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Le zèle du Hainaut

Date de publication: 17 mai 2013
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Souvent affublée d'une image peu enviable, Charleroi pose les jalons de sa reconversion. Les succès de Brussels South Charleroi Airport et du Biopark, sur l'aéropôle de Gosselies, prouvent que la reconstruction d'un écosystème dynamique et créateur d'emplois est possible. Au profit de docteurs en biologie moléculaire, mais aussi de jeunes... un peu moins diplômés.

Quelque 3 500 personnes travaillent désormais sur le site de Brussels South Charleroi Airport (BSCA) qui a accueilli l'an dernier pas moins de 6,5 millions de passagers. Entretien avec Jean-Jacques Cloquet, son administrateur délégué, qui ne boude pas son plaisir : Il se passe aussi des choses positives à Charleroi 

L'aéroport de Charleroi, une vraie success story ?

C'est une plume que l'on peut mettre au chapeau de la Région wallonne puisque c'est elle qui a initié ce mouvement... qui ne cesse de prendre de l'ampleur : 6,5 millions de passagers l'an dernier, soit le double d'il y a cinq ans. Nous avons été élus dernièrement 4e meilleur aéroport low cost dans le monde, à la suite d'une enquête menée auprès de 12 millions de personnes et portant sur 395 aéroports. Et nous allons prochainement investir 80 millions d'euros pour augmenter notre capacité d'accueil à 9 millions de passagers.

En termes d'emplois ?

Brussels South Charleroi Airport (BSCA) emploie actuellement un peu plus de 550 personnes et nous comptons plus de 3 000 personnes employées par le biais de nos partenaires actifs sur le site de l'aéroport, dans la restauration ou la sécurité, par exemple. Il s'agit le plus souvent d'emplois dédiés à des jeunes : notre moyenne d'âge est de 33 ans. Il s'agit aussi d'emplois qui profitent directement à notre environnement immédiat : 80 % de nos salariés habitent dans un rayon de 40 kilomètres. Enfin, ce sont des emplois accessibles aux profils parfois peu qualifiés de la Région : il n'est pas nécessaire d'avoir fait un MBA pour postuler chez nous.

Vous n'éprouvez donc aucun problème pour recruter ?

Vu la centaine de candidatures que nous recevons chaque semaine, nous sommes assurément attractifs. Et si tout le monde peut effectivement postuler sans être hyperdiplômé, du moins pour certaines fonctions comme les bagagistes par exemple, cela ne signifie pas que nous acceptons tout le monde. Il faut avoir l'envie de travailler dur, dans le cadre d'horaires flexibles. Pour de nombreuses fonctions, en particulier celles qui sont en contact avec les passagers, il faut maîtriser plusieurs langues : nous avons des salariés d'une vingtaine de nationalités, ce qui nous permet d'offrir aux passagers un service en néerlandais et en anglais bien entendu, mais aussi en italien, en espagnol, en arabe, notamment. Même pour le personnel qui travaille sur les pistes, la connaissance minimale de l'anglais est un atout, car il faut savoir communiquer avec les pilotes ou la tour de contrôle.

Vous collaborez avec le Wallonie Aerotraining Network (WAN) : quel est l'objectif de ces formations ?

Cette collaboration fonctionne très bien, mais nous avons dû l'adapter, car il y avait, au départ, un taux trop élevé d'échecs. Il ne suffit pas d'aimer les avions pour travailler chez nous : il faut aussi l'envie du travail bien fait et le respect des passagers. C'est la raison pour laquelle notre personnel participe aux présélections des personnes qui seront formées afin de tester leur motivation. Cette étape franchie, nous sommes très satisfaits des collaborateurs qui sont formés aux métiers d'agent de check-in, d'agent de piste ou d'agent d'opérations aériennes, soit tout de même plus de 150 personnes par an.

Vous évoquiez vos besoins en flexibilité, qui impliquent notamment le recours aux contrats à durée déterminée. Comment gérez-vous cela ?

