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Un employeur peut-il empêcher ses salariés d'aller voir ailleurs ?

Date de publication: 13 juin 2014

On connaissait les ententes secrètes sur les prix, mais beaucoup moins celles de non-débauchage entre entreprises. C'est pourtant un véritable « cartel des embauches » que vient de mettre à  jour le tribunal de San Jose, en Californie, à  la suite d’un recours collectif (Civil Class Action) de près de 64 000 salariés.

Ces derniers estimaient avoir été lésés en matière de rémunération et d'évolution de carrière. En cause : le pacte qu'auraient signé sept entreprises de la Silicon Valley pour ne pas se piquer leurs salariés respectifs. La plainte accusait les hauts dirigeants des entreprises concernées d'avoir élaboré un réseau interconnecté de pactes explicites pour éliminer toute concurrence entre eux sur les travailleurs qualifiés. Les sociétés ayant adhéré à  ces « pactes » devaient ne pas tenter de recruter leurs employés respectifs et ne pas faire de contre-offre si un employé négociait avec l'une d'elles.

L'effet espéré – et réel – de ces accords a été de contrôler les salaires des employés et d'imposer des limites illégales à  leur mobilité, toujours selon cette plainte. Des échanges d'e-mails entre Steve Jobs, le défunt fondateur d'Apple, et Eric Schmidt, le président exécutif de Google, alors directeur général, puis avec le directeur des ressources humaines d'Apple ne laissaient planer aucune ambiguïté et évoquaient l'élargissement de ce pacte à  d'autres concurrents.

Comme c'est souvent le cas outre-Atlantique, l'affaire s'est réglée à  l'amiable, entre avocats. Quatre géants de la tech – Apple, Google, Adobe et Intel – se sont engagés à  verser pas moins de 238 millions d'euros (324,5 millions de dollars) de dédommagement aux plaignants, mettant un terme à  toutes les poursuites. Les trois autres accusés – les deux filiales de Walt Disney (Pixar et Lucasfilm) et le développeur de logiciels Intuit – s'étaient déjà  mis d'accord avec les plaignants pour un règlement de l'affaire à  l'amiable. Walt Disney doit leur verser 9 millions de dollars et Intuit 11 millions.

En Belgique, où les développeurs hyperspécialisés sont rares, la méthode est évidemment tentante. Les entreprises qui disposent de ces compétences ont bien envie de les conserver dans leur giron. Mais les entreprises de service numérique, qui déploient parfois pendant plusieurs mois leurs salariés chez leurs clients, font généralement signer des clauses de non-sollicitation. Du coup, les informaticiens sont coincés : impossible d'aller travailler chez les clients. Et lorsqu'ils s'en vont à  la concurrence, ils ne voient pas leurs salaires augmenter. Étonnant, non ?