Passer au contenu principal

Le surprésentéisme nuit-il à l’entreprise ?

Date de publication: 30 août 2013

Ils sont supermotivés. Ou craignent de perdre leur emploi. Ou ne peuvent pas se permettre de prendre le moindre jour de congé. Leur point commun ? Même malades, ils vont travailler. Au risque de détruire leur santé, mais aussi celle de leur entreprise.

S'il arrive à tout le monde de tomber malade, tout le monde ne peut pas se permettre d'arrêter de travailler, explique Denis Monneuse, sociologue et spécialiste de la santé au travail. Cette notion de permission est intéressante. Qu'est-ce qui interdit de s'arrêter le temps de la convalescence ? La conscience professionnelle ? La charge de travail ? La pression sociale des collègues ? La crainte de perdre son emploi ou que sa carrière stagne ? Sans doute un peu de tout cela. Il y aurait donc deux types de travailleurs : ceux qui ont la chance de pouvoir s'absenter pour cause de maladie et ceux qui ne le peuvent pas.

Curieusement, le surprésentéisme menace potentiellement chacun d'entre nous. Du plus bas de l'échelle – un jeune diplômé qui refuse de s'absenter pendant sa période d'essai – au plus haut – le patron d'une grande entreprise refusant de dévoiler la moindre faiblesse à ses actionnaires, ses clients ou ses employés.

Pour Denis Monneuse, les causes du surprésentéisme sont très diverses. La pression financière est la plus évidente, du fait du manque à gagner. Les personnes en difficulté financière sont plus surprésentes que la moyenne, affirme l'auteur. De même que les indépendants qui n'ont souvent accès qu'à de faibles revenus de remplacement.

> À voir aussi : 7 signaux qui annoncent un burn-out.

La pression peut aussi être plus indirecte, à travers la crainte de perdre son emploi ou de le voir stagner, poursuit Denis Monneuse, qui cite les cas de travailleurs sous contrat à durée déterminée, de travailleurs âgés soucieux de ne pas être poussés vers une voie de garage ou de jeunes cadres voulant absolument prouver leur capacité à résister au stress et aux horaires prolongés. Être constamment présent est une stratégie pour ne pas perdre ses dossiers, protéger sa réputation professionnelle, préserver ses chances d'avancement et ne pas risquer de laisser la place à un éventuel remplaçant. 

Les cadres supérieurs touchés

Pareille pression peut être réelle (la charge de travail) ou simplement ressentie (pression managériale ou sociale). Si le fait d'être confronté à un pic d'activité peut rendre une absence difficile à gérer, il n'est pas certain que tous les cadres qui prestent plus de 50 heures par semaine soient réellement obligés de le faire, si ce n'est parce que tous leurs collègues le font ou qu'ils s'estiment... irremplaçables. Mais les cadres qui se plaignent d'être débordés n’œuvrent-ils pas eux-mêmes pour se mettre dans de telles situations, en refusant de déléguer une partie de leurs responsabilités ? 

Citant parmi les autres causes du surprésentéisme la volonté de montrer l'exemple, une certaine idée de l'honneur (Mes parents n'ont jamais arrêté de travailler), la véritable passion pour son métier ou la fuite vis-à-vis d'autres problèmes (familiaux par exemple), l'auteur s'attache aussi à en traquer les dangers.

Évidents pour soi-même, vu qu'on risque d'aggraver son mal, les dangers affectent aussi les collègues, ne serait-ce qu'en raison du risque de contagion. De nombreuses études indiquent qu'en dépit des risques de santé publique, le personnel de santé est particulièrement enclin à continuer de travailler en étant malade : 70 % du personnel médical américain a déjà travaillé malgré les symptômes de la grippe, expose Denis Monneuse. Mais c'est surtout sur le plan de la santé... des entreprises que son propos est le plus interpellant.

En sus de la baisse de productivité, la présence de travailleurs malades peut aussi augmenter le risque d'accident du travail. Le danger pour l'entreprise est enfin que le surinvestissement finisse par se retourner contre elle, prévient l'auteur. S'il subit une pression, le salarié risque en effet de ruminer sur son sort et le faire payer à son employeur. Même si le surprésentéisme est un choix délibéré, d'un cadre par exemple, l'employeur ferait bien de s'en protéger. En cas de déception, le surinvestissement démontré peut laisser place à une démotivation à la hauteur des efforts précédents. Il peut s'ensuivre un profond ressentiment à l'égard de son employeur qui peut se traduire par une démobilisation totale. Et conduire à une hausse... de l'absentéisme.

Une présence indispensable, vraiment ?-

Mélanie, qui exerce de hautes responsabilités, ne compte pas ses heures et a pris l'habitude de venir travailler, même quand elle ne se sent pas bien. Jusqu'à ce que la maladie la bloque chez elle. Ces jours de repos lui ont permis de se rendre compte qu'elle pouvait s'absenter sans que l'entreprise périclite. Ses collaborateurs, qu'elle jugeait peu autonomes, ont été obligés de se responsabiliser. Son absence l’a incitée à revoir ses pratiques managériales, ce qui a été bénéfique à la fois pour elle et son équipe. Il y a lieu de penser que si elle n'avait pas abusé du surprésentéisme, cette prise de conscience aurait eu lieu plus tôt. 

48 %

Selon une étude menée par la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de travail, le surprésentéisme touche 48 % des travailleurs belges, alors que la moyenne européenne est de 40 %.

> À voir aussi : l'importance de la pause en 5 points.