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Le second souffle des métiers industriels

Date de publication: 15 mars 2013
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Caterpillar ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt des entreprises et PME les plus performantes en Wallonie. Leurs perspectives ? Se concentrer sur la valeur ajoutée... pour laquelle elles ont un urgent besoin de profils qualifiés.

Caterpillar, cette usine-modèle issue des Golden Sixties, courbant l'échine, c'est toute l'image de la Wallonie qui se retrouve ternie d'un seul coup. L'arbre qui cache la forêt ? Il faut se garder de tirer des conclusions hâtives sur base d'une seule entreprise, aussi emblématique soit-elle mais qui est confrontée à des difficultés qui lui sont en partie spécifiques, constate Didier Paquot, directeur du département économique à l'Union wallonne des entreprises (UWE). Il y a en effet de nombreuses entreprises, parmi lesquelles de nombreuses PME qui, dans ce secteur comme dans d'autres, résistent bien à la crise et sont même très bien armées quand il s'agira de profiter de la reprise.

Aux yeux de l'économiste, il faut en tout cas éviter de condamner les entreprises wallonnes en raison de la concurrence de pays où les coûts de production sont nettement moins élevés. L'exemple de CMI, à Seraing, illustre la faculté qu'ont certaines entreprises à continuer à prospérer au sein d'un secteur traditionnel pour autant qu'elles y soient à la recherche de nouvelles poches de croissance et développent les technologies susceptibles d'y répondre, poursuit Didier Paquot. C'est le même savoir-faire, mais sans cesse retravaillé et appliqué à de nouveaux marchés comme l'énergie verte, par exemple. Il faut constamment se réinventer et miser sur l'innovation pour générer de la valeur ajoutée.

Ce travail de réinvention, de remise en question, c'est précisément celui qui est à l’œuvre dans un secteur de pointe en Wallonie : l'aéronautique. Un secteur qui a le vent en poupe, qui plus est ! Des entreprises comme Sonaca ou Techspace Aero participent aux grands programmes mondiaux, se réjouit Pierre Sonveaux, président du pôle de compétitivité Skywin, dont les membres, qui comptent des géants comme Airbus parmi leurs clients, génèrent 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel et pèsent 6 400 emplois directs. Les perspectives ? Plus de 30 000 avions à construire dans les vingt ans pour remplacer la flotte existante et répondre à la demande, notamment des pays émergents. 

Mais ce secteur évolue (très) vite. C'est pour appréhender ces évolutions que Skywin avait identifié, il y a six ans, des axes stratégiques parmi lesquels l'émergence des matériaux composites notamment. L'idée, c'était d'aider les entreprises à maîtriser ces technologies par le biais d'investissements dans la formation et la recherche et développement, commente Étienne Pourbaix, directeur de Skywin. Quelque 135 millions ont été injectés dans 40 projets fédérant des entreprises et des universités, financés à 70 % par la Région wallonne.

Et c'est précisément pour rester dans la course que Skywin vient de redéfinir sa stratégie, en s'appuyant sur le retour des entreprises, préalablement réunies autour de tables rondes technologiques. Certaines priorités sont maintenues comme le développement des composites, mais en axant l'effort sur leur industrialisation, précise Pierre Sonveaux. Vu que les alliages métalliques ne sont pas morts, loin de là, et que nos PME y sont historiquement très fortes, nous les dopons également, de même que la simulation numérique où la Wallonie a développé une réelle expertise.

Mais la nouveauté réside dans l'approche plus « marketing » adoptée par le pôle. Nous avons identifié des niches porteuses pour les dix prochaines années, précise Alain d'Oultremont, consultant chez Roland Berger. L'aéroport de Charleroi, par exemple, a généré de multiples compétences en services aéroportuaires. Or, des centaines d'aéroports, régionaux eux aussi, doivent être construits en Asie. En fédérant des PME qui pour l'instant travaillent peu ensemble, nous pouvons proposer des services conjoints en gestion d'aéroport, en maintenance, en formation, en catering, notamment. 

Le problème – ou l'opportunité selon le public concerné –, c'est que les entreprises qui innovent se détournent des travailleurs les moins qualifiés. C'est la raison pour laquelle les employeurs insistent, depuis des années, pour que des efforts bien plus importants soient effectués dans l'enseignement et la formation, poursuit Didier Paquot (UWE). Dans le monde qui se profile devant nous et qui reste plein d'opportunités pour autant qu'on vise des produits et services de plus en plus sophistiqués, il y aura effectivement de moins en moins de place pour les personnes peu qualifiées. Mais les opportunités seront donc, en revanche, bien réelles pour les plus qualifiés !

 

Impéria ou la renaissance d'un fleuron wallon

L'idée paraît folle, mais elle prend pourtant forme : faire renaître, en Wallonie, une marque automobile prestigieuse ! Cette marque, c'est Impéria, née en 1906, à une époque où la Belgique comptait sur son sol des dizaines de constructeurs. Au faîte de sa gloire, Impéria occupait dans ses ateliers plusieurs centaines de personnes. C'est sous cette marque qu'Yves Toussaint, par ailleurs à la tête de Green Propulsion, spécialisée dans les motorisations hybrides, va lancer un véritable bijou de design et de technologie...

Yves Toussaint, comment décrire cette Impéria GP ?

