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Créer son propre emploi, la solution antichômage ?

Date de publication: 17 mai 2013
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Un nouveau concours, Rebonds, soutient les projets des futurs créateurs d'entreprise. Destiné aux personnes exclues du marché du travail, il propose de les accompagner à travers une coopérative d’activités. Et de les financer grâce au microcrédit. Et si les chômeurs devenaient des créateurs aidés ?

Le travail salarié occupe toute la scène. Mais il ne suffit plus à pallier le chômage. Si les initiatives sont nombreuses pour stimuler l’esprit d’entreprise, les publics fragilisés accèdent rarement à ces aides. Par manque de formations, d’informations ou de financement. Or, il y a énorme un gisement d'initiatives chez ceux qui se trouvent enfermés aujourd'hui dans la nasse de la protection sociale, explique Philippe Rangoni, Manager d'Enterprize. Dans certaines cultures, l’emploi salarié n’existe pas. Que ce soit au nord de l’Afrique ou en Amérique du Sud, les gens sont auto-entrepreneurs par nature, poursuit Philippe Rangoni. En Belgique aussi, il faut les mettre en valeur. Pour créer des emplois, créons des employeurs.

Argument de poids : un tiers des emplois nouveaux en Belgique découlent de la création d’activités. 40 % des créateurs sont des chômeurs, explique Philippe Rangoni. D’où l’idée d’un nouveau concours national, Rebonds. Objectif : stimuler l’autocréation d’emploi auprès des personnes exclues du marché du travail et donc, bien souvent, du système bancaire. Le concours leur ouvre l’accès au crédit et apporte la formation et l’accompagnement nécessaires aux projets, à travers dix coopératives d’activités.

En pratique, les coopératives d’activités permettent aux candidats-entrepreneurs de lancer leur affaire sans risque, en conservant un statut comparable à celui du chercheur d’emploi, tout en bénéficiant d’un accompagnement digne d’une couveuse d'entreprise. Dans ces structures, pas de capital de départ exigé. Les candidats continuent de percevoir leurs allocations de chômage, mais bénéficient d'un encadrement et de facilités (numéro de TVA, service de facturation, etc.) leur permettant de commencer à dégager le chiffre d'affaires indispensable pour commencer à voler de leurs propres ailes, explique Valérie Galloy, directrice d’Azimut, coopérative d’activités à Charleroi.

Ce n'est pas de l'assistanat ni de l'optimalisation fiscale : on vise la responsabilisation de l’entrepreneur par une prise en charge progressive de ses revenus, soutient Valérie Galloy. En outillant les porteurs de projets, en développant la participation individuelle, en proposant des formations et des workshops collectifs, ces coopératives créent du capital social. Elles permettent aussi d’expérimenter et de réajuster son projet d’entreprise en fonction des réalités du marché, pointe Philippe Rangoni. Au final, une personne sur trois crée son entreprise. Et 80 % d’entre elles créent une activité qui perdure dans le temps. La gestion et les services offerts par la coopérative ne coûtent rien à l’État. Avec l’activité économique générée par les candidats entrepreneurs (TVA, impôt des sociétés, lois sociales, précompte), l’argent investi est rendu l’année même aux autorités publiques, confie Valérie Galloy.

Les banquiers de la seconde chance

Autre particularité du concours : il permet de financer son activité à travers le microcrédit. Un financement inspiré du modèle de la Grameen Bank, un système de microprêts solidaires mis en place par l’économiste Muhammed Yunus, originaire du Bangladesh. Prêter de l'argent à des chômeurs... pour les aider à démarrer une entreprise ? Drôle d'idée, a priori. Trop sociale pour des banquiers. Trop libérale pour les services sociaux. Soumises à des logiques de rendement, les banques ne sont plus en capacité de rencontrer les petits entrepreneurs. Ils ne sont pas assez rentables, explique Damien Hees, Manager de l’agence microStart de Saint-Gilles.

La logique de microStart est différente : un prêt n'est ni un don ni de la charité. Mais il s'accompagne d'un service de conseil, de suivi, de coaching et de « mise en réseau » pour démarrer son activité. Si la somme est modeste (entre 500 € et 10 000 €), elle doit être remboursée, intérêts compris, en moins de deux ans. Ce qui est largement le cas. Les prêts consentis sont en moyenne de 5 000 €, répartis sur 24 mois. Les activités financées s'inscrivent dans l'économie réelle : commerce, services, bâtiment... Les personnes que nous aidons sont pour la majorité des salariés précaires ou des chômeurs de longue durée, sélectionnés en fonction de la viabilité de leur projet et de leur force de conviction, explique Damien Hees. Un tiers d’entre eux sont déjà indépendants, mais ils sont exclus du système bancaire classique.

L'aide de microStart permet aussi à certaines activités informelles de passer du noir à la lumière. Les résultats sont là. Dans le monde, le microcrédit comptait 155 millions de clients il y a deux ans, contre 13 millions en 1997. Et, à l'échelle de la Belgique, plusieurs données montrent que les « banques des pauvres » permettent de développer l'emploi. « Depuis trois ans, nous avons financé 350 porteurs de projets dans la région bruxelloise, confie Damien Hees. 65 % des entreprises que nous finançons créent à leur tour de l’emploi salarié et sont en vie deux ans après leur création. S'installe ainsi doucement parmi les décideurs et les politiques l'idée que le coût de création d'une entreprise par un chômeur est largement inférieur au coût annuel d'un chômeur, relate Damien Hees, qui se réjouit que les mentalités évoluent et qui n'hésite pas à parler d'opportunité pour les « jeunes des quartiers ».

Rafal Naczyk