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Le crowdfunding est-il fait pour vous ?

Date de publication: 9 nov. 2014
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Envie de créer votre entreprise, de financer un projet culturel ou humanitaire ? Faire appel au financement participatif (crowdfunding) vous aidera peut-être à  mener votre initiative à  bon port. À condition de maîtriser les ressorts d'une formule beaucoup plus complexe qu'on ne le croit.

Journaliste économique, qui a travaillé pour Le Soir et Trends-Tendances notamment, Marianne Hendrickx s'est attachée à  dénouer l'écheveau des multiples modèles, projets et plateformes de financement participatif, tant en Belgique qu'en France. Bienvenue dans un monde où évoluent aujourd'hui bien davantage d'appelés que d'élus...

Pourquoi vous êtes-vous penchée sur ce sujet ?

On parle beaucoup de crowdfunding actuellement. Il n'y a plus un créateur d'entreprise, plus une personne qui souhaite se reconvertir en songeant à  lancer son propre business, qui n'a pas entendu parler de ce mode de financement participatif. Et c'est précisément en cherchant moi-même à  financer un projet que j'ai découvert à  quel point l'information restait lacunaire ou en tout cas peu structurée, tant en Belgique qu'en France d'ailleurs : je ne trouvais pas la réponse à  mes questions et ne devais assurément pas être la seule dans ce cas. Il n'en fallait pas davantage pour aiguiser mon intérêt et me décider à  rédiger ce guide pratique.

Évoquer « le » crowdfunding est en réalité très réducteur...

Ce terme générique recouvre en effet une multiplicité de mécanismes, et je pense que cela va encore se complexifier à  l'avenir. On ne fait pas appel au financement participatif de la même manière, ni en s'adressant aux mêmes plateformes, selon qu'on souhaite lancer une start-up, financer un projet culturel, développer une app en one-shot ou encore soutenir un projet solidaire dans le développement durable par exemple. Plus clairement dit, on ne récolte pas de la même façon 300 € pour un projet personnel, 3 000 € afin de boucler le budget d'une expo ou 300 000 € pour financer la croissance d'une entreprise à  l'international.

Le succès de la formule se justifie-t-il par la frilosité des banques ?

Un mauvais projet, refusé pour cette raison par une banque, ne tiendra pas davantage la route dans le crowdfunding. Quelqu'un qui par exemple n'est pas parvenu à  mobiliser dans un premier temps 5 000 € auprès de sa famille ou de ses amis ne donne pas grande confiance dans la solidité de son projet ni dans sa capacité à  le mener à  bon port, quel que soit l'interlocuteur auquel il s'adresse. Le même raisonnement vaut pour le financement participatif des entreprises où les plateformes spécialisées sont, elles aussi, très sélectives : elles ne proposent au public qu'une infime partie des projets qui leur sont proposés, et seule une partie des projets pourtant issus de cette sélection très drastique parviennent effectivement à  boucler leur financement par le biais du crowdfunding. Cette formule n'est donc en rien une bouée de sauvetage...

Quel est, dès lors, son intérêt ?

S'agissant de la frilosité des banques évoquées précédemment, le fait d'avoir été sélectionné par une plateforme, et plus encore d'y avoir enregistré un succès public, crédibilise fortement la démarche : le banquier sera forcément plus réceptif, car il y verra une diminution du risque auquel il s'expose. Il sera d'autant plus enclin à  investir qu'il le fera en complément d'autres acteurs : famille, amis, invest, capital-risqueur... et grand public. En sus de l'apport financier en tant que tel, l'appel au crowdfunding aura aussi permis au porteur de projet de professionnaliser sa démarche et, davantage encore, d’en tester la pertinence auprès du public le plus large.

Le crowdfunding serait-il dès lors aussi un moyen de faire appel à  l'intelligence collective ?

C'est en cela que la formule est bien dans l'air du temps. Chacun fait aujourd'hui appel aux forums, aux réseaux sociaux, non seulement pour s'exprimer, mais aussi pour y trouver des réponses. En faisant appel au financement participatif, on s'inscrit dans la même logique : des milliers de personnes vont potentiellement pouvoir prendre connaissance du projet, l'analyser, poser des questions, y proposer des améliorations. Le crowdfunding permet de braquer le projecteur et, si la sauce prend, peut générer un effet boule de neige et constituer autour du projet une communauté d'autant plus impliquée qu'elle y a injecté, même modestement, de l'argent. Il s'agit alors d'une vraie forme d'économie collaborative.

Quels sont les moyens à  mobiliser pour accentuer ses chances de succès ?

Avant tout, éviter de croire que ce sera facile : l'improvisation sera immanquablement sanctionnée par un échec. Préparer scrupuleusement son business plan, se faire accompagner par les multiples acteurs qui se proposent de le faire constituent autant d'étapes préalables. Vu l'impact potentiel du web, positif comme négatif, il faut aussi travailler sa communication et s'impliquer fortement dans l'activation de celle-ci. Dès lors que l'appel au public est lancé, il faut être en mesure de l'informer de manière régulière et d'interagir promptement avec lui. Pareille exigence vaut pour tous les types de projets et pas seulement ceux portant sur la création d'une entreprise. Un photographe amateur qui veut financer sa première exposition aura vraiment intérêt à  bien réfléchir à  la manière dont il veut séduire le public, le convaincre de le soutenir, non seulement avant l'événement, mais aussi pendant celui-ci et même après-coup. Faire appel au financement participatif génère des contraintes et des responsabilités.

Certains projets ont-ils été victimes de leur succès ?

Même lorsqu'on ne s'adresse pas à  des investisseurs, mais à  de généreux donateurs, il faut être attentif à  ce que l'on promet. Offrir en récompense de simples T-shirts avec un logo, par exemple, peut générer un cauchemar logistique dès lors qu'il faut les acheter, les imprimer et les envoyer à  des milliers de personnes ! Cela étant, vu la croissance du nombre de plateformes et de projets, et vu la concurrence qui se développe pour capter le public, beaucoup rêveraient sans doute de vivre ce cauchemar...

Benoît July

À LIRE
Crowdfunding : mode d'emploi, Marianne Hendrickx, éd. Edipro, 122 p., 29 €.