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Didier Paquot (Uwe) : "Une accélération des recrutements... à confirmer"

Rédigé par: Benoît JULY
Date de publication: 12 janv. 2016
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Didier Paquot, les dernières statistiques et prévisions confirment-elles les analyses de l'Union wallonne des entreprises (UWE) ?

On constate effectivement qu'il y a un tournant, que les entreprises ont commencé à emprunter de manière graduelle l'an dernier : les restructurations diminuent et les recrutements redémarrent, et cela devrait vraisemblablement s'accélérer en 2016. C'est bien évidemment lié à l'amélioration de la conjoncture mais, comme toujours, le marché de l'emploi y répond avec un certain retard. Les entreprises attendent généralement avant de licencier quand la conjoncture baisse, et à l'inverse attendent souvent quelques mois la confirmation d'une amélioration avant de commencer à véritablement recruter.

Quels sont les facteurs qui justifient cette amélioration progressive du marché de l'emploi ?

Il s'agit d'une combinaison entre des facteurs conjoncturels et structurels. Sur le plan conjoncturel, la demande reprend, les carnets de commandes se remplissent, la confiance se redresse et tout cela contribue bien évidemment à créer des emplois. Sur le plan structurel, les pouvoirs publics ont pris plusieurs mesures visant à réduire les coûts salariaux, dont les effets seront indubitablement positifs pour l'emploi également. Dans quelle mesure et selon quel calendrier? Il est trop tôt pour le dire. Ce que tout le monde espère, c'est que ces facteurs conjoncturels et structurels vont renforcer leurs effets et permettre d'enclencher un cercle vertueux.

On espère, donc, mais pas d'euphorie ?

Nous vivons dans un monde très éloigné d'avant la crise de 2008. Un taux de croissance du PIB de 1,5 %, qui aurait paru catastrophique à cette époque, suscite désormais des espoirs : on se contente de peu. C'est le même état d'esprit qui prévaut pour l'analyse du marché de l'emploi. Le nombre de créations nettes en 2016 sera très certainement sensiblement inférieur à ce qu'il était encore en 2007, avant la crise financière. Autrement dit, cela s'améliore mais on n'est pas en face d'une reprise spectaculaire !

Qu'est-ce qui pourrait gâcher l'embellie actuelle ?

Les fondements de la reprise en Europe, qui constitue le principal débouché pour nos entreprises, semble solides mais on n'est jamais à l'abri d'une mauvaise surprise. C'est précisément cette perception du risque qui est déterminante dans l'esprit d'un employeur et qui contribue, ou non, à le décider à recruter. Il est donc probable que nombre d'entre eux attendront encore quelques mois, le temps de renforcer leurs certitudes. On voit par exemple en ce début d'année que l'évolution de la Chine suscite à nouveau des inquiétudes : un employeur, même s'il n'est pas directement actif sur ce marché, ne pourra s'empêcher d'intégrer cette donnée, comme tant d'autres, dans sa réflexion.

Est-il si évident qu'une reprise économique se traduise par des créations d'emplois ? L'effet est-il mécanique ?

Il y a un lien direct, évidemment, mais il n'est pas linéaire. La reprise entraîne des besoins de recrutement dans les entreprises, mais encore faut-il que les compétences soient effectivement présentes sur le marché. Une entreprise qui a besoin d'un électromécanicien par exemple ne sera que faiblement intéressée par la baisse des coûts salariaux... si elle ne trouve pas ce profil sur le marché. Le même constat est valable dans la construction par exemple, qui est susceptible d'embaucher significativement pour autant que les diplômés soient présents. Si, au final, les employeurs sont obligés de débaucher chez le voisin les talents dont il ont besoin, on va tourner en rond et l'impact sur la création nette d'emplois sera forcément plus limité qu'espéré...

On évoque aussi la pyramide des âges et le départ à la retraite des « baby-boomers » parmi les facteurs de soutien structurels à l'embauche. Votre avis ?

Les départs à la retraite seront effectivement très importants dans les prochaines années et vont susciter un appel d'air sur le marché. Mais ici encore, l'effet n'est pas totalement mécanique : les entreprises ne vont pas systématiquement remplacer un retraité par un junior, pour exercer la même fonction. Les entreprises se réorganisent, repensent leur business, et les compétences dont elles ont besoin évoluent fortement. Une fois de plus, le véritable enjeu, c'est que le marché de l'emploi et la formation en amont soient en mesure de leur fournir les profils qu'elles recherchent.