Bientôt les vacances : réussirez-vous à vous déconnecter du boulot ?

Les vacances, c'est sacré, dit-on. Oui, mais... Un collègue resté au bureau tente de vous contacter pour régler un problème qu'il considère urgent. Si vous n'êtes pas en trek dans l'Himalaya ou sur une île déserte, le message vous parviendra sans doute. Alors, bafouement de votre droit à la déconnexion ou pas ?

Travail et vacances

Sous l'impulsion de l'UE, la législation belge prévoit, depuis le printemps dernier, l'obligation pour toutes les entreprises de plus de 20 personnes de mener une réflexion avec leurs collaborateurs par rapport à l'organisation du droit à la déconnexion.

La déconnexion, un droit pas si neuf que ça

À propos de réflexion, il en est une que nous partage d’emblée Olivier Marcq, Juriste spécialisé en ressources humaines chez Acerta : « La question du droit à la déconnexion n'est en fin de compte pas si neuve. Depuis des décennies, la loi imposant la limitation de la durée du travail offre déjà un une forme de droit à la déconnexion de l'environnement de travail. Au niveau du Code du travail, la loi de 1971 stipule ‘qu'on est à la disposition de l'employeur quand on travaille’. Elle fixe en outre des durées maximales de travail par jour, par exemple 8 heures, parfois plus dans certains cas. » Précision importante : ces limites ne s'imposent pas à toutes les catégories de personnel, notamment au personnel de direction.

Déjà donc il y a plus d’un demi-siècle, le législateur était bien conscient qu’il fallait placer des garde-fous pour assurer un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Il faut dire qu’avant ça, il n’était pas si rare qu’un directeur appelle un employé à 9h00 du soir… sur sa ligne fixe ! Que dire alors de nos jours de la tentation de contacter un collaborateur sur son GSM, par mail, WhatsApp ou tout autre moyen de communication à toute heure du jour et de la nuit ?

Une société de l’immédiateté

À ce propos, notre interlocuteur note « qu'au sein des entreprises, on voit de plus en plus de services créer leur propre groupe WhatsApp. En théorie, ces groupes sont informels ; au départ, on y partage des photos et des commentaires sympas. Après quelques temps, ils deviennent, dans les faits, un canal par lequel on fait transiter des messages de nature professionnelle, avec parfois des demandes urgentes, en soirée, le week-end ou durant vos vacances. »

La crise sanitaire et l'extension du télétravail ont évidemment accentué cette tendance. Et puis, plus globalement, ne vit-on pas de plus en plus dans une société de l’immédiateté, où ne pas répondre à un appel ou un message est mal vu ? « C'est évidemment encore renforcé s'il y a une relation hiérarchique ou une culture d'entreprise où on a instauré ce type de mécanismes comme quelque chose d'habituel », complète Olivier Marcq.

Respecter les sensibilités

Pour faire face à ce type de dérives, certaines entreprises ont pris des décisions relativement radicales. Exemple : couper les accès à leur infrastructure IT de 18h à 8h le lendemain. Fervente partisante du droit à la déconnexion, Caroline Decamps, Directrice générale d'IDEA, note cependant que ce n'est pas toujours la solution optimale : « Certains collaborateurs sont très stressés par ce type de système. S’ils désirent interrompre leur travail dans l'après-midi, par exemple pour aller chercher leurs enfants à l'école, ils se remettront à travailler le soir afin d'atteindre leurs objectifs. Avec une déconnexion au serveur de l’entreprise, ce n’est pas possible. »

L’agence de développement territorial du Cœur du Hainaut a dès lors opté pour plus de souplesse : « Nous avons défini une politique de droit à la déconnexion à partir d’un groupe de travail réunissant des collègues volontaires, en nous appuyant sur trois piliers : confiance, autonomie et responsabilisation. En clair, la déconnexion ne doit pas être imposée par la hiérarchie de l’entreprise, qui prétendrait détenir une vérité unique. Outre les cadres légaux, il faut respecter les sensibilités de chacun. »

Vous avez dit « urgent » ?

En termes de sensibilité, Olivier Marcq remarque que parmi les travailleurs, il existe généralement deux types de profils distincts : « D’un côté, il y a les ‘intégrateurs’, qui gèrent très bien le fait de garder un œil sur ce qui se passe au sein de leur entreprise et, par exemple, de répondre à des mails, même pendant leurs vacances. De l’autre, il y a les ‘séparateurs’, qui font une scission stricte entre le travail et la vie privée. »

Caroline Decamps confirme aussi que « certaines personnes préfèrent consulter leurs mails en vacances tous les deux jours, parce que ce serait ingérable d'en traiter des centaines à leur retour de congé. » Pour elle, une fois encore, il faut laisser à chacun la liberté de s’organiser comme il l’entend : « Il faut aussi songer à mettre en place des choses simples, avant son départ en vacances, comme laisser un message d'absence sur son répondeur et sa boîte mail ou mettre un backup de ses dossiers à la disposition de ses collègues. Rien que ça, ça enlève une pression énorme. »

Reste maintenant encore la proverbiale question de l'urgence, ô combien subjective. Pour Olivier Marcq, « la meilleure démarche en la matière est de discuter au préalable au sein de l’entreprise de ce qui revêt un caractère urgent ou non. Si la politique de l'entreprise ne semble pas claire pour tous les collaborateurs, il faut absolument lever les incertitudes. »

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