Prayon affirme ses ambitions vertes
Spécialisé dans la chimie des phosphates, le groupe Prayon s’est fortement tourné vers le développement durable. Il y voit un élément essentiel de son attractivité. Des batteries dédiées aux nouvelles générations de bus électriques. De nouveaux engrais diffusés en goutte-à -goutte à la racine des plantes pour limiter leur impact sur l’environnement. Autant d’applications pour lesquelles la technologie de Prayon est indispensable, estime Yves Caprara, son patron.
Prayon est un leader mondial… pas très connu. Pourquoi ?
Pour une raison simple : nous ne vendons rien au grand public. Nous sommes un groupe spécialisé dans la chimie des phosphates, dont les produits comme les acides phosphoriques purifiés ou les sels de phosphates sont eux-mêmes utilisés comme matières premières dans la fabrication de produits finis. Dans nos domaines de spécialités, nous disposons d’un véritable leadership, y compris sur le plan technologique puisque nos procédés de fabrication sont utilisés pour la production de plus de la moitié de l’acide phosphorique à l’échelle mondiale.
Quels sont vos marchés ?
Nos produits sont utilisés dans l’alimentation (boulangerie, viande, fromage fondu, poissons et de fruits de mer, entre autres), dans les applications industrielles (traitement de l’eau et des métaux, céramique, verre, retardateurs de flamme…) et dans l’agriculture. Ce dernier marché est très représentatif de notre stratégie qui est fortement orientée vers le développement durable. Alors que, historiquement, les phosphates étaient utilisés en très grande quantité, avec une perte dans l’environnement d’environ la moitié de ce qui était mis sur les champs, nous nous sommes tournés vers l’horticulture et l’agriculture de précision : nos produits sont utilisés comme fertilisants dispensés en goutte à goutte directement à la racine de la plante, ce qui conduit d’une part à une plus grande efficacité pour l’utilisateur mais aussi d’autre part une très forte diminution de la dispersion dans l’environnement.
Toujours sur le plan durable, vous travaillez au stockage de l’énergie électrique. De quoi s’agit-il ?
La molécule de phosphate est performante pour stocker l’électricité dans des batteries et la restituer sans surchauffe excessive: une caractéristique très intéressante quand on pense par exemple aux bus électriques dont les batteries sont soumises à de gros efforts. Nous avons fortement investi dans le développement de cette technologie et noué des partenariats. La Chine, par exemple, est très intéressée en raison du niveau de pollution de ses grandes villes. Il s’agit d’une tendance lourde à l’échelle mondiale: de nombreuses grandes villes ont fait le choix de bannir les moteurs diesel à brève échéance.
C’est donc par la technologie que votre groupe continue de se déployer dans le monde ?
La technologie n’a de valeur qu’en raison de la valeur ajoutée qui est délivrée au client. Nous avons cette chance de bénéficier d’une image a priori favorable, liée précisément à notre maîtrise technologique et à la qualité de nos produits. La confiance est là mais nous devons bien évidemment constamment nous en montrer dignes. Un agriculteur qui utilise le goutte-à -goutte voit très directement l’impact positif sur sa production, l’efficacité d’une batterie se mesure très rapidement…
Quels sont dès lors les profils qui vous intéressent ?
Ils sont intrinsèquement liés à la technologie, tant au niveau de la R&D que du marketing ou de la production. Les besoins les plus criants concernent les techniciens spécialisés mais aussi les ingénieurs. De par nos activités, ceux-ci sont essentiellement chimistes, avec cette exigence essentielle de bien comprendre les besoins du client afin de lui délivrer les fonctionnalités qu’il recherche. Nous avons par exemple en interne des labos qui reproduisent au plus près les conditions d’utilisation de nos produits afin de nous assurer que la performance attendue sera bien au rendez-vous.
Vous évoquez des profils spécialisés. Peu de place pour des juniors ?
Nous recrutons aussi des jeunes ingénieurs, en veillant particulièrement à ce qu’ils puissent évoluer dans la société. Les soft skills sont dès lors très importantes à nos yeux : comment vont-ils s’intégrer dans nos équipes, évoluer sur le terrain, s’impliquer dans des projets pluridisciplinaires qui, à mes yeux, valent autant si pas davantage que les études de cas qu’on étudie dans les MBA ? De telles aptitudes sont relativement difficiles à cerner et c’est une des raisons pour lesquelles nous veillons à accompagner nos nouveaux collaborateurs par le biais d’un parrainage : il est important de savoir après six mois, d’un côté comme de l’autre, si nous ne nous sommes pas trompés.
Quels sont les éléments de votre attractivité ?
Nos métiers sont fondamentalement utiles à la société, dans une perspective durable : aider l’agriculture à consommer moins de fertilisants, soutenir l’indispensable développement des énergies vertes, œuvrer à des villes plus propres et plus saines. Nous avons la chance de ne pas devoir nous poser de questions existentielles sur nos débouchés puisque nous sommes convaincus d’œuvrer au bien de l’humanité.
Pareille image orientée «développement durable» n’est tout de même pas très connue…
En sus du fait que nous ne vendons pas au grand public, nous avons souffert de l’image globale de l’industrie qui n’a pas toujours été positive dans notre pays. Mais les industriels sont désormais beaucoup plus attentifs à ce sujet, aux relations qu’ils entretiennent avec les riverains et avec la société au sens le plus large. Il faut aussi reconnaître que nous étions sur la défensive il y a vingt ans, lorsque les détergents à base de phosphates étaient dans la ligne de mire. Nous avons fortement évolué depuis lors !
Les salaires dans votre secteur sont réputés être élevés. Est-ce aussi un facteur d’attractivité ?
Nous sommes dans le marché et procédons à des comparatifs réguliers. Mais nous n’apprécions pas trop les candidats qui ne sont intéressés que par le salaire : nous voulons qu’on nous rejoigne pour de bonnes raisons, qui sont aussi celles qui justifient la fidélité de nos collaborateurs. Beaucoup de nouveaux collègues nous rejoignent par le bouche-à -oreille, par le biais des conversations qu’ils ont eues avec celles et ceux déjà présents dans l’entreprise. Ils savent que nous veillons à y promouvoir l’autonomie, la créativité, le dynamisme, le travail en équipe, la transversalité et que nous sommes aussi très attentifs à l’égalité entre hommes et femmes.
Les femmes sont-elles une « cible » en matière de recrutement ?
Nous n’avons pas de stratégie en ce sens, mais nous constatons que les femmes se plaisent bien chez nous, pour diverses raisons. La première est que nous sommes parfaitement équitables : notre organigramme prouve que des femmes accèdent à des fonctions à haute responsabilité, exercent des fonctions de direction. La deuxième raison est liée au fait qu’il y a aujourd’hui davantage de femmes qui terminent leurs études avec un diplôme d’ingénieur, et il est donc normal que nous les recrutions. La troisième raison, qui ne concerne d’ailleurs pas seulement les femmes, est la très forte attention que nous accordons à l’équilibre entre sphères professionnelle et privée : pas de réunion à 8 heures du matin ou le vendredi en soirée, planification des réunions les plus importantes de l’année dès le mois de janvier pour que chacun puisse s’organiser. Ce n’est pas le nombre d’heures de présence au bureau qui importe, mais l’efficacité…
Benoît July