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A-t-on droit à des temps de repos et de déconnexion au travail ?

Rédigé par: Alexandre Noppe (St.)
Date de publication: 30 mars 2023

Le droit à la déconnexion entre en vigueur ce 1er avril dans les entreprises de plus de vingt personnes. Les employeurs doivent mettre en place des mesures pour garantir aux travailleurs des moments de repos en dehors des heures de travail.  

Déconnexion en télétravail

Le prestataire de services en ressources humaines Acerta a mené une enquête auprès de plus de 500 entreprises pour savoir si elles étaient prêtes à mettre en place le droit à la déconnexion. D’après cette étude, une entreprise sur sept n’aurait pas encore établi de dispositions concrètes. Laura Couchard, experte juridique chez Acerta, nous rappelle les grands enjeux de cette nouvelle mesure. 


Tous les employés vont-ils bénéficier de ce droit à la déconnexion ? 


Le droit à la déconnexion a été introduit avec le deal pour l'emploi, qui date de novembre 2022. Cet accord introduit en fait toute une série de mesures visant à promouvoir le plein emploi. On y a parlé de la semaine de quatre jours, de plan de formations… Ce qu'il faut bien savoir pour les travailleurs, c'est que le droit à la déconnexion ne va pas viser chaque entreprise. Ici, seules les entreprises de plus de vingt travailleurs sont visées. C’est bien sûr intéressant pour tout le monde de se pencher sur la déconnexion, mais l'obligation légale ne concerne que les employeurs qui comptent plus de vingt travailleurs.  


Concrètement, que doivent faire les employeurs à partir du 1er avril ? 


Ils doivent remplir un document, où l’on retrouve trois éléments. D’abord, les modalités pratiques de l'application du droit de ne pas être joignable en dehors des heures de travail. Ça nécessite bien sûr une réflexion sur les horaires dans l'entreprise, les accords que l'on prend… Ensuite, on doit y trouver des lignes directrices pour l'utilisation des outils numériques pour garantir le repos, les congés, ainsi que la vie privée et familiale. Enfin, l'employeur doit aussi déterminer des actions de formation et de sensibilisation à mener en interne.  


Cette mesure entre en vigueur ce 1er avril dans toutes les entreprises de plus de 20 personnes de Belgique. Tout le monde est bien en route, a l'air d'être en ordre de marche ?  


Alors, ce qu’on sait chez Acerta, c’est que 85 % des entreprises indiquent avoir des mesures en place visant à favoriser la déconnexion. Ça veut dire aussi qu’une entreprise sur sept n’est pas encore prête. Mais même les entreprises qui ont déjà pris des mesures ont encore du pain sur la planche. À peine un quart d’entre elles a conclu des accords sur l’utilisation des outils de communication numérique, tels que les smartphones, les ordinateurs et les réseaux sociaux. Un autre quart est en train d’élaborer des accords à ce sujet. Et près de la moitié n’a pas encore de directives concrètes concernant l’utilisation des outils de communication numérique en dehors des heures de travail.  


Ce sont des chiffres qui risquent d’encore évoluer ? 


Je m'attends à avoir encore des questions pendant tout le mois d’avril. Il y a eu beaucoup de nouveautés pour les employeurs récemment. Ce n’est pas toujours évident. Nous, on a essayé, avec des modèles type de document par exemple, de leur simplifier la tâche. Mais je constate qu’il y a vraiment beaucoup de choses qui sont demandées aux employeurs en ce début d’année. Ils viennent d’avoir toutes les indexations. Cela explique qu’on ait laissé un délai de trois mois (la mesure devait normalement entrer en vigueur le 1er janvier, NDLR). De toute façon, même si l’entreprise a du retard, autant prendre le train en marche. Si un employeur se dit le 10 avril qu’il n’a toujours rien fait, je lui dis qu’il vaut mieux s’y prendre un peu plus tard que ne pas le faire du tout.

 
Que risque, en cas de contrôle, une entreprise qui ne met pas ce droit en place ?  


Actuellement, la loi ne prévoit pas de sanction. C'est un peu comme pour le plan de formation. Il n'y a pas de sanction. Mais en cas de contrôle du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale, si l’inspecteur constate que le droit à la déconnexion n’est pas appliqué, une demande sera faite pour agir au plus vite. Je suis juriste, donc j’ai tendance à conseiller de tout faire pour respecter la loi. On pourrait d’ailleurs avoir une application de sanctions prévues dans le code pénal social, à propos du non-respect de mesures en matière de bien-être au travail des travailleurs. 


Dans certaines professions, instaurer un droit total à la déconnexion semble difficile à mettre en place. Comment s’organiser ?  


Il faut déterminer au niveau de l'entreprise quels sont ses besoins. On pourrait imaginer des tours de rôle, un roulement, une garde… Une solution peut aussi être de décider que les gens ne sont joignables qu'à un moment précis. L’employeur pourrait prévoir la possibilité de dire, avant un week-end, que c'est vraiment impossible. On pourrait inventer un droit à 23 week-ends déconnectés sur l'année. L’intérêt, c'est vraiment d'aller chercher un équilibre, quitte à se montrer créatifs dans les dispositifs. Il faut pouvoir écouter les besoins de son équipe.