Le loup de Wall Street : rencontre avec le doubleur de Leonardo Di Caprio

Damien Witecka est la voix française de Leonardo Di Caprio, de Giovanni Ribisi, de Tobey Maguire et des débuts d’Ewan McGregor.

Il a doublé tous les films de Leonardo Di Caprio, de Roméo+Juliette à Shutter Island (16 films au total). Il a ensuite été remplacé par Damien Ferrette pour Inception, J. Edgar, Django Unchained et Gatsby le Magnifique. Les distributeurs de ces films, au sein de la Warner, estimaient que la voix de Damien Witecka ne correspondait plus au gabarit de Leonardo Di Caprio. Ce changement avait toutefois provoqué un tollé auprès des fans de la star, habitués à la voix de Damien Witecka en français. Une page Facebook avait même été créée pour soutenir le doubleur français et solliciter son retour. C’est désormais chose faite : Damien Witecka a été engagé pour le nouveau film de Di Caprio, Le loup de Wall Street, qui sort aujourd'hui sur nos écrans. Rencontre avec un caméléon insolite.

Comment êtes-vous devenu doubleur ?

Je ne suis pas doubleur. Je suis comédien. J’ai fait six années d’étude pour ça : trois ans au conservatoire de Dijon, ma ville natale, puis j’ai passé le concours du conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris, où j’ai passé trois années supplémentaires.

Après mes études, je faisais beaucoup de théâtre. C’est en me voyant jouer au théâtre que des gens ont décidé de me faire passer des essais. J’ai commencé avec Ewan McGregor et Petits meurtres entre amis. Ensuite j’ai fait Une vie moins ordinaire, son deuxième film. J’ai enchaîné avec Trainspotting. C’est après cela que les producteurs ont pensé à moi pour Leonardo Di Caprio dans Roméo+Juliette.

Quel rôle vous a-t-il le plus plu et pourquoi ?

C’est comme si vous demandiez à des parents lequel de leurs enfants ils préfèrent. Mais ils sont très différents et ont chacun leur charme. Dans les films de Leonardo, j’ai adoré Attrape-moi si tu peux, très touchant, et Shutter Island, très difficile à jouer, très éprouvant. Mais j’ai aussi adoré doubler Tobey Maguire dans Spiderman. C’était un plaisir d’enfant ! J’étais fan étant petit.

Modifiez-vous votre voix lorsque vous doublez des acteurs ?

Je donne tout ce que je peux donner sur Leonardo et je retiens un peu ma voix sur Tobey Maguire. C’est plus en douceur, en mi-teinte. J’adapte ma voix en fonction de ce que j’entends en VO dans le jeu de l’acteur. Je me fonds dans le sous-texte, dans l’émotion que l’acteur veut faire passer.

Quelles qualités faut-il posséder pour être doubleur ?

Il faut avoir une bonne écoute, savoir restituer ce que l’on entend, comme un musicien. Il faut se dépasser. Il ne faut pas avoir peur de se lancer. C’est comme un funambule : il ne faut pas regarder dans le vide, sinon on tombe. Il faut regarder droit devant soi et avancer.

Quelle est la plus grande difficulté de votre métier ?

Ça dépend des scènes et des rôles. J’ai eu beaucoup de difficultés à doubler Di Caprio dans Basketball Diaries, parce qu’il a des scènes de manque terribles de toxicomane. Quand j’ai vu les scènes arriver, je me suis vraiment senti perdu. J’ai dû m’adapter, m’inspirer de lectures sur le monde des toxicomanes pour me plonger dans le rôle.

Quelle est la différence entre un jeu d’acteur et un jeu de doubleur ?

Aucune. On ne peut pas être doubleur sans être acteur. Quand je croise des jeunes dans les couloirs des studios de doublage et que je leur demande s’ils sont comédiens, ils me répondent qu’ils veulent « juste être doubleurs ». Mais ils ne se rendent pas compte de la tâche qui les attend.

Avez-vous également joué dans des films ?

Oui. J’ai joué dans un court-métrage qui est en montage. J’ai joué dans un téléfilm, Le général du roi, est passé sur France 3 pendant les fêtes de noël. J’aimerais bien tourner plus. Mais je suis comme tout comédien, je suis régi par le bon-vouloir des producteurs. 

Quel conseil donneriez-vous à des jeunes qui voudraient se lancer ?

Je pense qu’on apprend le métier sur le tas. Je ne crois pas trop aux écoles de doublage. Il faut faire du théâtre. Il faut surtout accepter qu’on nous rentre dans le lard et qu’on nous dise que notre jeu est mauvais. Quand j’étais au conservatoire, j’ai eu des profs qui nous passaient au rouleau compresseur. Ils voulaient nous pousser dans nos derniers retranchements, nous forcer à nous dépasser. J’ai l’impression que les jeunes d’aujourd’hui acceptent mal la critique. Ils pensent déjà tout savoir. Or, c’est souvent dans la douleur ou l’excès qu’on avance le plus.

La bande annonce du Loup de Wall Street en VF :

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