Passer au contenu principal

Les formations en prison : la voie vers la réinsertion

Date de publication: 13 août 2013
Catégorie:

Il y a quelques mois, le Monde publiait une enquête choc sur le monde carcéral. Il y présente les prisons comme des « machines à broyer », dans lesquelles on infantilise les détenus, qui souffrent de conditions de détention déplorables.

« Vous entrez avec un CAP de voleur à la tire, vous en sortez avec un mastère de criminologie »

Les témoignages accablants fusent : « Le directeur fait ce qu'il veut », « les surveillants, c'est l'arbitraire », « on nous infantilise », « tout est payant et il y a des magouilles », « les plats sont toujours froids, on met deux fils électriques dénudés pour faire chauffer de l'eau », « les faibles sont écrasés, c'est une machine à broyer », les services médicaux « sont dangereux, on distribue des pilules, on fait de nous des légumes », « on mélange tout le monde, ceux qui ont écrasé quelqu'un dans un accident et les gens dont la prison est le mode de vie. C'est les conditions de détention qui font la récidive », « on côtoie les réseaux de drogue, on apprend à fabriquer des faux papiers. Vous entrez avec un CAP de voleur à la tire, vous en sortez avec un mastère de criminologie ».

En Belgique aussi, les prisons défrayent souvent la chronique. En cause : la sempiternelle insalubrité de nos prisons, qui transforme ces lieux de détention en « déchetterie sociale ».

La prison, un lieu de réinsertion

Pourtant, en 2005 a été votée la « loi des principes », qui met l’accent sur les droits des détenus et qui insiste sur la mission de préparation à la réinsertion qui incombe à l’administration pénitentiaire. Selon cette loi, les détenus ont le droit à l’éducation, au travail et à la formation professionnelle. L’établissement pénitentiaire est tenu de respecter scrupuleusement ces droits, dans le but de préparer ces détenus au retour dans la société libre. En mai 2009, des chercheurs au CRIS de l’Université de Liège, ont publié un rapport détaillé des formations mises à la disposition des détenus dans les prisons de la Communauté française. À notre connaissance, il s’agit de l’enquête approfondie et systématique la plus récente. Bilan.

Modalités pratiques

Les formations en milieu carcéral sont assurées par des acteurs internes à l’administration pénitentiaire (équipe de direction, attaché en justice réparatrice, service psychosocial, régie du travail pénitentiaire et agents pénitentiaires) et par des acteurs externes à celle-ci (écoles de promotion sociale, service d’aide aux détenus, bénévoles et de nombreuses associations). Avant d’entamer une formation, les détenus doivent passer un examen d’aptitude, au cours duquel l’on mesurera entre autres leur degré de motivation, afin de s’assurer qu’ils ne décrochent pas en cours de route (les places sont réduites). Les élèves retenus pour les formations professionnelles reçoivent une  « gratification » de 0,62 €/heure.

Une remise à niveau

Nous retrouvons des types de formations récurrents dans la majorité des prisons de la Communauté française. Il s’agit principalement de « remises à niveau », incluant des cours de français, de néerlandais, d’anglais, de mathématiques, d’informatique et d’écriture. Certaines maisons d’arrêt, comme la prison d’Andenne, proposent également une préparation au Certificat d’études de base, qui permet aux détenus de réaliser et de présenter un travail sur un thème choisi, intégrant les mathématiques, le Français, les sciences, l’histoire et la géographie. L’asbl Après, notamment active à la prison d’Ittre, assure, quant à elle, un module de préparation à la libération. Les détenus apprennent à construire un projet de réinsertion, coaching entretiens d’embauche, rédaction d’un CV, etc.

L'apprentissage d'un métier

Nous retrouvons aussi des formations proprement « professionnelles » : gestion, soudure industrielle (prison d’Andenne), horticulture, cuisine de collectivité (prison d’Ittre), dactylographie, formations d’encodeur de données, d’ouvrier maçon, d’habillement, de soudage (prison de Lantin), d’électricien, de garnisseur de fauteuils (prison de Mons), d’artisan (travail du cuir, de la mosaïque, du verre) et d’ouvrier du bâtiment (carrelage, électricité, sanitaires) (prison de Verviers).

Un déficit de politique globale

La variété de ces formations ne doit toutefois pas occulter un problème majeur : il n’y a pas de politique globale, de vue d’ensemble cohérente des formations en milieu carcéral en Belgique. Ainsi, la criminologue Juliette Beghin regrette :
« […] les formations sont donc tributaires de volontés disparates et d’une gestion discrétionnaire liée au contexte local de chaque prison : existence ou non d’un réseau associatif environnant dynamique, types de politiques des directions et de leur volonté de collaborer avec ce réseau, rapport de force avec les agents et les syndicats, degré de surpopulation et de vétusté, etc. Un tableau d’ailleurs fermement condamné par le Conseil de l’Europe via son Comité de Prévention contre la Torture et les traitements inhumains et dégradants (CPT) à l’occasion de leurs visites successives dans les prisons de notre Royaume. »

Juliette Beghin termine sur un constat d’échec : sans cadre cohérent, la prison échappe à son but premier. Elle n’est plus un lieu d’apprentissage de réinsertion, mais un simple lieu de réclusion. Il serait peut-être urgent de relancer le débat et d’encourager nos représentants politiques à reprendre ce problème à bras-le-corps.