C'est une voiture dont le design s'inspire des lignes qui ont fait la gloire de la marque dans les années 30 et dont la motorisation est totalement actuelle, voire futuriste. Un concept néo rétro qui se traduit non seulement par des lignes superbes, mais aussi par une technologie de propulsion à la fois électrique et thermique, spécialement développée pour ce véhicule : pour résumer, les performances sont celles d'une Porsche et la consommation et les émissions de CO2 sont celles d'une Smart...

Comment considérez-vous le fait que « Références » a choisi de vous épingler pour incarner, en quelque sorte, le renouveau industriel de la Wallonie ?

Ce projet suscite à l'évidence beaucoup d'intérêt dans les médias, mais pas seulement. Le contexte wallon est, à certains égards, compliqué et nous déployons de notre côté un projet ambitieux, qui fait rêver et qui génère des emplois : à l'horizon 2015, nous devrions employer 50 personnes pour une production annuelle d'environ 200 voitures.

Votre image vous permet-elle d'attirer davantage de candidats qu'une PME moins exposée médiatiquement ?

Il est un peu dommage de voir que nombre de jeunes préfèrent postuler auprès de grandes enseignes dès qu'ils ont leur diplôme en poche : les PME créent énormément d'emplois, souvent de grande qualité et permettant d'être rapidement investi de responsabilités importantes. Chez Impéria, nous ne sommes cependant pas victimes du handicap d'attractivité des PME en raison de notre projet qui est lui-même particulièrement attractif.

Quels sont les avantages de développer un tel projet en Wallonie ?

Un constructeur automobile est en réalité un assembleur de nombreuses pièces ou d’éléments qu'il a commandés auprès de sous-traitants. Bénéficier, comme c'est le cas en Wallonie, de compétences historiquement très développées sur le plan technique constitue un atout indéniable. Le fait que ces fournisseurs soient eux-mêmes des PME nous permet aussi de bénéficier d'une flexibilité, d'une réactivité qui n'est pas le fait de grands groupes.

Les déboires de Caterpillar ne doivent donc pas occulter le dynamisme du tissu économique wallon ?

Les gens qui risquent d'y perdre leur emploi ne doivent pas désespérer. Il y a des entreprises en Wallonie, dont nous pourrions faire partie, qui sont intéressées par leur savoir-faire. Nombre de ces PME restent en outre détenues par ces capitaux locaux, ce qui éloigne le risque de décisions fâcheuses prises dans des QG situés à des milliers de kilomètres d'ici. Nous ne craignons pas d'affirmer, de notre côté, que notre ambition est d'ancrer notre activité en Wallonie et de contribuer, à notre mesure et comme d'autres, à son redressement.

 

Une « bombe »... écologique

Bénéficiant de la technologie hybride (mi-thermique, mi-électrique), l'Impéria affiche des performances enviables : de 0 à 100 km/h en 6 secondes en mode électrique (4 secondes en mode thermique). La cible de cette « bombe » écologique, qui ne demande que 4 heures de chargement pour retrouver ses pleines capacités ? Des amoureux de la belle mécanique, qui n'entendent pas la sortir chaque jour pour aller bosser, mais aussi des acheteurs convaincus de la nécessité de soutenir des modes de propulsion automobile plus durables. Le prix de l'Impéria GP First Edition, il faut le dire, ne la met à portée de toutes les bourses : 124 900 €. Limitée dans un premier temps au Benelux, la production pourrait être exportée à plus large échelle : les marques d'intérêt sont réelles en Chine ou au Moyen-Orient, notamment.

 

La Sonaca lorgne l'espace

Partenaire d'Airbus, d'Embraer, de Bombardier, entre autres, le groupe Sonaca, à Gosselies, est un sous-traitant reconnu et apprécié par les plus grands constructeurs aéronautiques. Mais l'espace suscite également son intérêt, d'autant que ce marché est appelé à se « démocratiser » pour répondre aux besoins des pays émergents, notamment. C'est dans ce cadre que l'entreprise vient d'annoncer la conclusion d'un partenariat, en compagnie d'autres sous-traitants, avec la société Swiss Space Systems (S3).

Objectif ? Développer une mininavette spatiale, baptisée Soar (sub-orbital airplane), qui sera embarquée sur le dos d'un avion jusqu'à une altitude de 10 000 m avant de se propulser par ses propres moyens pour placer en orbite basse de petits satellites de moins de 250 kg – pour lesquels le coût d'un lancement par une fusée classique est trop élevé. À terme, cette navette pourrait aussi embarquer des passagers et concurrencer le futur Virgin Galactic, développé par l'homme d'affaires britannique Richard Branson, afin de leur proposer de vivre l'expérience de l'apesanteur à 80 km d'altitude...

Sonaca, ayant travaillé sur la structure de la navette Hermès à la fin des années 80, ensuite sur divers véhicules de rentrée dans l’atmosphère, dispose du savoir-faire nécessaire à la conception d’éléments significatifs du projet, dit-on au siège de l'entreprise où les ingénieurs du bureau d'études se réjouissent de travailler sur ces nouvelles perspectives. Ce projet, très ambitieux, comporte bien sûr de nombreux défis technologiques. De par ses compétences en structures spatiales et aéronautiques, Sonaca est idéalement placée pour aider à relever ces défis, précise Paul Adam, directeur stratégie et finances. Le projet permettra également à Sonaca de réactiver des connaissances acquises précédemment et de continuer à en développer d’autres dans le domaine spatial, qui est un axe stratégique majeur de développement pour la société.

Benoît July