Mouton à 5 pattes : gare à la frustration !

Mouton à 5 pattes : gare à la frustration !

Trilingue, bardé de diplômes, polyvalent, flexible, hypermotivé, âgé de moins de 30 ans, mais déjà doté d'une expérience professionnelle de haut niveau. Voilà le genre de profil totalement épatant, parfois encore présent parmi les offres d’emploi. Encore faut-il qu'il existe…

De nombreux métiers affichent une pénurie criante. En dépit de cela, certaines entreprises continuent d’exiger des candidats une série de critères très élevés et très stricts. Soyons clairs : elles n'ont quasiment aucune chance de dénicher quelqu'un qui y corresponde en tous points. Si d'aventure elles y parviennent, elles risquent de devoir adapter sensiblement à la hausse le package salarial qu’elles offrent.

Faire une part du chemin

Pour Jeroen Franssen, Senior Expert Talent, Labour Market & Organisation chez Agoria, les entreprises ne doivent pourtant pas nécessairement revoir leurs prétentions à la baisse : « Elles peuvent garder des demandes ambitieuses, mais elles doivent être prêtes à fournir elles-mêmes, ou en collaboration avec des organisations sectorielles, une partie de l'effort pour parvenir au niveau de compétences qu'elles souhaitent. Je conseille dès lors aux recruteurs d’évaluer avec les candidats, dès la phase d’entretien, leurs besoins de formation en fonction des objectifs de la société. »

Et si un candidat signale qu'il ne veut pas ou ne pourra jamais atteindre un niveau de compétences dans un domaine donné ? « Cela ne doit pas être un facteur d'exclusion automatique. L'objectif d’une entreprise est de constituer des équipes multidisciplinaires et complémentaires. Il faut dès lors tenir compte des compétences de chaque candidat. À la fin, on assemble toutes ces compétences, un peu à l’image d’une mosaïque », soutient notre interlocuteur.

Environnement pédagogique

Jeroen Franssen met aussi le doigt sur l’évolution du rôle des sociétés : « Dans une certaine mesure, elles doivent mieux développer la culture d'apprentissage en devenant elles-mêmes un environnement pédagogique dans lequel on se poursuit une forme d'enseignement. Parallèlement, elles pourraient aussi mieux développer leur présence dans les écoles, comme c'est déjà le cas avec la formation en alternance. »

Selon lui, un jeune professionnel frais émoulu d'une école devrait en outre aussi pouvoir y garder un accès durant les années suivantes : « Il pourrait ainsi venir y réactualiser ses compétences et rester à la pointe de l'évolution des connaissances ou des technologies. » Dans l'IT par exemple, où tout évolue très vite, l'intérêt de la démarche n'échappera à personne, mais les avantages ne s'arrêtent pas là : « Ce jeune professionnel pourrait aussi partager ses premières expériences avec les étudiants qui arriveront sur le marché de l'emploi dans les prochains mois ou prochaines années. Ce serait vraiment enrichissant ! »

Percevoir positivement la formation

Il faut bien reconnaître qu’en Belgique, nous affichons un retard certain par rapport à d'autres pays en matière de formation continue. Jeroen Franssen estime qu’il trouve son origine entre autres dans une perception négative liée à la formation de manière générale : « C'est une impression que j'ai développée à travers une recherche personnelle. On est trois fois moins motivé à s'engager dans une formation lorsqu’on ressent que celle-ci doit venir combler un manque. La formation ne doit pas devenir synonyme de punition ou de correction, mais bien d’ouverture sur de nouvelles perspectives pour notre propre avenir. »

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