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De l'entreprise à l'école: des profs venus d'ailleurs

Date de publication: 2 avr. 2001
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Des enseignants qui ont quitté la profession épuisés, frustrés, voire franchement dégoûtés, on en parle souvent. Mais des enseignants qui à  l'inverse ont rejoint le métier sur le tard, abandonnant parfois une carrière bien mieux rémunérée dans le privé ? C'est à  ces "super motivés" que Références a choisi de s'intéresser...

Anne-Catherine Burteau: "Je travaille tout autant mais mno horaire ets plus facile à  gérer"

Quand je leur ai annoncé mon départ pour l'enseignement, certains de mes collègues ont fait de grands yeux ! ", sourit Anne-Catherine Burteau (photo). On peut les comprendre : titulaire d'un doctorat en chimie, affichant déjà  une dizaine d'années de carrière chez UCB, multinationale de la pharmacie, la jeune femme disposait de tous les atouts pour grimper bien haut sur l'échelle des responsabilités. " De plus, j'avais un job intéressant, faisant le lien entre la recherche et la production. Je travaillais avec des techniciens dans des installations pilotes, je voyageais... mais j'estimais alors avoir fait le tour de la question. C'est la restructuration de 2008, le départ de nombreux collègues et une ambiance de travail dégradée qui m'ont finalement conduite à  prendre cette décision.  "

Davantage qu'une décision, c'est une révolution dans laquelle elle s'engage. Aujourd'hui professeur de chimie et de biologie au Lycée Martin V à  Louvain-la-Neuve, un établissement renommé du Brabant wallon, elle reconnaît que le passage fut moins évident à  négocier qu'elle l'avait imaginé. " J'étais bien consciente que j'allais devoir repartir de zéro, n'ayant aucune expérience dans l'enseignement si ce n'est quelques années en tant qu'assistante à  l'UCL, en marge de mon doctorat. Je savais aussi que, n'ayant pas le " titre requis " (voir ci-contre, NDLR), je quittais un emploi stable pour quelques années dans l'inconnu, dédiées à  effectuer des remplacements avant d'être éventuellement nommée à  titre définitif ", précise-t-elle. " Et je savais enfin que j'allais y perdre quelques plumes sur le plan salarial : une diminution par deux de mon salaire de base ainsi que la perte des avantages classiques dans le secteur privé comme la voiture de société, les assurances et les formations, entre autres. "

Mais la vraie difficulté du virage, c'est ailleurs qu'il faut la chercher. Dans la nature du job, tout simplement. " L'enseignement est un secteur très exposé. Les profs se sentent constamment dans l'obligation de se justifier vis-à -vis de nombreux " stakeholders " : les parents, qui ont tous un avis sur la question, la direction, les éventuelles inspections... sans oublier les élèves ", poursuit-elle. " Dans mon entreprise, j'avais encore la possibilité de me réfugier une heure ou deux derrière mon PC quand je n'étais pas trop en forme. Ici, je n'ai pas le choix : je dois prester quoi qu'il advienne, debout devant une classe d'ados qui ne laisseront évidemment rien passer ! "

À la " prestation " proprement dite s'ajoutent les " à -côtés " du métier - dont les contempteurs des enseignants ignorent l'existence ou minimisent parfois sciemment la portée. " Préparer les cours et les interros, surtout quand on part d'une feuille blanche, c'est un fameux travail ", s'étonne encore Anne-Catherine dont les compétences scientifiques ne peuvent pourtant pas être prises en défaut. " Or, s'il y a un programme, que je trouve d'ailleurs assez pointu, il 'y a moins de manuels qu'en France. Le prof doit vraiment tout préparer. Et bien évidemment corriger, ensuite, les travaux et les interros. "

Son constat, vu qu'elle est en mesure de comparer ? " Je travaille tout autant si pas davantage que dans le privé ", assure-t-elle. " Mais il y a une grande différence : je peux effectuer mes préparations et mes corrections quand je le souhaite, à  la maison, le plus souvent en soirée. Mon horaire en tant que tel, si on ne tient compte que des heures passées sur le lieu de travail, est tout de même plus facile à  gérer. "

Et ce n'est pas le seul avantage. Car il faut bien aborder le sujet... des congés, qui nourrit bien des jalousies à  l'égard des enseignants et contribue tout autant à  alimenter, chez certains, un diffus sentiment de culpabilité. " Personnellement, je n'ai aucun malaise à  parler des congés ", tranche l'ex-Group Leader d'UCB. " Avant, j'avais 38 jours sur l'année. Maintenant, j'ai tous les congés scolaires et les grandes vacances. Pourquoi s'en cacher ? C'est un immense avantage ! Je peux vous assurer que pour mes trois enfants, c'est génial. Ils sont beaucoup moins stressés que par le passé ! "

Pour Anne-Catherine, c'est donc clair : aucun regret d'avoir abandonné une belle carrière, la voiture et le beau salaire, pour rejoindre l'enseignement - un job dans lequel elle dit s'épanouir pleinement. " Mais j'ai la chance d'avoir été recrutée dans une bonne école, où il y a de la discipline et où les profs et les élèves sont soutenus. Peut-être ma conclusion serait-elle différente dans un autre environnement... "

Il ne lui reste plus qu'à  réussir l'indispensable agrégation, dont elle a réparti les cours sur deux ans, pour pouvoir se sentir pleinement dans la peau de son nouveau métier. En faisant tout de même, malgré tout, table rase d'une partie des acquis de sa vie antérieure. " Mon ancienneté n'est aucunement prise en compte, pas même les quatre années pendant lesquelles, en tant qu'assistante, j'avais donné cours devant plusieurs dizaines d'étudiants ", souligne la néo-enseignante. " C'est un peu dur à  admettre, mais je démarre un peu comme une jeune diplômée, tout juste sortie de l'université... "

Le salaire d'un prof (salaire mensuel net)

BarèmeStatutAprès 5 ansAprès 15 ansAprès 30 ans
Secondaire inférieurTemporaireDe 1534€ à  1672€  
Secondaire inférieurDéfinitifDe 1563€ à  1701€De 1824€ à  1962€De 2138€ à  2276€
Secondaire supérieurTemporaireDe 1819€ à  1957€  
Secondaire supérieurDéfinitifDe 1853€ à  1991€De 2218€ à  2356€

De 2561€ à  2699€