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Une enquête de ZebraZone : Le harcèlement moral pèse sur les résultats

Date de publication: 14 déc. 2009

Les victimes du harcèlement ne se limitent pas aux personnes concernées. L'entreprise est pénalisée.

D'année en année, les chiffres se confirment. Quelque 13 % des travailleurs belges se disent victimes de harcèlement moral au travail, ces données étant issues cette fois d'une étude réalisée par ZebraZone auprès d'un échantillon d'un peu plus de 1.500 personnes.

Diverses enquêtes, à  l'échelle européenne, donnent des ordres de grandeur comparable (12 % en France, par exemple). " Mais le nombre de cas de harcèlement moral n'a pas augmenté de manière significative en Belgique ces dernières années ", relève-t-on chez ZebraZone où l'on constate qu'en 2005, ce taux s'élevait à  un peu plus de 12 %.

Soulignons d'emblée une précision d'interprétation : pareilles enquêtes étant réalisées auprès des travailleurs eux-mêmes, elles donnent la perception d'un vécu, qui ne correspond peut-être pas tout à  fait à  la réalité. Un conflit au travail peut être considéré par un collaborateur comme un harcèlement, alors qu'il n'en présente pas les caractéristiques. Certaines formes d'organisation du travail peuvent aussi engendrer un stress élevé, qui n'est pas constitutif de harcèlement mais peut néanmoins être considéré comme tel par les personnes qui en sont victimes.

Quoi qu'il en soit, du point de vue de l'employeur, le problème ne peut pas être négligé. " Les conséquences de ce harcèlement moral sont importantes ", note-ton chez ZebraZone : " Diminution de la satisfaction sur le lieu de travail, accroissement des maux de nature physique ou mentale, augmentation de l'absentéisme et rotation plus élevée du personnel."

Les signes traduisant un harcèlement moral sont de nature très diverse : maux de tête, de dos, à  la nuque ou à  l'estomac, essoufflement, palpitation, entre autres, sur le plan physique. Quant aux maux de nature psychique, les victimes se disent davantage sujettes à  la dépression (36 % par rapport à  13 % pour les non-victimes), à  la colère (36 %), à  la perte de contrôle (32 %), au sentiment de dévalorisation (30 %) et d'insatisfaction par rapport à  soi-même (21 %).

Absentéisme en hausse

Pour l'entreprise, les effets sont donc réels également. " Les travailleurs victimes sont sensiblement moins satisfaits : leur score de satisfaction global ne s'élève qu'à  5,7 sur 10 alors que, pour les autres, cet indice s'élève à  7,3 %. " Cette insatisfaction s'exprime non seulement de manière globale, mais aussi sur les divers éléments mesurés comme les conditions de travail, le salaire, le contenu de la fonction, le management, la motivation et l'engagement, les valeurs et la culture de l'entreprise, la communication interne ou l'ouverture au changement, entre autres.

Les conséquences de cette insatisfaction se traduisent de manière assez classique puisque, selon ZebraZone, " les travailleurs ayant été victimes de harcèlement moral se sont absentés en moyenne 10 jours de plus pour des raisons de santé que leurs collègues non harcelés ". Ils sont aussi davantage enclins à  quitter leur entreprise (49 % contre 28 % en moyenne).

Qui sont les principaux coupables de ces actes, selon les victimes ? Sans surprise, c'est majoritairement le supérieur hiérarchique qui est visé, un quart des victimes pointant un groupe de collègues, quelque 16 % un seul collègue, le solde étant constitué de coupables divers comme un fournisseur ou un client par exemple. De manière assez remarquable, les proportions sont comparables dès lors qu'il s'agit de déterminer les auteurs de discrimination ou de harcèlement sexuel. La violence en tant que telle, en revanche, serait rare au sein même de l'entreprise et émanerait davantage de personnes extérieures à  celle-ci.

â–  BENOàŽT JULY
(source : références)

 

"Une plainte pour harcèlement révèle avant tout un mal-être"

Paul Heeren, Directeur du dpt. de prévention psychosociale chez Mensura

Que disent les chiffres relatifs au harcèlement ? Que les personnes qui répondent aux enquêtes s'estiment victimes d'un harcèlement... sans que ce soit pour autant réellement le cas. Autrement dit, il faut distinguer la réalité et la perception que les victimes ont de celle-ci. J'en veux pour preuve que, lorsque nous sommes amenés à  intervenir dans une organisation à  la suite d'un problème, en tant que service externe de prévention et de protection, nous constatons dans les faits que la plainte n'est fondée que dans quelque 20 % des cas.

Faut-il dès lors en conclure que les autres plaintes sont le fait de mythomanes et doivent être tenues pour négligeables ?
Certainement pas, car elles sont l'expression d'un mal-être qui, en tant que tel, doit être pris en compte. Et ce, quelle qu'en soit la cause. Une plainte relative à  un harcèlement ne révèle peut-être pas un harcèlement au sens strict, mais un dysfonctionnement dans l'entreprise, de mauvaises relations de travail, un conflit latent entre collègues, par exemple. Du point de vue de l'employeur, il est donc très important à  mes yeux de ne pas négliger ces signes et de mettre en oeuvre les mesures adéquates de prévention, non seulement sur le plan individuel mais aussi et surtout au niveau de l'entreprise elle-même, où se situent les véritables enjeux.

 

"Traiter le harcèlement peut corriger d'autres dysfonctionnements"

Daniel Faulx, Chargé de cours à  la faculté de psychologie de l'ULG

Quasiment absent du champ social il y a 15 ans, le thème du harcèlement au sens large fait désormais l'objet d'enquêtes, de colloques et même d'une législation. Il faut s'en réjouir car cela a contribué non seulement à  légitimer l'expression d'une souffrance longtemps ignorée, mais aussi à  la prendre au sérieux et à  la prévenir. Cette médiatisation suscite cependant aussi des effets pervers qu'il ne faut pas ignorer car ils induisent peut-être un biais dans la perception du phénomène. On peut s'interroger par exemple sur le fait que les pays scandinaves paraissent y être relativement davantage exposés : est-ce le reflet de la réalité ou le fruit d'une prise de conscience plus aiguà« dans ces pays fortement développés sur le plan social ? Se voiler la face, en tout cas, n'est pas d'une grande utilité pour les organisations qui, quelles qu'en soient les causes, paient ce mal-être sous la forme d'une hausse de l'absentéisme ou d'une baisse de la motivation entre autres. On constate d'ailleurs souvent que les facteurs favorisant l'émergence du harcèlement sont communs à  ceux qui génèrent le stress, notamment. En décelant et en corrigeant ces facteurs, par une politique de prévention appropriée, on ne lutte donc pas seulement contre le harcèlement mais aussi, dans les faits, contre de nombreuses autres formes de dysfonctionnement.

(source : références)