La toute grande majorité de nos collaborateurs sont salariés à durée indéterminée. Mais il est vrai qu'il y a une différence de charge assez sensible entre haute saison et basse saison, ce qui justifie le recours à une centaine de contrats à durée déterminée. Sachant que les CDD sont des entraves à de nombreux projets, comme celui d'obtenir un prêt pour sa maison, j'essaie de les réduire au maximum. Cela passe notamment par une politique commerciale visant à augmenter l'activité de l'aéroport en période creuse, mais aussi par une réflexion visant à annualiser le temps de travail, un peu à la manière de ce qui se fait dans l'assemblage automobile : les gens travailleraient davantage en haute saison et récupéreraient en basse saison.

Existe-t-il une culture d'entreprise propre à BSCA ? Une fierté de travailler à l'aéroport ?

Je suis vraiment convaincu que chaque collaborateur contribue directement au succès de l'aéroport et je souhaite qu'il en éprouve une légitime fierté. C'est la raison pour laquelle il me paraît important que chacun soit au courant de ce que font les autres salariés et soit convaincu que leur métier est tout aussi important que le sien. Cela passe par divers moyens comme un magazine d'entreprise, mais aussi des visites aux services, les gens qui travaillent dans les bureaux étant invités à aller voir comment on travaille sur les pistes, par exemple. Nous organisons aussi chaque année une fête du personnel, la Saint-Nicolas, des opérations de team building, entre autres. Tout cela contribue aussi, bien évidemment, à fidéliser notre personnel.

Comment décririez-vous le rôle joué par l'aéroport dans la reconversion du bassin de Charleroi ?

En sus des emplois sur le site, l'aéroport contribue à développer des activités dans le domaine hôtelier, dans les navettes de transport, mais aussi dans le tourisme. Plus fondamentalement, l'aéroport, qu'utilise de plus en plus une clientèle business, donne une autre image, beaucoup plus favorable, de la région. Des entreprises veulent s'installer sur l'aéropôle, nous allons accueillir un outil d'indoor skydiving, au bord des pistes, qui sera unique en Europe. Tout cela crée une dynamique indubitablement positive. De là à affirmer que le développement de BSCA permettra d'absorber toutes les pertes d'emplois dans la sidérurgie ou chez Caterpillar, il y a bien évidemment une marge. Mais ne boudons pas notre plaisir : il se passe aussi plein de choses positives à Charleroi !

 

Le Biopark s'affirme dans la reconversion

C'est un signe qui ne trompe pas : en changeant dernièrement l'appellation de leur « Biopark Incubator » en « i-Tech Incubator », l'ULB et ses partenaires Igretec et Sambrinvest ont voulu montrer que les sciences du vivant, qui sont historiquement à l'origine de l'implantation de labos de recherche sur le plateau de Gosselies, à deux pas de l'aéroport, n'épuisent pas le dynamisme des entreprises de la région.

Nous avons décidé d'étendre notre offre d'incubation et de consultance aux sciences de l'ingénieur et aux technologies de l'environnement, confirme Marie Bouillez, directrice d'i-Tech Incubator. De quoi doper encore un peu plus cet outil qui a déjà contribué à la création de plus d'une centaine d'emplois. De quoi confirmer, surtout, que la « greffe » du Biopark, dans la grande banlieue de Charleroi a bien pris...

Lorsque l’ULB a décidé d’installer son Institut de biologie et de médecine moléculaires à Charleroi, nombre d’observateurs se sont interrogés, confirme Dominique Demonté, à la tête du Biopark, ce campus biotechnologique installé sur l'aéropôle de Gosselies. Comment l’installation d’équipes universitaires pouvait-elle jouer un rôle dans le développement de la région ? Les éventuels emplois créés ne seraient-ils pas exclusivement réservés à des chercheurs surdiplômés ?

