L'anatomie RH d'un pacemaker

Derrière chaque objet de consommation, des petites mains, des cerveaux, des métiers. Si les stimulateurs cardiaques sauvent de plus en plus de vies, que sait-on des professionnels qui les conceptualisent ? Cette semaine, « Références » refait la chaîne et décortique l’anatomie d’un pacemaker à travers le travail.

L'homme bionique

L'homme bionique - celui qui valait trois milliards - est en marche depuis le premier pacemaker, créé en 1957. Car si la technique et les sciences du vivant s'unissent pour soulager chaque jour davantage nos maux, elles éveillent en même temps des vocations hybrides. Actuellement, près de 80 % du corps humain (organes, muscles et articulations) pourrait être remplacé par des dispositifs de technologies médicales, confie Richard Van den Broeck, directeur d’Unamec, la fédération qui représente les intérêts des fabricants, importateurs et distributeurs de dispositifs médicaux en Belgique. Un secteur qui rallie près de 200 entreprises et qui pèse quelque 3,4 milliards d’euros. Soit, selon les données de la Banque nationale, l’équivalent du chiffre d’affaires réalisé par l’industrie du médicament sous prescription (hors génériques).

Le développement du génotype

Prothèses de hanche, implants mammaires, valves cardiaques ne constituent que la partie émergée de l’iceberg. Car le monde de ces dispositifs médicaux compte aussi dans ses terres le pansement adhésif, les seringues, les lentilles oculaires ou encore les appareils électromédicaux (scanners, IRM, services de dialyse…). Depuis peu, une quatrième branche prend de l’ampleur : les outils d’aide et d’analyse au diagnostic in vitro. Ces appareils permettent de développer, avec de plus en plus de précision, le génotype de chaque individu. Plusieurs années avant qu’il ne développe une maladie, explique Richard Van den Broeck. Autant de technologies qui sont elles aussi soumises à la dure loi de la recherche clinique.

Une révolution dans la culture médicale

Et qui impactent la culture médicale au-delà de ses propres métiers. Les évolutions technologiques sont telles qu’il nous est devenu possible de réparer de plus en plus les patients à la carte, assure le directeur d’Unamec. L'homme a appris à réparer l'homme en explorant deux pistes principales, biologique et technologique. L'électronique et l'informatique viennent désormais épauler les équipes médicales. Quand on introduit des appareils électroniques dans le corps humain se posent les problèmes de biocompatibilité et de résistance des matériaux, sachant qu’il est inconcevable de réopérer un même patient tous les huit ans, explique Richard Van den Broeck. Ces produits sont l’apanage des ingénieurs biomédicaux. Et de centaines d’experts sans qui on ne pourrait envisager, a posteriori, une utilisation médicale. Ingénierie neuronale, imagerie médicale, implants… Dans toutes ces disciplines, le progrès des connaissances a été foudroyant, et les facteurs « limitants » n’ont cessé de reculer. D’où la création de nouvelles compétences et le besoin de drainer des profils de « très haut calibre ».

L’avènement des ingénieurs-médecins

L'ADN du travailleur « medtech » ? Il doit posséder une parfaite maîtrise des évolutions technologiques et une capacité à cerner, dans le détail, les besoins cliniques. Il doit aussi passer sans heurts du bureau d’étude au terrain, jusqu'au bloc opératoire, en tant que conseiller et guide technique auprès du clinicien. C'est ce fameux profil STEM, pour Science, Technology, Engineering et... Medicine. À côté des ingénieurs, on retrouve énormément de profils médicaux ou paramédicaux. Tous ceux qui, par leur formation, ont acquis une connaissance théorique de l’anatomie et des articulations couplée à la pratique s’intègrent facilement aux entreprises des dispositifs médicaux, observe Richard Van den Broeck.

Des débats éthiques

De plus en plus, l’industrie se dote aussi d’experts technico-commerciaux et administratifs, de financiers, d’ingénieurs en informatique, d’anciens médecins et de juristes. Le secteur est traversé par de nombreux débats éthiques. Heureusement, les garde-fous et les régulations sont plus nombreux que dans le passé, observe Richard Van den Broeck. Mais ces matières se complexifient. Il faut donc des experts pour y voir clair. Car de l'homme réparé à l'homme augmenté, il n'y a qu'une frontière ténue. On en perçoit déjà la dérive. Certains espèrent que la technologie permettra d'acquérir des superpouvoirs allant de la vision nocturne à l'immortalité... Google, Cisco, Nokia financent ainsi une « université de la singularité » qui prêche l'avènement du « transhumain », un homme complètement repensé. Améliorer les performances individuelles, c'est l'objectif du quantified self, une « science de soi » bien éloignée des visées thérapeutiques.

 

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