Passer au contenu principal

"Il faut effectuer un brain recycling pour le numérique"

Date de publication: 15 mars 2013
Catégorie:

TIC, télécoms, web, multimédia... La galaxie numérique fascine les foules. Mais elle manque de profils qualifiés. Manager au centre de compétence Technofutur TIC, qui fête ses 15 ans, Pierre Lelong dévoile ces nouvelles opportunités de carrières et de reconversion professionnelle.

La part des filières numériques dans le PIB belge est en décrochage par rapport à l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis où elle est supérieure de 70 %. Pour Pierre Lelong de Technofutur TIC, il existe un réel besoin de profils qualifiés, non seulement sur les fonctions techniques, mais aussi sur les métiers émergents liés au web, à l’e-commerce et au multimédia. Mandatée par la Région wallonne, l’ASBL Technofutur TIC poursuit deux objectifs : d’une part, favoriser le contact entre les demandeurs et les entreprises, sur le modèle de formations qualifiantes. Deuxième axe : promouvoir la reconversion professionnelle et informer le public sur les perspectives que les TIC ouvrent dans le domaine de la business analyse, de la webstratégie, l’ergonomie, l’e-marketing, le community managing, le design, l’animation 2D et 3D.

Technofutur TIC est reconnue pour ses formations qualifiantes et ses partenariats avec le Forem. Vous venez d’étendre votre catalogue de formations à destination des… entreprises. Pourquoi ?

Chaque année, nous donnons 530 000 heures de formation professionnelle dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. Le taux d'insertion des demandeurs d'emploi ayant suivi nos formations monte en flèche. Il y a quelques années encore, le taux de placement en entreprise, six mois après le suivi d'une formation, était de l'ordre de 75 %. Sur l'ensemble des années 2000, il a varié de 65 % à 100 %. C’est la preuve que les profils TIC sont très demandés. Mais les besoins des employeurs doivent aussi être palliés par la requalification de certains salariés. L'Union européenne estime, par exemple, que 50 % des emplois ont besoin d'une mise à niveau des compétences et connaissances en IT. À l’instar des pays anglo-saxons, il convient d’initier chez nous un processus de brain recycling pour le numérique.

Comment s’articulent ces formations ?

Nous avons fusionné, dans un seul catalogue professionnel, des formations technologiques pointues, mais aussi d'autres, plus globales, notamment dans le domaine du management de projets et du système d'information. Au total, il s’agit de 130 formations dont la moitié sont nouvelles, en particulier dans le domaine de la stratégie digitale et l'e-business. En proposant de tels cycles de formations aux entrepreneurs et à leurs collaborateurs, nous cherchons à les former non seulement aux technologies au sens strict, mais aussi aux nouvelles formes de travail et d’organisation, à leur intégration dans la stratégie d’entreprise, à l’esprit d’innovation. Ce nouveau catalogue a pour objectif de renforcer l’orientation-entreprise en faisant passer les inscriptions de travailleurs à nos formations de 1 250 pour 20 000 heures en 2012 à 1 750 inscriptions pour 40 000 heures en 2013.

La Wallonie reste-t-elle à la traîne en matière de développement numérique ?

La réalité wallonne des TIC correspond à la réalité wallonne plus large. S’il représente 16 000 travailleurs en Wallonie, le secteur reste relativement fragile, avec un nombre assez élevé de travailleurs indépendants et 9 000 à 10 000 salariés. Mais l’économie numérique est beaucoup plus large : on parle de startups, d’agences web, d’e-commerce et de producteurs de contenu. Faute de « talents digitaux », ces entreprises risquent de voir leur développement freiné : les Néerlandais estiment le déficit annuel de croissance à 0,5 %, du fait de la pénurie de spécialistes TIC. Le numérique représente aujourd’hui plus de 6 % du PIB en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne, etc. pour environ 4,5 % en Belgique. On peut donc certainement faire mieux en termes d’offre de services. Du côté de la demande, l’activité reste également fort réduite. En e-commerce, par exemple, le marché belge est moitié moindre que celui des Pays-Bas (à population équivalente). Les internautes belges achètent en ligne mais nettement moins que les Allemands ou les Hollandais, et quand les Belges achètent, ils le font une fois sur deux à l’étranger.

Les « talents digitaux » regroupent des compétences très variées. Quels sont les profils les plus porteurs actuellement ?

Les métiers liés au référencement web et les community managers sont certainement les plus demandés actuellement. À noter, aussi, un fort intérêt pour les métiers liés à l’e-commerce ou au m-commerce, qui permettent de doper les ventes en ligne : chef de projet e-commerce, consultant-shopper... En parallèle des embauches liées aux « tuyaux », souvent des experts techniques (mobile, tablette...), il y a une très forte montée des fonctions spécialisées dans le contenu : concepteur-rédacteur web, chef de projet éditorial. Autre phénomène marquant, la croissance des besoins en compétences liés à l'analyse des données (data) avec, par exemple, le recrutement de web analyst. Mais il y a constamment émergence de nouveaux métiers.      À ce niveau, la Belgique francophone est peu ou mal outillée sur le plan de l’enseignement initial. Il n’y a que trois hautes écoles qui délivrent des baccalauréats en écriture multimédia et trois en e-business. Dans le secteur du web, le profil des recruteurs a, lui aussi, changé. À côté d’acteurs bien établis, on voit ainsi apparaître une nouvelle génération d’agences web. De nombreuses PME wallonnes de taille moyenne ont atteint une certaine maturité dans leurs dépenses en marketing. Elles commencent à percevoir le retour sur investissement d’un usage accru de l’internet. Pour elles, le candidat idéal doit être à la fois webdesigner, webmestre, community manager et webmarketer, capable de créer un site internet, de l'animer, d'assurer sa communication et de le vendre.

Rafal Naczyk