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Job insolite : je dirige un cirque. Rencontre exclusive avec Marquis Pauwels

Date de publication: 15 janv. 2014
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En décembre 2013, la Chambre vota le projet de loi interdisant les animaux sauvages dans les cirques. Celui-ci provoqua le débat sur la scène publique. Alors que certains saluaient ce qu’ils percevaient comme une absurdité au service d’un divertissement égoïste (pour ceux-là, la place des animaux sauvages n’est pas au cirque, mais dans leur milieu naturel), d’autres décriaient ce qui pourrait devenir l’arrêt de mort de la culture du cirque en Belgique. Nous avons rencontré le représentant par excellence de cette culture, Marquis Pauwels, circassien de père en fils depuis huit générations. Il nous explique son métier.

Le cirque Pauwels se targue d’être l’un des derniers cirques familiaux, existant depuis huit générations. Le premier Pauwels a pris la route en 1879 : depuis Gand, il a sillonné le monde entier, emmenant sa famille dans ses bagages. À travers le temps, les Pauwels ont aussi travaillé pour d’autres cirques (Cirque d’Hiver de Paris, Jean Richard, Amar, Pinder, American Circus). Ils se sont remis à leur propre compte il y a une quarantaine d’années. Ils sont installés à Uccle depuis 17 ans. Aujourd’hui, Samuel, 22 ans et fils de Marquis, est le directeur du cirque. Le patriarche répond à nos questions.

Vous vous appelez banquiste ? D’où vient ce nom ?

Les gens travaillaient à l’époque devant les banques, mais aussi les bancs. Les gens étaient assis devant les banques, sur des bancs, et regardaient les spectacles qu’on leur proposait. Les jongleurs, les cracheurs de feu etc, autrement dit les « banquistes », faisaient ensuite la quête et vivaient de cela.

Est-il facile de passer d’une discipline à une autre ?

Généralement, quand on est jeune, on est plutôt jongleur ou acrobate. Et si on est bon comique, on devient clown [Marquis Pauwels est clown, Ndlr]. Les choses ne s’improvisent pas. Ne peut pas devenir clown qui veut. C’est une chose que vous avez en vous ou non. Outre le talent, il faut aussi une grande rigueur. Chaque discipline exige de nombreuses répétitions. Le cirque, c’est un métier à part entière. C’est une grande culture. Quand on veut jouer d’un instrument de musique, il faut concéder des années de solfège. Le domptage nécessite aussi beaucoup de patience et de persévérance.

Quels sont les animaux les plus faciles à dompter ? Lesquels sont-ils les plus spectaculaires, les plus intelligents ?

Je dirais les chiens et les chevaux. Mais il y a moyen de faire un spectacle avec tous les animaux. Ceux qui impressionnent le plus le public sont certainement les tigres, les lions et les éléphants. Mais j’ai eu deux poules, elles étaient très intelligentes. Les perroquets, les poneys, les ânes, sont très malins aussi.

Que pensez-vous de la nouvelle loi sur l’interdiction des animaux sauvages dans les cirques ?

Pour nous, le bien-être animal passe avant tout. Les animaux sont tous nés chez nous, au cirque. Ce sont les nôtres. Les tigres sibériens sont en voie de disparition dans leur milieu naturel. Alors que chez nous, nous avons entre huit et dix naissances de ces tigres par an.

Il y a des cirques qui ont fait de l’abus. Mais il y en a beaucoup qui ont été corrects. Sanctionner tout le monde n’est pas la solution. Nous nous sommes mis en règle avec la législation belge. Et nous avions prévenu le cabinet Onkelinx. Mais les gens du cirque n’ont pas vraiment été consultés.

Y a-t-il une solidarité dans le monde du cirque ? Ou êtes-vous plutôt concurrents ?

Nous devrions être solidaires, mais il existe une certaine concurrence. Les grands cirques n’acceptent pas que les moyens grandissent.

Quelles sont les principales difficultés de votre métier ?

Nous avons travaillé dans le monde entier. Nous avons des relations avec tous les Ucclois. Et les autorités nous trimballent d’un endroit à l’autre, sans aucune reconnaissance. Il y a près d’un mois, nous avons reçu une lettre nous demandant de partir pour le 13 mars, parce que l’on va réhabiliter le site. Le ministre Rudi Vervoort nous a promis de nous relocaliser, mais nous sommes sans nouvelles pour le moment. C’est ça qui est difficile. Nous faisons ce métier depuis huit générations et nous sommes trimballés de droite à gauche. La culture n’est pas prise en compte.