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L'intérim redore son image

Date de publication: 24 janv. 2014
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Une étude de Page Personnel détaille l'attrait des employeurs pour les travailleurs intérimaires. Longtemps taboue, la formule caresse désormais les plus spécialisés. Sur un marché du travail en dents de scie, jeunes et seniors peuvent y trouver une escale.

Après de longs mois de repli, le marché de l'intérim se redresse, enfin. Olivier Dufour, Executive Director de Page Personnel Bruxelles, division dédiée à  l'intérim et au recrutement spécialisé, évoque une meilleure conjoncture et un début d'année prometteur comparé à  2013. Mais il veut rester prudent. Si les contrats de travail temporaires sont un phénomène relativement nouveau pour l'Europe continentale, ils touchent désormais l'ensemble des fonctions. Le statut de l'intérimaire belge serait d'ailleurs un des plus avancés d'Europe, selon les comparaisons effectuées par l'organisation Eurociett regroupant les syndicats professionnels européens. Formations poussées, coaching, rémunérations équivalentes à  celles des salariés... Des avantages qui ont contribué à  modifier en quelques années la perception de l'intérim par les travailleurs. Une nouvelle enquête de Page Personnel, menée auprès de 13 000 employeurs et professionnels dans 17 pays, montre que 67,8 % des travailleurs belges ont une bonne opinion de l'intérim et la proportion monte à  92,9 % chez les employeurs. Aujourd'hui, c'est également un style de travail qui est moins dévalorisé, surtout par les jeunes, qui y voient un tremplin vers un emploi pérenne. C'est ainsi que 78,9 % des intérimaires jugent leur passage par l'intérim « utile » pour développer leur réseau, 77,1 % pour développer leurs compétences et 65,5 % pour trouver un emploi permanent. Si la majorité des employeurs perçoivent toujours l'intérim comme un outil de flexibilité, en Belgique, ils sont de plus en plus nombreux à  l'utiliser pour recruter leurs managers. Plus d'un tiers des intérimaires belges se voit effectivement offrir un travail fixe chaque année, de sorte que les groupes d'intérim doivent recruter en permanence.

Tout n’est pas rose dans l’intérim. Mais selon votre étude, la formule du travail temporaire serait de plus en plus appréciée. Pourquoi ?

Le marché du travail temporaire n'a cessé d'évoluer ces trente dernières années. Or, dans l'inconscient collectif, l'intérim a longtemps gardé une image assez dégradée. Pour plusieurs raisons : d'abord, parce que les premières positions dans l'intérim étaient très peu qualifiées. Mais surtout, parce que c'est un marché qui s'est développé dans un contexte de crises économiques. L'envol des premières fonctions intérimaires date des années 70, soit en plein choc pétrolier. Aujourd'hui, la perception des gens a totalement changé : pour la majorité des travailleurs, l'intérim n'est plus subi comme une fatalité, mais saisi comme une opportunité. Dans les pays qui, comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou la Belgique, ont une longue histoire de travail temporaire, les gens embrassent avec certitude cette forme d'emploi pour faire leurs preuves et, éventuellement rebondir sur un meilleur emploi. Dans des pays comme la France, l'adhésion est telle que la part de l'intérim a pris le dessus sur le marché du recrutement.

Au fil des années, comment la population des travailleurs intérimaires a-t-elle évolué ?

La demande s'est fortement spécialisée. Le centre de gravité s'est déplacé de l'ouvrier peu qualifié vers des populations plus diplômées. Alors qu'il y a vingt ans, recruter des cadres de haut vol pour des missions temporaires était totalement inimaginable, aujourd'hui, il est admis que, face à  l'urgence, une société ait recours à  l'intérim pour non seulement recruter provisoirement un manutentionnaire, mais aussi un cadre de la direction générale, qu'il soit directeur financier ou DRH. Enfin, le marché du travail a aussi considérablement changé : de plus en plus de quinquagénaires ultraqualifiés se retrouvent sur le marché. C'est ce qui explique, en partie, l'essor de l'intérim management.

En termes d’expertise, de personnalité et d’attitude requise, quelles sont les attentes envers un intérim manager ?

La mission principale d'un intérim manager est de remplacer poste pour poste un dirigeant ou un cadre opérationnel ayant quitté temporairement ou définitivement ses fonctions. Il peut intervenir dans le contexte d'une opération de restructuration de l'entreprise, de réorganisation ou d'un développement de nouveau marché. Pour ces profils, ce sont les notions de « gestion de projet » ou de « gestion de crise » qui ressortent. Le manager de transition est là  pour réorganiser un pan ou une partie de l'entreprise. L'entreprise attend de lui qu'il appréhende rapidement un modèle, délivre les résultats dans les délais impartis et qu'il propose de nouveaux leviers de progrès. Comme souvent, la réputation est capitale et se bâtit au fil des ans sur des valeurs et des résultats.

Selon votre étude, c'est en Belgique et en Italie que les missions intérimaires sont les plus longues. En termes relatifs, elles dépassent trois mois. Pourquoi ?

Plus que dans d'autres pays, en Belgique, l'intérim remplit une mission de préembauche : les employeurs ont découvert qu'ils pouvaient grâce à  l'intérim tester des cadres de haut vol pour des missions plus ou moins longues. Comme les entreprises sont devenues prudentes lors de leurs recrutements, elles misent sur un faible niveau d'engagement afin de gagner en flexibilité. Mais cela ne les empêche pas de transformer des contrats temporaires en contrats permanents. D'ailleurs, 91,7 % des employeurs belges sondés voient dans l'intérim un moyen pour identifier des candidats pour des postes à  durée indéterminée. Et, en miroir, près de 35 % des professionnels belges se sont vus proposer un contrat permanent par leur employeur à  l'issue de leur mission temporaire. La Belgique se distingue de ses voisins sur cette question de façon plus ou moins variée : 19,9 % en France, 29,8 % aux Pays-Bas et 23,1 % globalement.