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Les technopédagogues diplômés, une espèce rare et recherchée

Rédigé par: CAROLINE DUNSKI
Date de publication: 20 mai 2022
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La technopédagogie est un métier sorti de l’ombre à la faveur de la crise Covid. Aujourd’hui en Belgique francophone, aucune haute école ou université ne propose de formation initiale à ce métier.

En 2016, le Forem analysait les effets de la transition numérique sur les secteurs économiques en termes d’activités, de métiers et de compétences et identifiait alors des métiers dits « d’avenir ». On y trouvait à la fois des nouveaux métiers, des métiers existants dont le contenu évolue et des métiers à potentiel de croissance en termes d’effectifs.

Dans le cadre de ses travaux, le Forem s’est penché sur le métier de Digital Learning Manager (DLM). C’est un chef de projet qui accompagne les équipes technique et pédagogique dans la conception de programmes de formation digitalisés ou de ressources pédagogiques numériques destinés aux personnes qui accompagnent, à distance, un apprenant ou un groupe d’apprenants par les moyens de communication et de formation que permettent aujourd’hui l’informatique, le multimédia et l’internet.

« Le technopédagogue, ou ingénieur pédagogique multimédia, est une espèce de traducteur géant entre des équipes et des techniciens informatiques, entre des graphistes et des concepteurs de vidéos, entre des pédagogues et des experts métiers, et aussi avec une bonne capacité de gestion de projets et d’organisation de toute une série d’actions qui permettent de mettre en œuvre des dispositifs éducatifs », note Ludovic Miseur, maître-assistant en technopédagogie, contributeur au rapport du Forem à titre d’expert ingénieur pédagogique multimédia et responsable du Centre de Développement techno-pédagogique (CDTP) créé en 2020 au sein de la Haute école Léonard de Vinci.

« C’est un métier en émergence en Belgique, mais il existe depuis près de 30 ans en France et au Canada », explique Ludovic Miseur. « À l’origine de l’apparition de ce métier, il y a les concepteurs de CD-Rom éducatifs.

Ce nouveau métier est donc apparu à la jonction de plusieurs domaines avec, d’une part, des compétences techniques informatiques et, d’autre part, des compétences pédagogiques de scénarisation, de création de dispositifs et aussi d’animation. En Belgique, il n’existe pas de formation initiale à ce métier. En Fédération Wallonie-Bruxelles ou dans les établissements, lorsque nous avons des experts ou des technopédagogues, s’ils ont une formation initiale avec un master complet, ils ont dû aller la chercher en dehors de nos frontières, à Lille, à Rennes ou à Poitiers, par exemple. Par contre, nous avons toute une série de formations complémentaires, de types certificats universitaires, bacheliers de spécialisation ou, parfois, des petites options à finalité éducative, au sein des masters en sciences de l’éducation, mais cela reste un petit aperçu par rapport à une formation complémentaire ou complète que l’on peut faire dans le domaine. »

Initialement, les technopédagogues assuraient surtout les formations au sein d’entreprises privées. Ce n’est qu’assez récemment qu’ils sont arrivés dans l’enseignement universitaire, d’abord, puis dans l’enseignement obligatoire, et enfin dans les hautes écoles, avec des vitesses assez variables en fonction des institutions, des lieux et des besoins.

En septembre 2020, la Haute école Léonard de Vinci démarrait un nouveau modèle de gouvernance avec un plan stratégique dont le premier axe concernait le développement des compétences numériques et des compétences transversales. « Ce plan stratégique a été élaboré avant la crise covid et est l’élément central qui a enclenché la création du CDTP au sein des services académiques. Ceux-ci regroupent le centre interdisciplinaire de recherche, le centre de formation continue, les bibliothèques et le Learning Center, ainsi que le service d’accompagnement des étudiants », souligne Geneviève Halleux, directrice académique et vice-directrice-présidente de la Haute école Léonard de Vinci.

Geneviève Halleux et Ludovic MiseurGeneviève Halleux, directrice académique et vice-directrice-présidente de la Haute école de Vinci, et Ludovic Miseur, responsable du Centre de développement techno-pédagogique (CDTP).

Un Centre boosté par le covid

Le CDTP comporte trois volets : la confection des programmes d’études ; le soutien pédagogique et l’accompagnement des enseignants qui, quand ils arrivent dans la haute école pour enseigner comme maître-assistant ou formateur pratique avec leurs compétences métier, n’ont pas nécessairement de formation pédagogique ; et la « technopédagogie » proprement dite, pour soutenir l’appropriation des outils numériques et la digitalisation des enseignements.

« Le développement du Centre a été accéléré par le covid », se souvient Geneviève Halleux.

« On a concentré l’énergie sur le techno-pédagogique en recrutant des enseignants avec ce profil-là, comme Ludovic, d’ailleurs. On a récupéré dans nos effectifs des enseignants qui avaient des compétences et expériences en technopédagogie, mais qui ne se définissaient pas nécessairement comme tels. »

Dans le cadre du Fonds européen Facilité pour la reprise et la résilience, principal instrument du plan européen Next Generation de réduction des effets sociaux et économiques de la crise sanitaire, la Haute école Léonard de Vinci a pu bénéficier d’une intervention lui permettant de développer sa stratégie par l’acquisition de matériel et d’équipement et par l’investissement dans les ressources humaines.

« L’utilisation judicieuse de beaux outils numériques, comme une salle de simulation immersive ou un robot social, nécessite un accompagnement humain, pour que l’enseignement soit réellement efficace », souligne Ludovic Miseur.

Pour la directrice académique, la difficulté réside dans le recrutement de ces profils : « Actuellement, il y a quatre personnes. L’équipe devrait en compter sept à dix pour mener le développement en cours, mais le problème sur le terrain, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de diplômés et qu’il y a une forte demande. Comme on a besoin de beaucoup de monde, nous menons une expérience pilote et travaillons avec des étudiants jobistes qu’on forme et paie pour accompagner d’autres étudiants. »