Passer au contenu principal

Boeing de Malaysia Airlines : une communauté pour lutter contre la crise

Date de publication: 19 mars 2014
Catégorie:
Knowledge management et influence? Créer une communauté pour gérer une situation de crise: le cas du vol 370 de Malaysia Airlines…
Claire Gruslin, chargée de Cours à  HEC-ULg dans la discipline Marketing

Le « knowledge management » ou gestion de la connaissance est un des trois piliers fondamentaux de l’intelligence stratégique. Discipline plus récente que le pilier de l’influence, il s’agit d’un processus permettant des actions systématiques de structuration, d’intégration et de capitalisation d’informations critiques pour une organisation afin d’en améliorer sa performance/son innovation. De manière opérationnelle, les connaissances sont soit tacites ou explicites mais souvent de nature technique et complexe. C’est effectivement le cas dans le monde de l’imagerie spatiale.

Alors que les recherches piétinent pour retrouver le Boeing 777 de Malaysia Airlines porté disparu depuis le 08 mars 2014, Digital Globe, une société américaine spécialisée dans l’imagerie spatiale a décidé de mettre en place dès le 10 mars une plateforme collaborative nommée  « Tomnod.com ».    

[[{"type":"media","view_mode":"media_original","fid":"47151","attributes":{"alt":"","class":"media-image","height":"423","style":"width: 630px; height: 300px;","width":"888"}}]]

Chaque internaute volontaire peut ainsi apporter sa contribution à  l’interprétation des 24.000 km2 d’images satellite de la zone entre le golfe de Thaïlande et la mer de Chine méridionale. Les volontaires visualisent des cartes dans le périmètre de recherche et peuvent épingler des débris, des morceaux de carlingue, des canots de sauvetage, des traînées de carburant ou signaler tout signe suspect. Un algorithme mathématique entre ensuite en jeu et travaille sur ces données enrichies pour laisser ensuite la place aux experts de Digital Globe pour affiner les analyses et les partager avec les autorités respectives. 

Parallèlement, les réseaux sociaux ont pris le relais et plusieurs groupes Facebook et Twitter se sont constitués dans le monde entier pour comparer le résultat des recherches et discuter les copies d’écran des images satellites.

Cette initiative nous permet d’illustrer les éléments suivants :

  • Rôle de la connaissance : au-delà  du volume considérable des données géospatiales (belle illustration du Big data), il est fondamental de pouvoir les transformer en ressources stratégiques.  En effet, une information n’est pas en soi une connaissance : elle doit pour cela être contextualisée et analysée au vu d’apporter une action précise ;
     
  • Importance d’un environnement propice à  la mobilisation: la plateforme permet de façon simple et conviviale de tagger les objets sur base d’une liste proposée. C’est un point capital dans la gestion de la connaissance: gérer l’information de façon collaborative, susciter l’intérêt et se doter de puissantes capacités d’extraction des données;
     
  • Organisation fluide des savoirs et des expertises: il n’est pas si simple de créer de la connaissance à  priori de façon systématique;  le but en soi n’est pas de produire de gigantesques « entrepôts » de données peu utiles au vu des évolutions rapides de l’environnement mais de disposer et de mettre à  disposition d’un ensemble d’acteurs/collaborateurs des données sur lesquelles ils peuvent échanger, partager et finalement capitaliser pour créer de la valeur.
     
  • Communauté de pratique (volontariat, non hiérarchique) : mettre l’accent sur la communication directe entre les individus (internes et externes) et l’organisation est un élément incontournable qui assure la spontanéité nécessaire au partage. Les internautes volontaires se regroupent dans différents espaces (que ce soit au travers des réseaux sociaux, des blogs ou des sites) pour partager leurs découvertes et coopérer afin de résoudre la problématique en question: retrouver des traces de cet avion disparu et surtout venir au secours des 239 passagers. Cette communauté s’est assignée un véritable objectif et certains moyens d’action ; elle couvre clairement un vaste territoire international. Cette structure ne s’inscrit absolument pas dans un cadre hiérarchique mais bien collaboratif transversal. Une telle initiative permet de tisser des liens, de créer des réseaux informels et des partages de bonnes pratiques utiles à  un secteur.
     
  • Optimisation de la diffusion: respecter le principe simple qui veut que la connaissance soit diffusée au moment où on en a besoin et à  la personne qui en a besoin. 

S’il est vrai qu’avec chaque jour qui passe, les chances de retrouver l’avion s’amenuisent et que cet événement permette à  Digital Globe de s’offrir une réelle visibilité (son site a d’ailleurs été inaccessible au vu de l’affluence du trafic), le principe de l’intelligence collective est bien réel. 

A noter aussi, dans le registre de la « réputation et influence », la carence flagrante des autorités malaisiennes autour de l’événement : contrôle de l’information, non transparence, voire désinformation. A suivre …

 

Claire Gruslin a une double casquette: d'un côté le volet "entreprise" en tant qu'associée fondatrice de  « Elliptic », société de consultance en marketing (Sniffing Inspirational Marketing Intelligence) et de l'autre côté, le volet académique en tant que Chargée de Cours à  HEC-ULg et à  Solvay dans la discipline de Marketing Opérationnel, Knowledge Management & Influence, Creative Marketing et Digital Marketing. Avant de créer sa propre société, elle a occupé plusieurs postes à  responsabilité au sein de départements marketing et développement produit de PME belges. Pour Références, elle a également écrit Stromae, l'affaire marketing à  suivre et JO de Sotchi : influence, soft power et stratégie de marque.