? Ce ne sont pas nos produits en tant que tels – nous ne sommes par les seuls à  transformer des pommes de terre – ni même nos méthodes de production – même si nos machines sont à  la pointe. Ce qui nous distingue, c'est notre histoire, nos valeurs et dès lors nos collaborateurs. Nous veillons donc à  conserver notre culture d'entreprise familiale en dépit de notre taille. C'est d'ailleurs ce qui fonde aussi notre succès auprès de nos clients.

Vos clients préfèrent s'adresser à  une « entreprise familiale » ?

Chaque année, nous en invitons un certain nombre pendant une semaine en Belgique. Nous leur faisons visiter notre usine, nos labos, les champs où nos pommes de terre sont cultivées et récoltées. Nous les emmenons aussi à  la rencontre du pays, en visitant des villes comme Bruges ou Bruxelles par exemple. C'est un gros investissement, mais cela fonde aussi notre identité belge auprès d'eux. La belgitude est une image à  laquelle nous sommes très attachés.

Benoît July