Les horaires flexibles, un petit pas vers l’équité
Ils étaient cinq à s’être réunis pour mener un débat autour de la question de l’égalité des genres sur le marché du travail. La flexibilité toujours plus grande des horaires (télétravail, temps partiels…) peut-elle améliorer les choses ?
La table ronde. De gauche à droite, Isabella Lenarduzzi (Jump), René Mat (Accenture), Daniel De Clerck (BNP Paribas Fortis), Pascale Van Damme (Dell), Erwin Ollivier (Athlon), Hervé Lagache (Références).
Chacun de nos emplois est ouvert à des régimes de quatre cinquièmes ou de neuf dixièmes », « le travail à la maison est encouragé pour des durées d’un à deux jours par semaine », « notre programme de transformation de nos lieux de travail les change vers des lieux collaboratifs qui supportent le travail agile et donne aux employés une opportunité d’équilibrer leurs horaires de travail avec leur vie familiale ou leurs engagements personnels »…
L’ensemble de ces phrases sont tirées des questionnaires que les participants à l’événement Wo.Men@Work ont remis aux organisateurs au moment de présenter leur candidature. L’un des éléments qui ressort est donc le fait que la flexibilité sur le lieu de travail est présentée comme un atout pour instaurer une plus grande égalité des genres au sein des entreprises.
Cette donnée est particulièrement intéressante dans notre pays. Les Belges sont effectivement friands de ces modes de travail, en témoigne le succès du télétravail mais également des demandes de temps partiels dans notre pays. Selon l’OCDE, la Belgique se classe d’ailleurs dans le top 10 des pays européens les plus ouverts à la flexibilité au travail.
Les inégalités persistent
Mais cette flexibilité est-elle une réelle solution ? Car les inégalités ont la peau dure. La grande majorité des personnes (69 %) qui signalent des discriminations à l’emploi sur la base du genre sont des femmes, selon Actiris. L’écart salarial entre les hommes et les femmes s’élève à 22 % selon une étude du Korn Ferry Hay Group, qui relève également qu’en Belgique, les hommes restent proportionnellement surreprésentés dans les postes les plus élevés. Ensuite, sur le plan international, la récente étude de l’Organisation internationale du travail montre la persistance des inégalités entre hommes et femmes en matière d’accès au marché du travail, de chômage et de conditions de travail.
La flexibilité au travail peut-elle apporter une réponse efficace à cette problématique ? C’est l’une des questions que nous avons posées aux participants de la table ronde « Wo.Men@Work » organisée par Références. « Chez nous, cette flexibilité est instaurée depuis plusieurs années, explique Pascale Van Damme, vice-présidente et managing director commercial Belux chez Dell. Pour les femmes, il est important de maintenir des horaires très flexibles car cela a un impact direct dans leur quotidien. Et mettre en place ces environnements flexibles est rendu possible grâce à la transformation digitale. »
Daniel De Clerck, responsable du département Opérations chez BNP Paribas, revient sur cette problématique. « Mettre en place des horaires très flexibles est effectivement une aide pour les femmes. Par contre, je suis quelque peu frustré de voir que les hommes n’acceptent pas spécialement des horaires plus flexibles. Je pense qu’il y a encore un grand travail à faire à ce niveau : il n’est pas encore accepté que les hommes restent à la maison. » « Prenons l’exemple des Pays-Bas, signale René Mat, managing director chez Accenture. Ils appliquent ce qu’ils appellent des papa dagen , soit un jour pour les papas qui peuvent ainsi réserver une journée par semaine pour s’occuper de leur famille. On voit qu’en Belgique, cela n’est pas encore bien accepté . »
Une idée originale que Daniel De Clerck tient à nuancer. « C’est intéressant, mais on remarque tout de même que pour des papas, le papa dag est surtout une occasion d’occuper un travail supplémentaire. »
Les intervenants l’expliquent, la flexibilité peut aider les femmes – et les hommes aussi d’ailleurs – à mieux combiner certains impératifs privés qui pourraient entrer en conflit avec leur carrière. Mais travailler de façon plus flexible ne suffira clairement pas à effacer les lignes qui continuent de séparer les hommes et les femmes. Selon Isabelle Lenarduzzi, organisatrice de l’événement Wo.Men@Work, «ce qu’il faut garder en tête, c’est que la vie d’une femme n’est pas encore la vie d’un homme. Deux tiers des tâches non rémunérées sont portées par les femmes. Voilà pourquoi la flexibilité est encore plus importante pour les femmes étant donné qu’elles ne vivent pas la vie d’un homme. Il n’en reste pas moins que les hommes sont extrêmement attirés par cette offre de flexibilité. Dans notre dernière enquête menée sur l’égalité au travail, nous soulevions que les hommes étaient extrêmement résistants aux propositions qui ne s’appliquent qu’aux femmes, c’est-à-dire les quotas, les programmes de développement professionnels pour femmes, les réseaux de femmes… Par contre à chaque fois qu’ils y voyaient un avantage pour leur vie d’homme et de père, comme une offre qui leur donne accès à davantage de flexibilité ou de possibilités de réduction de temps de travail sans être stigmatisés, alors à ce moment-là, ils étaient tout à fait d’accord. (…) Finalement, ce dont on parle, c’est de l’égalité professionnelle. Si on veut que les femmes réussissent autant que les hommes, il faut qu’elles aient la possibilité de développer autant leur talent que les hommes ».
Et développer son talent ne suffit pas toujours. Certaines cultures d’entreprise portent encore l’idée qu’un travailleur efficace est une personne qui travaille beaucoup. Ce qui est loin d’être toujours le cas. Pour Erwin Olivier, qui a remporté l’award Wo.Men@Work l’année passée avec Athlon, cette notion est l’une des clés pour se diriger vers plus d’égalité entre les genres. « Beaucoup de travailleurs comprennent que pour faire une belle carrière, il n’est pas nécessaire de travailler beaucoup trop. Une fois que cette idée rentre dans les mœurs, les hommes se sentent beaucoup plus libres et osent aussi prendre des temps partiels et du temps pour eux. Aujourd’hui, il faut réaliser que ce qui importe, ce n’est pas les heures prestées – ce qui est une vision très masculine du travail – mais l’impact de son travail. »
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