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Quand la pression sur les cadres fait basculer des vies

Rédigé par: Laurence Briquet
Date de publication: 16 févr. 2022
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Le film « Un autre monde » de Stéphane Brizé, qui sort en salle mercredi 23 février, met en lumière le parcours d’un cadre dont la vie, tant professionnelle que personnelle, va basculer peu à peu, faisant de lui à la fois un exécutant et un bourreau. Une plongée au cœur d’une entreprise internationale où la rentabilité prime sur tout le reste et où ce cadre quinqua va aller de désillusion en désillusion…

Un autre monde

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« Un autre monde », de Stéphane Brizé (sortie le 23 février) raconte quelques années dans la vie de Philippe Lemesle (Vincent Lindon), cadre d’une entreprise française qui appartient à un groupe américain. Ce cadre quinqua va se séparer de sa femme, Juliette (incarnée par Sandrine Kiberlain), mère de leurs deux adolescents, et le film démarre justement avec ce divorce douloureux. Si la vie du couple a toujours été rythmée par le travail, tout a basculé quand Philippe est devenu responsable d’un site industriel, ce qui n’a pas manqué d’entrainer, à la maison, des années de tensions, d’angoisses et de plaintes par rapport à son travail. Comment pourrait-on lui en vouloir, lui qui a toujours bossé dur pour en arriver là où il est mais qui se retrouve, un jour, au pied du mur, obligé par l’actionnaire américain de virer près de 60 personnes ? 

« Le film met en scène la perte de sens de la vie d'un cadre d'entreprise qui, en même temps que son mariage s’effondre, a de plus en plus de difficultés à trouver de cohérence dans un système qu'il sert pourtant depuis des années. Un système dans lequel il lui devient extrêmement compliqué d'appliquer vers le bas des injonctions venues d'en haut », explique Stéphane Brizé, le réalisateur. « De nombreux cadres nous ont raconté, à Olivier Gorce mon co-scénariste et moi-même, une vie personnelle et professionnelle à laquelle ils parviennent de moins en moins à donner de sens parce qu'on ne leur demande plus notamment de réfléchir mais simplement d'exécuter. Nous avons voulu rendre compte des conséquences du travail de ceux qui sont considérés comme le bras armé de l'entreprise mais qui sont simplement des individus pris entre le marteau et l'enclume », ajoute-t-il. 

Un autre monde

Le malaise des cadres

S’il n’a pas voulu montrer l'entreprise comme étant uniquement un lieu de névroses, de tensions et de violence, il faut reconnaître qu’elle apparaît, ici, dans ce qu’elle a de plus détestable. « Tous les cadres que nous avons rencontrés avec Olivier Gorce ont été écartés, d'une manière ou d'une autre, de leurs fonctions après avoir pourtant répondu sans discuter pendant de nombreuses années aux injonctions du système. Ils travaillaient dans l'industrie mécanique, la métallurgie, la banque, le soin, la publicité, les assurances ou la cosmétique. Tous dotés d'énormes capacités intellectuelles et de management. Tous travaillant dans des entreprises appartenant à des groupes internationaux cotés en bourse. Ces cadres nous ont parlé de leur malaise, de ce sentiment difficile à gérer d'être simplement devenus la courroie de transmission d'un système plein d'injonctions contradictoires. Ils ont évoqué leur inquiétude de ne plus être à la hauteur de la performance qu'on attend d'eux. Ils n'étaient pas nés bourreaux mais ils ont eu peu à peu le sentiment de le devenir en même temps qu'ils perdaient le sens de leur vie personnelle et professionnelle. Certains ont fait des burn-out, d'autres n'ont plus trouvé grâce aux yeux de leur direction et ont été écartés et d'autres encore sont partis avant de s'effondrer. Et tous nous ont parlé de la manière dont le cercle familial était inévitablement impacté. Philippe Lemesle est de ceux-là, un gars de bonne volonté, qui sent l'eau arriver à hauteur de sa bouche et qui s'autorise enfin à questionner ce qui de la vie personnelle mérite d'être sacrifié pour le travail », note encore Stéphane Brizé.

C'est une révolution copernicienne que ce cadre va devoir opérer s'il ne veut pas tout perdre : sa famille, sa santé psychique et physique. Cet «autre monde» suggéré dans le titre est à la fois celui que le personnage principal est en train de perdre et celui dans lequel il bascule. 

« Cet «autre monde», c'est la question du choix qui se pose au personnage interprété par Vincent Lindon en même temps qu'à celui interprété par Sandrine Kiberlain. La question de savoir ce que nous sommes prêts à faire personnellement et professionnellement pour être à la place qui nous semble très intimement la plus juste », conclut le réalisateur.

Au final, ça donne une très belle interprétation, toute en nuances et non-dits, de deux grands acteurs, rejoints par l’ancienne journaliste Marie Drucker, très crédible en patronne française que rien n’arrête. Pas même le malheur de ses employés…

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