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La tablette s'invite au bureau

Date de publication: 25 janv. 2013

Objet culte de ce début de siècle, la tablette se fraie un chemin dans l'univers professionnel. Premières populations concernées : les cadres très nomades, les commerciaux et les techniciens. Restent de nombreux freins avant une adoption massive.

Vincent Schaller n’en revient toujours pas. Le 6 décembre, le jour de la Saint-Nicolas, ce directeur commercial offre cent iPad à ses salariés. En une fraction de seconde, l’effet de liesse gagne tous les bureaux de Systemat, à Waterloo. Les gens se sont mis à hurler de bonheur et à courir dans les couloirs. J’ai cru qu’ils avaient bu du champagne. Jamais je n’ai eu droit à autant de remerciements de la part de mes salariés, sourit Vincent Schaller. Deux mois plus tard, l’euphorie perdure. Mais la tablette a changé de rôle : d’objet de convoitise, porté aux nues par la « hype » urbaine, elle s’est muée en un instrument de travail. Au même titre que le smartphone et l’ordinateur portable. Avec une touche glamour, en plus. Selon les chiffres du cabinet d’étude GsK, près d’un million de tablettes ont été écoulées en Belgique l’an dernier. Soit trois fois plus qu’en 2011. À présent, un ménage sur trois en est équipé. Fatalement, l’outil s’invite au bureau.  Aujourd’hui, le produit s’est tellement démocratisé qu’aucun employeur ne peut se permettre de refuser son usage au travail, observe le dircom.

La tablette, un outil de travail

La tablette tactile, outil de travail des cadres en entreprise au même titre que le BlackBerry ? Certains constructeurs veulent y croire. Pour son premier appareil de ce type, Microsoft promet un véritable monstre de travail. La Surface Pro embarquera notamment des solutions de visioconférence en haute définition et des outils collaboratifs, et sera commercialisée avec sa célèbre suite bureautique. Objectif : concurrencer les ultrabooks, ces portables très fins et légers. Draguant le segment professionnel, Samsung promet déjà de faciliter la prise de notes. Au clavier et à l'écran tactile vient s'ajouter un stylet qui permet d'effectuer des manœuvres plus précises à l'écran. Et d'effectuer des annotations manuelles, directement sur l'ardoise numérique.

Sur le terrain, plusieurs entreprises réfléchissent à équiper leurs collaborateurs en tablettes. Elles permettent déjà d’améliorer la productivité, la réactivité sur le terrain et de simplifier le travail nomade, résume Vincent Schaller. Mais avec des applications dédiées, elles peuvent aussi améliorer la qualité du service client. Avant, on utilisait des PowerPoint pour présenter nos services. Là, on peut montrer au client nos métiers de manière ludique et efficace, en zoomant avec les doigts… Pour mes commerciaux, les tablettes sont devenues un moyen pour conseiller plus facilement, réduire l’attente et récolter des renseignements clients.

L'image des employeurs est également en jeu. Auparavant, les innovations étaient d'abord réalisées dans le milieu professionnel, pour se diffuser dans le grand public, comme c'était encore le cas avec le laptop. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Les salariés sont tellement équipés en produits high-tech chez eux qu'ils s'attendent à retrouver ces outils dans leur entreprise, glisse Vincent Schaller.

Amours tactiles

Qui sont les heureux élus ? Principalement les populations mobiles ou ceux pour qui l'aspect visuel des choses est important, vu l'ergonomie de l'écran, note Jean-Laurent Poitou, responsable mondial du secteur des hautes technologies chez Accenture. Cadres supérieurs ou consultants en voyages fréquents, commerciaux, techniciens, logisticiens, agents immobiliers, architectes et journalistes y font déjà appel. Ailleurs, les tablettes remplacent des calepins, des agendas, parfois des piles de dossiers. Un policier ou un expert en assurances peut même se servir de l’appareil photo intégré pour dresser son constat. Mais le spectre des utilisateurs s’agrandit. Certains hôpitaux les intègrent déjà dans leurs équipes de soins. Connectée au système d'information hospitalier, la tablette permet un meilleur échange d'informations entre les services, tout en garantissant la sécurisation des données, donc le secret médical.

Restent de nombreux freins. Outre la question du prix – l'iPad est commercialisé à partir de 499 €, contre moins de 300 € pour un netbook –, certains salariés pourront être refroidis par le clavier tactile, qui limite les applications bureautiques à moins de s'équiper d'un clavier physique à part. De même, l'absence de mode multitâche demeure un vrai problème, même s'il pourrait prochainement être levé. Sans compter différentes limites pratiques comme l'absence, sur la plupart des ardoises tactiles, de port USB. Et tous ne les voient pas d’un bon œil. Pour que les tablettes s'imposent, il faudra que les directeurs informatiques travaillent sur la compatibilité de leurs réseaux et sur la sécurité des données, note Vincent Schaller. Pas de quoi décourager les intéressés. On est au début d'un cycle. D'autres produits vont arriver, dont certains seront encore mieux adaptés à l'univers professionnel, juge Jean-Laurent Poitou. Un feu d'artifice épidermique. Telle est la promesse du futur travail en « mode tactile ».

 

Ces tablettes qui nous enchaînent

Avec l'émergence des « objets-frontières » – ces smartphones et ces tablettes qui permettent de recevoir des mails et de surfer partout –, la séparation entre vie privée et professionnelle est de plus en plus floue. Dans une étude sur les relations au travail réalisé auprès de 1 100 salariés du privé et du public, par le très sérieux Observatoire Tissot, 70 % des cadres déclarent que leur entreprise leur a fourni un appareil permettant de travailler à distance – accès à l'intranet, ordinateur, téléphone portable. Les conséquences ne se font pas attendre : 73 % des cadres affirment travailler le soir, le week-end, en vacances ou pendant leurs trajets. Ce brouillage des frontières entre sphères privée et professionnelle constitue à la fois un luxe et une contrainte. Un luxe, car les salariés concernés se déclarent souvent moins stressés et plus productifs que les autres. Une contrainte parce qu'ils sont exposés aux intrusions professionnelles dans leur vie privée et davantage sujet au « travail en débordement », au-delà de l'horaire habituel.  rnk

Où sera la technitude en 2013 ?

Table tactile

Ce n'est plus une tablette, c'est une table. Et elle est très grande : 84 pouces, soit 213 cm de diagonale ! Pas question de la mettre dans sa poche ni dans son sac, mais elle s'utilise à plat et à plusieurs : l'écran de la table présentée au CES 2013 (Consumer Electronic Show), à Las Vegas, par la société 3M peut réagir à 40 pressions simultanées. Pour regarder photos, vidéos, envoyer des mails et travailler. Pas de date de commercialisation ni de prix annoncés.

Tablette flexible

Elle a déjà trouvé son surnom : « paper tab ». Intel, l'université canadienne de l'Ontario et la société britannique Plastic Logic ont présenté une tablette tactile de 10,7 pouces (27,2 cm) aussi fine et flexible qu'une feuille de papier. Il suffit de corner un coin de l'écran pour tourner la page d'un document ou envoyer un mail. Mais elle reste à l'état de prototype.

Rafal Naczyk