RH : comment caster les bons candidats

Voilà  des gens qui ne doivent pas se tromper. Leur job ? Le recrutement. Dans son nouveau livre, Les RH en scène, le bureau de sélection Selor dévoile comment user de mille ruses et précautions pour éviter l'erreur de casting et... toute forme de discrimination.

Dur métier que celui de recruteur. Pensez, en quelques entretiens seulement, il doit statuer sur la capacité d'un candidat à  occuper ou non un poste. A priori c'est très simple, mais l'exercice s'avère souvent coton. Heureusement, la « science » devrait venir au secours de nos limiers. Pour assainir les pratiques, mais surtout pour inspirer par l'exemple, Selor a rassemblé son expertise dans un livre pratique. À partir d'études de cas concrets, Les RH en scène dévoile, de façon très accessible, les processus validés scientifiquement qu'utilise le bureau de sélection de l'administration publique. "Avec plus de 180 000 candidatures reçues en 2013, nous mettons un point d'honneur à  développer et optimaliser nos outils de sélection. À travers ce livre, nous avons voulu centraliser notre méthodologie, qui peut être transposée, ajustée et appliquée dans d'autres contextes professionnels. Comme celui du secteur privé", plaide Maud De Raemaeker, coauteur du livre et collaboratrice Research & Development de Selor.

Votre livre part d'une idée atypique : comme dans le monde du cinéma, les responsables RH doivent « mettre en scène » des processus et organiser des castings pour trouver le « candidat star ». Pourquoi cette métaphore ?

Le fil rouge du livre – le monde du cinéma – n'est pas anodin. L'idée est de mettre en avant l'évolution du rôle de manager RH. Pour nous, son rôle n'est plus cantonné à  celui du service du personnel. Comme pour un film, il doit caster les bons acteurs pour les bons rôles. Comme un réalisateur, il doit aussi coordonner l'ensemble des différentes étapes selon un scénario cohérent. Ou, en d'autres termes, une méthodologie efficace. Enfin, il doit puiser dans la diversité des talents pour mettre le candidat en lumière. Car, plus que jamais, les responsables RH devront veiller à  ce que les compétences des personnes actives sur le marché du travail soient utilisées de manière efficace, et qu'elles soient maintenues et développées en interne. Aujourd'hui, le manager RH a un rôle de plus en plus stratégique : il doit contrôler l'ensemble du processus.

Certaines techniques de recrutement utilisées par les DRH restent souvent sans fondement scientifique... donnant finalement l'impression qu'une embauche se résume à  une loterie. Comment et pourquoi en faire une pratique scientifiquement étayée ?

Notre point de départ est que pour servir d'exemple, une bonne pratique de recrutement et de sélection doit être scientifiquement étayée. Pour appliquer des méthodologies efficaces et efficientes, nous collaborons avec des comités scientifiques, composés d’experts des différentes universités belges. Ce qui nous incite aussi à  revoir certains processus. Par exemple, nous avons abandonné l'ancienne méthode de sélection qui consistait à  évaluer les connaissances, au profit de l'évaluation des compétences qui sont requises pour l'emploi en question. Pour ce faire, tous nos formats de screening ont été réadaptés.

Le recrutement et la sélection impliquent aussi – et surtout – des rapports humains et une part d'intuition... Du coup, jusqu'à  quel point ces pratiques peuvent-elles être objectivables ?

Au Selor, les étapes de la sélection passent par trois modules. Le premier screening est d'abord informatisé : le CV est scanné et le matching se fait par réaction à  des mots-clés (intitulé du diplôme, nombre d'années d'expérience, etc.). Ensuite, les tests de compétences génériques et d'aptitudes cognitives s'effectuent sur PC. Sans la moindre intervention humaine pour assurer l'égalité des chances. Ce n'est qu'au moment de l'entretien qu'il y a un contact direct avec le candidat. Par nature, ces contacts peuvent être très subjectifs. Car il faut s'assurer que le candidat colle avec la réalité du poste et de l'organisation. Mais, cela ne signifie pas qu'on ne peut rester neutre et objectif dans l'évaluation de ses compétences.

Nés aux États-Unis dans les années 40 pour évaluer les espions américains, les assessment centers reviennent en force, notamment comme outils de sélection interne... Restent-ils de bons moyens de pronostiquer la performance d’un candidat ?

La validité prédictive de l'assessment center est très élevée et totalement validée scientifiquement. Il permet d'évaluer des candidats en les plaçant dans des situations proches de la réalité professionnelle. Les différents scénarios, comme le bac à  courrier, permettent aux observateurs d'étudier les attitudes des candidats et d'analyser leur faculté à  la piloter en termes d'organisation, de vision stratégique, de relationnel. L'intérêt pour le candidat : être évalué sur ses compétences et mettre en avant une expérience, un savoir-faire, une personnalité plutôt qu'un diplôme.

Le taux de réussite de vos tests de raisonnement abstrait, auxquels sont soumis les candidats à  un emploi dans la fonction publique, est d'à  peine 45 %. Or, il est indispensable de le réussir pour accéder à  un entretien...

Je peux comprendre que cela soit difficile pour certains candidats. Pour beaucoup d'entre eux, les tests de raisonnement abstrait ne sont pas adaptés à  certaines fonctions. Mais ils sont conçus sur des bases scientifiques et sont validés par notre comité scientifique. Nous avons la responsabilité de choisir les meilleurs tests prédictifs. Ils doivent aussi être culturellement neutres, neutres au niveau du genre, et adaptés à  des personnes atteintes d'un handicap. Nous nous efforçons aussi d'être transparents quant à  l’utilité de ces testings : des démos sont disponibles sur notre site. L'objectif est que le candidat sache ce qu'on attend de lui.

Si l'on échoue à  l'un d'un de vos tests génériques, on ne peut plus postuler pour un travail de niveau égal ou supérieur, avant... six mois. Par quoi le Selor justifie-t-il ce délai ?

La durée de cette période, appelée development buffer, est nécessaire pour développer et vraiment améliorer ses capacités générales. D'ailleurs, nous préférons donner un feed-back en termes de compétences fortes et de compétences à  développer plutôt que sur le test lui-même. Mais le fait est que nous devons aussi protéger nos testings... Cette mesure permet simplement d'éviter qu'un candidat repasse deux ou trois fois le même test en l'espace d'une semaine. Car si c'était possible, cela signifierait seulement qu’il est adapté au test. Dès lors, quelle légitimité aurions-nous pour évaluer réellement les compétences ? Ce qui est nouveau, par contre, c'est que la réussite du test générique accorde une dispense de trois ans au candidat. Il peut bypasser le screening générique et accéder directement à  l'étape de sélection. Alors qu'auparavant, il fallait repasser toute la procédure.
 

À LIRE

Les RH en scène, Marc Van Hemelrijck, éd. Acco, 2013, 34,50 €.

Au Selor, la procédure de sélection est composée de trois modules 

Dans le module 0, le Selor vérifie que vous disposez bien du diplôme ou de l'expérience souhaitée. Si c'est le cas, vous pouvez passer au module 1. Ce module évalue vos capacités générales pour occuper un poste à  un niveau de fonction déterminé, notamment en termes d'analyse, de résolution de problèmes, de travail en équipe, etc. Si vous réussissez, vous accédez au module 2. Celui-ci comporte des tests spécifiques et non plus généraux. C'est dans le cadre de cet ultime module que vous aurez notamment un entretien.

 

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