Les entretiens d’évaluation de fin d’année, indispensables et imparfaits
D’ici une dizaine de jours, le quatrième étage de cette grande entreprise sera presque vide. Les vacances de Noël y pointeront le bout de leur nez et pourtant, dans le bureau du manager, c’est une tout autre impression qui se dégage en cette mi-décembre. Les entretiens de fin d’année se multiplient à une vitesse effrénée.
Cette scène vous est familière ? C’est normal, les entreprises belges, dans leur large majorité, sont routinières de ces entretiens d’évaluation. Pourtant, ils ne font absolument pas l’unanimité auprès des managers du pays. C’est ce qu’a pu constater Laurent Taskin, Professeur de management à la Louvain School of Management et à l’école des sciences du travail et Titulaire de la Chaire laboRH, à l’UCL : « Le constat de départ était que pour beaucoup d’intervenants, l’entretien annuel ou périodique était devenu plus une tare qu’un réel outil de développement. La question posée était alors : N’existe-t-il pas une alternative à ces entretiens individuels ? »
Un outil pourtant indispensable
Un constat que partage Frank Vader Sijpe, directeur HR reseach chez Securex : « Je sens dans mon réseau qu’il y a beaucoup de professionnels qui sont à la recherche d’un système qui marche mieux. Beaucoup d’entreprises veulent trouver un système plus performant. (…) De nombreuses études montrent d’ailleurs que l’on observe finalement très peu de différence en matière d’efficacité au travail après ces entretiens. » En dehors des frontières belges, les études se multiplient pour dénoncer les vices de cette pratique managériale. A l’image d’une recherche présentée par Deloitte en 2017 dont les conclusions sont tranchantes : trop longs, coûteux, inefficaces, insatisfaisants pour les managers, trop pauvres en informations pour les travailleurs qui y prennent part… Ces entretiens périodiques ne comptent plus leurs détracteurs tant ils sont nombreux.
Mais pourquoi cette pratique est-elle encore courante dans les entreprises belges ? S’ils sont imparfaits, les entretiens d’évaluation ponctuels jouent néanmoins un rôle clé dans la dynamique d’une entreprise. « Les recherches montrent que ces entretiens restent des moments importants pour les travailleurs. Nous avons besoin de feedback, c’est ce qui fait que nous nous sentons considérés et utiles, par notre travail, au projet de l’organisation. C’est en ce sens que l’entretien individuel constitue un signal de reconnaissance au travail. Il permet de s’arrêter un moment au côté de son manager et de constater ce qui a bien marché, ce qui a moins bien marché, de comparer les performances aux objectifs, de faire le point sur les attitudes adoptées. Ce sont aussi des moments qui ont des implications directes en matière de promotion, de prime salariale… », explique Laurent Taskin.
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Manager, un métier à temps plein
L’une des façons d’aborder cette problématique consiste à analyser le métier de manager en tant que tel. Un métier bien souvent incompris. « Evaluer, donner du feedback, c’est donc un métier qui requiert des compétences spécifiques. Lorsque ces entretiens sont perçus comme un mal nécessaire, que le rôle de people manager ne constitue qu’une partie des responsabilités des managers, l’on constate que les managers eux-mêmes ne s’investissent pas dans le développement de leurs compétences d’évaluateur. Du coup, ces entretiens sont mal préparés. On se retrouve alors dans des échanges très stéréotypés : le travailleur fait son autoévaluation, puis le manager fait son évaluation et ensuite, ils se mettent ou non d’accord sur une note à dresser pour le travail fourni et si cette dernière va impliquer, ou non, une augmentation ou une promotion, avec toutes les frustrations que cela entraîne. »
Un constat qui découle également de l’évolution de la fonction de manager. Alors que les défis qui se présentent à leurs portes sont de plus en plus nombreux, sur le terrain, ces derniers restent peu soutenus. « La situation actuelle est particulièrement difficile pour les managers car la plupart cumulent une fonction de manager avec une fonction opérationnelle. La notion de métier de manager en tant que métier à part entière n’est pas encore quelque chose d’acquis. Bien souvent, c’est sur ses fonctions opérationnelles que le manager va être évalué. Il n’est alors pas incité à s’améliorer sur ses compétences de manager en tant que telles »,explique Laurent Taskin.
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Pas de recette miracle
La situation interpelle en entreprise. Et s’il n’existe pas de recette miracle pour améliorer ces entretiens, quelques bonnes pratiques sont néanmoins conseillées (voir ci-contre) car, comme l’explique Frank Vader Sijpe, un entretien efficace est avant tout un entretien qui tient compte des réalités de l’entreprise : « Pour réussir cette recette, il faut tenir compte des ingrédients : la culture d’entreprise, sa taille, son secteur d’activité… car la recette universelle n’existe pas en la matière. »
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