Les réponses sont désormais connues. À l'Institut de biologie et de médecine moléculaires (IBMM) sont venus s'ajouter au fil des années l'Institut d'immunologie médicale (IMM), fruit d'un partenariat entre l'ULB et GSK-Biologicals qui concentre ses recherches sur les adjuvants vaccinaux, la transplantation d'organes et les biomarqueurs immunologiques, puis le Centre de microscopie et d'imagerie moléculaire (CMMI), en partenariat avec l'Université de Mons, entre autres.

Au-delà de la seule recherche, c'est un véritable écosystème qui a fini par prendre forme, en lien avec les outils de transfert technologique, de financement et d'incubation. Une quinzaine d'entreprises ont rejoint le campus : IPG, Bone Therapeutics, Delphi Genetics, EndoTool Therapeutics, oncoDNA, notamment. Si nombre d'entre elles sont, en tant que spin-offs de l'ULB, des créations endogènes, certaines ont rejoint le Biopark en provenance de l'extérieur comme iTeos Therapeutics qui est une spin-off... de l'UCL.

Ce sont désormais quelque 800 personnes qui travaillent sur ce campus. Plus de 70 % des collaborateurs habitent en Région wallonne, dont une bonne partie dans le Brabant wallon et dans le Hainaut. Leur profil ? 30 % sont titulaires d'un doctorat, 30 % affichent un master et 30 % sont bacheliers. Reste un solde de 10 % de diplômés du secondaire, soit tout de même près d'une centaine de personnes.

Contribuer au développement de la région reste l'un de nos objectifs fondateurs, souligne le directeur du Biopark. C'est pourquoi nous avons mis en place avec le Forem un programme de formation visant à reconvertir des bacheliers en recherche d'emploi dans les sciences du vivant, en tant que techniciens de laboratoire par exemple. Et ce n'est sans doute pas terminé.

 

Au WAN, l'aéronautique est dans tous ses états

La plupart des agents de piste, de check-in ou d'opérations aériennes employés au Brussels South Charleroi Airport (BSCA) sont passés par le WAN (Wallonie Aerotraining Network), le centre de compétence de la Région wallonne en matière aéronautique situé à Gosselies. Anna Cecconello, sa directrice, confirme que les formations menant à ces fonctions à l'aéroport voisin sont ouvertes à tous... ou presque. Car, même si l'aéronautique fait rêver, il ne faut tout de même pas se faire d'illusions.

Quand nous ouvrons une formation de type agent de piste à 25 personnes, nous sommes en réalité obligés d'écarter préalablement 75 candidats, explique-t-elle. Les compétences requises au départ ne sont pas très élevées, mais il faut tout de même disposer d'un diplôme A3 et de quelques notions d'anglais. Surtout, il fait être prêt à travailler de manière flexible, comprenant des horaires coupés notamment. Bref, il faut être très motivé et ce critère figure parmi nos principales causes de non-accès à nos formations.

Disposant de toutes les certifications requises, y compris sur le plan international, le WAN ne limite cependant pas ses formations au bénéfice exclusif de BSCA. Les 150 000 heures de formation dispensées annuellement à plus de 4 000 personnes s'adressent en effet à des étudiants (5 % du panel, par le biais notamment d'accords avec des hautes écoles à Liège et à Charleroi), à des demandeurs d'emploi (25 %), mais aussi et surtout à des salariés déjà employés par des entreprises du secteur (70 %). Parmi ces entreprises, des industriels comme Techspace Aero ou la Sonaca, par exemple, mais aussi des compagnies aériennes, notamment.

Nous nous adressons donc tout autant à un public d'hôtesses et stewards que d'opérateurs de production, à des techniciens de maintenance qu'à des ingénieurs soucieux de se former à des logiciels de simulation ou de conception assistée par ordinateur de type Samcef ou Catia, poursuit Anna Cecconello. Les seuls métiers auxquels nous ne donnons pas directement accès sont ceux de pilote de ligne et de contrôleur aérien.

Benoît July