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Comment devenir un créateur dans l'entreprise ?

Date de publication: 15 mars 2013
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Lancer sa propre entreprise avec le soutien de la société qui vous emploie : cette formule déchaîne les passions, mais implique un vrai savoir-faire de la part du salarié comme de la direction. L’intrapreneuriat, un moyen de s’émanciper du salariat ou d’innover pour le compte d’autrui ?

Créer des entreprises à l'intérieur d'une entreprise. Le pari semble risqué. Pourtant, de plus en plus de sociétés donnent à leurs salariés les moyens financiers et matériels de lancer leur propre projet. À l'instar de l'emblématique Google et de son concept Innovation Time Off, les entreprises les plus innovantes accordent entre 10 % et 15 % de leur temps à leurs employés pour se consacrer à l'innovation sur des idées qui sont jugées capables d'apporter un bénéfice pour l'entreprise.

Succès commercial, le Post-it de 3M est né sous l'impulsion d'un « intrapreneur ». Un rien jargonneux, ce terme désigne  une figure hybride entre l'entrepreneur, le manager et le chef de projet, explique Rudi Broos, Innovation Director chez Bell Labs Belgium d’Alcatel-Lucent. Apparu aux États-Unis dans le milieu des années 70, l'intrapreneuriat consiste à promouvoir l'innovation et à stimuler les comportements entrepreneuriaux à l'intérieur de l'entreprise. Microsoft, Alcatel-Lucent ou encore Accenture cultivent ces pratiques en interne.

Pour Rudi Broos, l'entrepreneur est vu comme aventurier, courageux, passionné, créatif, avec un besoin d'indépendance marqué... À l'opposé, le salarié est souvent considéré comme un exécutant, soucieux d'agir dans le respect des consignes de sa hiérarchie. L’intrapreneur, lui, concrétise la synthèse des deux : il n'a pas son pareil pour sentir l'air du temps, capter les opportunités et les transformer en activités lucratives. Grâce à son projet, le salarié peut se retrouver catapulté sur le devant de la scène, décrocher un titre, une prime, une promotion. Et de plus en plus souvent, créer sa propre société.

Développer son projet

Comment procéder ? David Vermeersch travaille comme Strategy Consultant chez Accenture Belgique et Luxembourg. Il y a quelques mois, son employeur lance un concours interne. Objectif : détecter les innovations les plus porteuses. Si l'idée est considérée comme viable, elle est financée. Plusieurs projets étaient en lice. Tout le monde voulait y participer, raconte David. Cette année, environ 300 consultants (sur 1 200 employés) ont déjà fait part de leurs idées. Sur son temps libre, David met au point un modèle d’application web pour faciliter la rédaction des rapports business. J'ai d’abord cherché un partenaire au sein de l’entreprise. Puis, un développeur web, car je n’ai pas de connaissances en programmation. Ensemble, nous avons convaincu la direction générale de l'intérêt de notre projet, explique-t-il.

Un premier panel d'experts et de scientifiques revoient les initiatives puis, lorsque les projets apparaissent prometteurs, un second comité, composé d'experts et de membres du management, sélectionne ceux qui ont démontré leur capacité à apporter un réel avantage compétitif. Des moyens internes et externes sont alors mobilisés pour mener à terme les innovations. Résultats : après quatre mois de coaching, un soutien logistique et financier, le projet voit le jour sous la forme d’une startup. Depuis février, nous gérons la société en toute autonomie. Seule particularité : notre ancien employeur est devenu notre principal actionnaire.

Étendre ses compétences

La négociation, la performance, la vente, le financement, le leadership, la gestion du personnel, l'éthique et l'innovation… Le salarié doit acquérir le même état d'esprit et les mêmes outils que l'entrepreneur. Comment bâtir des parcours professionnels pour ces salariés ? Pour Steve Goossens, Senior Manager en Management Consulting chez Accenture Belux, il faut d’abord instaurer un écosystème propice à l’innovation. Dès qu’un intrapreneur reçoit le feu vert pour son projet, il doit pouvoir s’y consacrer à 100 %. Comme d’autres, le cabinet de consultance a lancé un programme d’accompagnement, AIDA pour Accenture Innovation Delivery Accelerator. Un programme réalisé partiellement en externe, avec le Founders Institute. L’idée ? Mettre les intrapreneurs au contact de vrais entrepreneurs pendant quatre mois. Objectifs : coaching, réseautage et développement des compétences entrepreneuriales.

D'autres favorisent un accompagnement interne. Comme Alcatel-Lucent qui a lancé un programme d'Intrapreneurial Boot Camp, en 2004. Nous essayons de créer une « collaboration compétitive » : dès que les équipes entrent en compétition, une émulsion s’opère et les salariés essaient vraiment de se surpasser, explique Rudi Broos, Innovation Director chez Bell Labs Belgium. C’est à ce moment-là que les vrais intrapreneurs commencent à sortir du lot. Ce salarié devient un visionnaire pragmatique capable d'« anticiper plus tôt, plus vite ». Surtout, le salarié-entrepreneur doit être porté par la direction et les cadres dirigeants. Car les entreprises les plus performantes en termes de créativité sont managées par des seniors qui ont le souci de préserver et d'encourager la prise de risque.

Les +

L'intrapreneuriat est une manière de s'affirmer, à l'instar d'autres. Il offre l'avantage au salarié de bénéficier de plus d'autonomie, de plus de responsabilités. Il confère une certaine liberté, permet des espaces de travail dans lesquels la collaboration est mise en avant. Et cela est un atout majeur pour ce type d'activité. Beaucoup s'essaient à un résultat qui concerne l'informatique, le design ou encore la communication. L'interactivité entre les personnes est du coup plus directe et les travaux tournés vers un résultat concret et à court terme.

Les -

Certaines difficultés peuvent émerger lorsque l'intrapreneur agit à l'intérieur d'une compagnie relativement hiérarchisée. Plus le nombre d'employés est important et plus l'entreprise est installée, plus les processus internes peuvent être complexes à faire évoluer. Par essence, les projets innovants des intrapreneurs remettent en cause le statu quo et sont parfois perçus comme de futurs compétiteurs en interne ou comme des consommateurs de ressources humaines déjà comptées. Bref, ils dérangent l'organisation dans sa zone de confort, quand ils ne cannibalisent pas le business existant.