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Faut-il craindre les managers de transition?

Date de publication: 5 juil. 2010
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Les entreprises les appellent à  leur chevet en temps de crise. Danger ou opportunité à  saisir pour les salariés ? Si vous savez bien vous positionner face à  ces intérimaires de choc, la situation peut tourner à  votre avantage. Ce matin de mai, quand le nouveau responsable de la " supply chain " débarque, Pascal Gering, superviseur des stocks et du plan dans une société de ventilation, est inquiet. Le responsable du service est sur le départ, et l'ambiance tendue...

 

Un scénario idyllique...

 

Des nuages s'amoncellent sur cette entreprise de 1.400 salariés. Pour Pascal, l'arrivée de ce manager de transition n'est pas vraiment bon signe ; l'image d'un " nettoyeur " lui vient immédiatement à  l'esprit... Du coup, le superviseur reste pendant quelque temps sur une prudente réserve.

Puis progressivement le dialogue s'instaure. " Il nous a expliqué calmement qu'il venait remettre la supply chain en ordre de marche et a répondu à  toutes les questions ", se souvient-il. De fait, le super-manager a fait ce qu'il a dit ! Et une fois sa mission terminée, il a confié les clés à  un collaborateur promu en interne et est parti en mission ailleurs.

Son charisme, son parcours - une expérience de la logistique à  l'échelle mondiale - et son sens de l'écoute ont emporté l'adhésion. Scénario idéal...

 

... Ne peut empêcher une crainte légitime!

 

Car la venue d'un manager de transition dans une entreprise n'est pas toujours aussi idyllique et c'est bien ce qui inquiète les salariés. D'autant que le plus souvent, ils ne savent pas à  qui ils ont affaire, et ignorent la vraie raison de sa venue.

Du coup, si 17 % d'entre eux portent un regard positif sur ce métier, 31 % s'en méfient, selon une étude menée par le cabinet Robert Half il y a quelques années. " L'Interim Management a traversé une période difficile, mais 34 % des entreprises privées y ont recours régulièrement ", affirme Andrea Hoffmann, directrice générale d'USG Financial Forces.

C'est le bouc émissaire idéal

Un manager de transition intervient pour trois types de mission : restructurer une activité en déclin, rénover les méthodes ou développer une nouvelle activité. On fait appel à  lui principalement dans des filiales de grands groupes locaux ou étrangers et surtout dans l'industrie. Il dispose de six à  douze mois pour mener à  bien sa mission.

" Il a un jour pour s'intégrer, une semaine pour diagnostiquer et un an environ pour mettre en œuvre ", explique Cylian Dumay, managing director de Neos, cabinet de placement. Quand il arrive, la situation est souvent dramatique : pertes de parts de marché, production désorganisée, licenciements en vue, etc. Les mauvaises nouvelles sont déjà  là . Il ne lui reste donc plus qu'à  jouer le rôle du bouc émissaire.

" Conséquence, il est mal perçu même s'il n'est pas à  l'origine des décisions qu'il faut obligatoirement prendre. " à  peine arrivés, déjà  étiquetés coupables ! Un peu trop simpliste aux yeux d'Andrea Hoffmann : " Les salariés devraient plutôt être contents de voir débarquer un manager de transition ; au moins, ils sont sûrs que les décisions difficiles seront mises en œuvre par un expert qui sait où il va. "

 

Tout les départements logés à  la même enseigne

 

Sauf que pour les salariés en question, ce n'est pas toujours évident. Et aucun service n'est à  l'abri de ce type de débarquement : logistique, finance, production, direction des ressources humaines, direction générale. Ces professionnels interviennent dans tous les domaines.

Le manager de transition, contrairement au consultant, ne se contente pas de recommandations, il met les mains dans le cambouis. " C'est pourquoi il doit allier un tempérament de leader à  des méthodes de commando ", estime Cylian Dumay.

Les managers de transition jurent leurs grands dieux qu'ils ne franchissent jamais la ligne jaune et s'interdisent de déborder du cadre fixé par leur mission. D'ailleurs Federgon a rédigé une charte de déontologie qui précise que ce cadre doit être " indépendant, impartial et ne jamais porter atteinte à  la réputation ou au travail d'autrui ".

Les dérapages ne sont pas rares

 

Notamment quand cet expert intervient pour des missions de restructuration - les plus délicates. Dans les missions de réorganisation, moins sensibles, ce type de dérapage est moins fréquent. L'enjeu est d'obtenir des gains de productivité, pas de supprimer des postes. Et la seule façon d'y parvenir est d'obtenir l'adhésion des collaborateurs.

" Pour que cela fonctionne, il doit instaurer un climat de confiance afin que sa méthodologie, ses nouveaux outils soient adoptés ", insiste Andrea Hoffmann.

Les salariés ont alors tout intérêt à  faire cause commune avec lui pour bénéficier de vents porteurs : acquérir des compétences, donner du volume à  leur poste, voire être promus.

Et le manager de transition, comment vit-il cette situation ? Quel que soit le scénario, il ne vient pas pour être aimé, mais pour changer les choses. " On est ravi de me voir repartir. Pour ceux qui restent la page est tournée ", conclut, lucide, l'un d'eux.

Rafal Naczyk