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Choix des études : prendre des risques et accepter l’incertitude

Rédigé par: CAROLINE DUNSKI
Date de publication: 5 déc. 2022
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S’orienter vers des études supérieures ou se réorienter en cours de cursus académique, voire même après être entré dans la vie active depuis plusieurs années, c’est poser un choix en explorant ce qui existe et ce que l’on sait de soi-même, puis trancher.

Michèle Devillez-Nisol est psychologue clinicienne et travaille en libérale, mais aussi dans le service psychologique de la Haute École Francisco Ferrer, qui propose des consultations d’orientation aux étudiants.

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Michèle Devillez-Nisol, psychologue clinicienne à la Haute École Francisco Ferrer

En quoi consistent les consultations d’orientation réalisées par le service psychologique ?

Elles concernant les problèmes liés au choix des études et les suivis psychologiques pour tout problème qui met en péril le cursus des étudiants. Je reçois des étudiants qui se demandent s’ils ont fait le bon choix au départ, parce que ce qu’ils découvrent n’était pas nécessairement attendu, ou qui hésitent encore, une fois inscrits, entre plusieurs options. Il y a aussi des étudiants qui se disent que les études choisies ne leur conviennent vraiment pas et souhaitent être réorientés. Et puis, il y a les périodes davantage marquées par les évaluations, les sessions d’examens liées au premier ou au deuxième quadrimestre, où un échec peut éventuellement les remettre en question.

Quelles différences faites-vous entre orientation et réorientation ?

C’est une question d’accent. Dans l’orientation il y a un saut dans l’inconnu, on oriente la personne vers quelque chose de tout à fait nouveau et il y a une décision à prendre, tandis que la réorientation oblige à tenir compte d’un premier choix qui a été posé et ne semble pas convenir ou, en tout cas, qui n’est plus possible. Dans la réorientation, on va tenir compte du sens et de l’effet qu’un échec a eu sur la personne. Il y a aussi une différence de publics. L’orientation s’adresse plutôt aux rhétoriciens. Quand on a 18 ou 19 ans, on peut faire un choix en fonction de ce qui nous intéresse, puis il y a l’adulte qui doit décider, dans son travail quotidien, de ce qui l’intéresse. Entre les deux, il y a parfois quelques années qui se sont écoulées, et puis on peut être intéressé par un tas de chose sans nécessairement vouloir en faire un métier.

Il y a aussi l’éventuel décalage entre les études et le choix d’un métier.

Tout à fait. Dans les études supérieures, ce peut être un petit décalage, voire même un gros. Surtout quand ce sont des études qui ne sont pas spécifiquement professionnalisantes. Elles ouvrent alors un champ des possibles très important et vous permettent d’entrer dans une réflexion théorique qui peut vous servir dans des tas de domaines différents. Faire des études universitaires ne va pas nécessairement vous coincer dans le domaine que vous avez choisi. Quand vous faites un bachelier professionnalisant, généralement, il y a un plus grand intérêt pour le métier en tant que tel. On pourrait dire, en schématisant, que l’on vous donne une culture générale très spécifiquement liée au métier que vous allez exercer. Les études universitaires ne mènent pas spécifiquement à un métier.

carrière

Comment faire le « bon choix » ?

Il faut d’abord le poser. On ne peut pas savoir à l’avance s’il sera bon ou mauvais. Ce n’est qu’après coup et en l’expérimentant qu’on peut dire si c’est un bon choix. Cela peut être après quelques jours, mais cela peut parfois prendre des années. C’est toute la difficulté, quand on définit l’orientation. On trouve dans ce mot quelque chose qui relève de l’exploration de tout ce qui existe et de ce qu’on sait sur soi-même, puis le fait de prendre une décision. Ce sont deux opérations totalement différentes : prendre une décision, ça veut dire trancher, alors qu’on ne sait pas à quoi on s’engage exactement. On a pris des informations, on essaye de limiter la casse, on s’est fait des projections plus ou moins bonnes de ce à quoi on pouvait s’attendre, mais il reste cette part de risque et on ne peut pas garantir un choix.

Quels sont les outils disponibles pour aider à faire un choix ?

Il y a plein d’outils très différents qui sont tous prétextes à entamer une réflexion sur ce qu’on désire, sur ce qu’on veut, sur ce qu’on attend, sur ce qui existe. Ce sont des outils qui permettent, en quelque sorte, de cristalliser toutes ces questions-là, mais ça ne fait pas le fond du processus de choix en tant que tel. Il faut aussi une très bonne information pour faire la part des choses entre ce qu’on imagine et ce que l’on va effectivement rencontrer. On imagine très vite à partir des intitulés et de ce que les gens nous disent, puis ce que nous rencontrons ne correspond pas tellement à cela, mais plus à la façon dont nous-mêmes réagissons à ces rencontres.

Quels seraient les éléments les plus importants auxquels il faudrait faire attention dans le cadre d’une réorientation ou d’une orientation ?

Cela dépend de la personne. Le fait qu’il y ait un intérêt pour certaines matières et pas pour d’autres est quelque chose dont il faut absolument tenir compte. Mais cela peut être un piège aussi, parce que certaines matières enseignées en secondaire n’ont plus rien à voir avec les études qui portent le même nom en supérieur. Quand vous arrivez en fac d’histoire, c’est tout autre chose qu’on vous apprend que ce que vous avez étudié en secondaire. Des étudiants qui ont eu cours de comptabilité en secondaire tombent parfois de très haut quand ils entament un bachelier en comptabilité, parce que ça ne ressemble que de très loin et qu’il y a quantité de champs connexes qui sont abordés et qui ne correspondent pas nécessairement à ce qui les avait attirés. Ce peut être un bon indicateur, mais certainement pas le seul.

Quels intérêts peuvent constituer des salons tels que celui qu’organise le SIEP ?

Cela dépend de ce qu’on y met. Cela peut être vu comme une immense bibliothèque avec, par conséquent, la nécessité de faire un tri dans tout ça, tant pour les élèves que pour les parents. Mais il y a des écoles qui préparent fort la visite du salon avec leurs élèves en faisant des exercices, en déterminant ce qu’ils vont voir, en établissant une liste de questions pour avoir déjà quelques idées… Dans ces salons, on peut rencontrer des étudiants et des professionnels qui vous expliquent un petit peu ce que sont les études ou les professions, à quoi ça ressemble, et qui vous donnent les informations que vous pourrez alors pousser plus loin éventuellement dans votre recherche de choix d’études.

Le contexte et les attentes ont-ils changé depuis la parution du livre Choisir ses études supérieures en Belgique francophone – Rêver, construire, agir : une question d’orientation, coécrit avec Anne Verriest et paru en 2015 ?

C’est une question très difficile, parce que chaque demande d’orientation est différente et il est donc très difficile de les comparer. Intuitivement, je pense que la pandémie a changé beaucoup de choses parce qu’elle fragilise les décisions et les certitudes. Mais cela ne doit donc pas nécessairement être pris négativement, dans la mesure où on fait aussi avec l’incertitude.