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Gagner moins pour avoir plus de congés

Date de publication: 13 déc. 2013
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Depuis 2012, Janneke van der Kamp est Country President du groupe Novartis et directrice générale de Novartis Pharma Belgium. Elle dirige trois cents personnes au sein du groupe pharmaceutique. Et vient de remporter le Wo.men@Work Award. Son idée ? Un système de travail hybride qui permet de récolter du « crédit temps ».

La Belgique a une nouvelle ambassadrice de l’égalité professionnelle. Et elle est hollandaise. Country President de Novartis Belgique, Janneke van der Kamp est la deuxième femme à avoir remporté le Wo.men@Work Award, un prix qui, depuis quatre ans, encourage les initiatives innovantes en matière de mixité au travail. Son mérite ? Grâce à un programme ressources humaines ambitieux lancé en 2007, Novartis a atteint le même taux de managers féminins que d’employées. Une exception dans notre pays qui reste encore à la traîne en matière d’égalité professionnelle. Le jury, composé de vingt-quatre experts du monde de l’entreprise, l’a aussi couronnée pour son engagement sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. À côté du travail à domicile, elle a développé un système hybride permettant aux travailleurs de prendre cinq semaines de congé supplémentaires. Notamment pour s’occuper de leurs enfants. Résultat : 16 % des travailleurs de Novartis optent pour ce système. Dont 90 % de femmes.

Vous avez suivi une formation musicale, en parallèle de vos études de chimie. D’où est venu le déclic pour l’industrie pharmaceutique ?

J’ai d’abord suivi des études de chimie pendant plus de six ans. Et, en même temps, des études de violon au Conservatoire. J’ai passé une bonne partie de mon temps à jouer, à organiser des sorties avec l’orchestre... Ça m’a demandé beaucoup de discipline. Mais je n’ai jamais envisagé le violon autrement que comme un hobby très intensif. Aujourd’hui, je continue à en jouer à la maison, quand j’en ai le temps. La raison, c’est que j’aime utiliser d’autres parties de mon cerveau. J’aime explorer d’autres talents que les seules compétences analytiques. C’est important pour mon équilibre.

Votre première expérience professionnelle, vous l’avez acquise comme consultante chez Arthur B. Little. Un univers plutôt masculin… Comment l’avez-vous vécu ?

Avec une certaine résignation. Parce que la chimie, aussi, souffre d’un manque terrible de vocations auprès des femmes. Il n’y a que 20 % d’étudiantes à s’inscrire dans cette filière. Dans la consultance, le déséquilibre entre les hommes et les femmes est identique. J’ai clairement eu l’impression de représenter une minorité, mais je l’ai vécu très positivement. Quand vous êtes une des seules femmes en réunion, forcément, vous sortez du lot plus facilement. En fait, ce n’est qu’en 2003, lorsque j’ai rejoint Novartis, que j’ai été confrontée pour la première fois à la diversité au travail.

Justement, vous êtes la première femme au sein du groupe à occuper la position de directrice générale en Belgique. Vous avez dû vous battre pour y parvenir ?

En soi, cela n’a rien d’exceptionnel. Dans d’autres pays, d’autres femmes exercent aussi des fonctions de CEO. Mais ce genre de nomination n’est jamais le fruit du hasard. C’est le résultat d’une bonne politique de management chez Novartis et d’une attention particulière portée au développement des talents. Par contre, le fait que je sois une femme relève de la pure coïncidence. Ça n’a jamais été un des critères retenus pour attribuer ce poste. Chez nous, il n’y a ni discrimination positive ni négative. L’attribution d’un poste relève d’autres paramètres, bien plus importants, comme les compétences linguistiques.

Comment, dans votre société, avez-vous été soutenue dans votre développement professionnel ?

J’ai surtout rejoint l’Executive Female Leadership Program. En fait, ce qu’on constate chez Novartis, c’est que jusqu’aux postes-cadres, les femmes sont assez bien représentées. Mais dès qu’il s’agit des postes de direction, elles sont beaucoup moins nombreuses. L’objectif de ce programme, c’est de leur donner de la visibilité auprès du top management. Parce que contrairement aux hommes, les femmes ne font pas « naturellement » du networking ou de l’autopromotion.

Vous venez de remporter le Wo.men@Work Award. De quelle manière et pourquoi veillez-vous à stimuler la diversité et l’égalité au travail ?

Je suis fermement convaincue que la diversité conduit à l’innovation, elle permet de prendre de meilleures décisions et conduit à de meilleurs résultats commerciaux. En termes de gestion et d’évolution de carrière, nous mettons tous nos collaborateurs sur un même pied d’égalité. Qu’il soit homme ou femme, chacun a les mêmes chances d’obtenir une promotion. Mais en tant que Country President, ma priorité est d’augmenter le nombre de femmes au comité de direction. En 2007, Novartis comptait 60 % de femmes, dont 53 % de cadres et seulement 9 % au comité de direction. Ma politique a permis d’atteindre 65 % de femmes au total, dont 65 % présentes comme cadres et 25 % siégeant au comité de direction.

Le jury a aussi été séduit par votre système de travail hybride. En quoi consiste-t-il ?

Le principe est simple : nos collaborateurs peuvent choisir de travailler à temps plein, mais en touchant 90 % ou 95 % de leur salaire. En contrepartie, ils récoltent du « crédit temps ». Ainsi, ils peuvent prendre cinq semaines de congé supplémentaires, ce qui leur permet de passer plus de temps avec leurs enfants pendant les périodes de vacances. Lorsque nous avons lancé ce système en 2007, à peine 7 % des employés y avaient adhéré. Aujourd'hui, 16 % des travailleurs optent pour ce système. Dont 90 % de femmes. Cela a un impact positif sur le bien-être et les performances de nos employés.

Si quelqu’un veut postuler chez vous – et plus particulièrement une femme –, quel conseil lui donneriez-vous pour s’épanouir dans sa carrière ?

De toujours rester très clair(e) par rapport à ses ambitions. Pour éviter que d’autres ne prennent des décisions à votre place, soyez toujours transparent auprès de vos managers sur ce que vous êtes capable de faire ou pas, sur vos envies d’évolution ou de mobilité verticale, horizontale ou internationale. Si vous ne le faites pas, des choix seront pris à votre place, sur base de simples suppositions. Par exemple, si vous prenez un congé de maternité, d’aucuns vont supposer qu’à votre retour, vous voudrez faire un pas en arrière. Alors que si vous restez aussi ambitieuse qu’avant, vous voudrez non seulement retrouver la même fonction, mais sans doute aller encore plus loin