Le staffage, ça n'a rien de superficiel !
Connaissez-vous le métier de staffeur, de stucateur ou encore, comme on dit en France, de gypsier ? Ce professionnel fait appel à diverses techniques, essentiellement basées sur le travail du plâtre et de la chaux, pour réaliser tous types de moulures et d'ornementations dans et à l’extérieur des bâtiments. Olivier Jamsin pratique cette forme d’artisanat depuis une trentaine d'années.
Aujourd’hui âgé de 57 ans, Olivier Jamsin est sorti de l'enseignement secondaire technique avec une formation en menuiserie au milieu des années 1980. Outre la maîtrise d'éléments purement techniques, comme l’outillage nécessaire à fabriquer des portes et châssis, cette formation intégrait des aspects comme le dessin technique des plans de coupe des objets à fabriquer. « En fait, c'était comme une mini formation d'architecte. Elle nous permettait d'aboutir à une visualisation relativement précise et claire des objets en 3D », se souvient-il. « Cela me sert encore aujourd’hui. »
Une réorientation providentielle
À sa sortie de l'école, Olivier commence par travailler en tant qu'indépendant dans son domaine de formation. Au bout de quelques années, début des années 1990, il fait la rencontre d'un artiste qui travaille la céramique et le plâtre. Il décide alors de réorienter sa carrière : « Je n'avais pas d'objectif particulier, mais je trouvais ses réalisations intéressantes et j'ai voulu l’aider. Mon côté technicien et son côté artiste se complétaient bien. Nous nous sommes orientés vers des travaux de haute précision. »
« Les débuts n'ont pas été faciles », concède-t-il. Mais, peu à peu, les deux collaborateurs ont commencé à travailler en tant que staffeurs : « Il s’agissait de réaliser, en atelier, des éléments de décoration préfabriqués en plâtre, comme des moulures, et de les poser sur les lieux de chantier. Au début, nous réalisions de petits travaux, jusqu’à ce que les chantiers prennent une plus grande importance. » Au milieu des années 1990, le duo en est à restaurer l'église du Parvis de Saint-Gilles, à Bruxelles. Quelques années plus tard, l'équipier d'Olivier décide de stopper sa participation à ce type de chantier afin de poursuivre uniquement dans sa voie artistique.
De son côté, Olivier continue sur sa lancée. Au fil des ans, il accumulera divers chantiers de taille dont il assumera la réfection : la salle de spectacle du Théâtre de Namur, les façades du panorama du Lion de Waterloo, le plafond de la Salle des clavecins du Musée instrumental de Belgique, les façades du Conservatoire de musique de Tournai, les peintures à la chaux de la Cathédrale de Tournai, etc.
Un voyage dans l’espace…
Autodidacte dans son domaine, Olivier se réjouit d'être parvenu à une si grande polyvalence et à une si grande maîtrise des diverses techniques. Pour des raisons historiques et géographiques, les matériaux et les manières de les utiliser peuvent en effet fortement varier : « En France, on recourt beaucoup au plâtre de Paris. Traditionnellement, on y travaillait surtout avec les matériaux qu'on trouvait localement dans les sols. La France a dès lors très fort développé les techniques à base de plâtre, tandis que la Belgique a beaucoup plus travaillé avec de la chaux. »
De nos jours, les techniques à utiliser pour la restauration de moulures, de plafonds ou de façades peuvent être imposées par le cahier des charges de l'architecte responsable des travaux. Celui-ci peut par exemple avoir pour objectif de restaurer un bâtiment ancien en utilisant les techniques d'origine. Autre défi : « À côté du travail en atelier, on peut être amené à travailler in situ, sur le lieu même du chantier. On doit alors réaliser des mélanges de chaux et de sable, plus ou moins fin selon l’œuvre, et les appliquer pour réaliser les moulures qu'on profile sur place avec des gabarits. En fonction du degré de finition voulu, on n'utilise pas les mêmes quantités de produits », détaille Olivier.
… et dans le temps
On l’aura compris, ce type de travaux nécessite de la part de l'artisan de bien étudier les caractéristiques des lieux à rénover. « On voyage tout au long de l'histoire », résume notre interlocuteur. « On intervient parfois sur des bâtiments comme des églises qui ont plus de mille ans, sur des bâtiments du XIXe siècle ou sur des œuvres plus récentes. Quand j’ai commencé ce métier, internet n’existait pas et la documentation technique sur ces bâtiments était rare et difficilement accessible. »
Dès lors, au fil des années, Olivier a dû développer sa propre sensibilité par rapport aux matériaux et aux techniques. « La manière de préparer et d’appliquer les matériaux et celle avec laquelle ils vont sécher, par exemple, varient d’un lieu à l’autre. Et il faut être très prudent : au moment du séchage, il y a un phénomène de retrait du matériau, qui peut causer des fissures. De même, il faut faire attention à ne pas obtenir un mélange trop rugueux, alors difficile à appliquer, et à bien analyser les éléments sur lesquels on fixe les moulures. Cela peut être un support rigide, comme une dalle de ciment, un plafond de plâtre qui comporte déjà des moulures et des décors… ou des gaines techniques de ventilation ! »
Un métier de passion
Aujourd’hui bien installé dans son atelier de Schaerbeek, Olivier admet s’être parfois lancé dans des chantiers alors qu'il ne maîtrisait pas toutes les techniques nécessaires pour les mener à bien. « Toutefois, c’est aussi le métier qui veut ça - un bâtiment n’est pas l’autre - et j’ai toujours été convaincu que j'y arriverais. Il faut simplement se montrer créatif et avoir en permanence la volonté de se surpasser et de dépasser les contraintes. »
Un autre challenge de la profession de staffeur, comme pour d’autre fonctions du bâtiment, est de devoir agir en fonction des actions des autres corps de métiers. « Si, par exemple, je travaille sur une façade extérieure où un tailleur de pierre doit également opérer, il se peut que je doive refaire des joints après son passage ou réparer des éléments sur lesquels il n'est pas intervenu. En fait, l'architecte ne peut pas, c’est normal, définir à l’avance toutes les interventions et actions nécessaires de tous les corps de métier. Il y a des zones d'ombre. Ce qu’il faut avant tout, c’est instaurer un climat de confiance les uns vis-à-vis des autres. »
Olivier Jamsin conclut en soulignant que « les métiers de l'artisanat doivent être pratiqués avant tout par passion et par amour du travail bien fait. On ne peut pas vraiment compter ses heures, car il est difficile de toujours maîtriser le temps qui sera nécessaire pour parvenir au résultat qu'on veut. »