Zapper la pause déjeuner? Danger!
L’assureur-vie NN dévoile une étude menée par l’Université de Gand sur l’importance des pauses au travail. Les constats sont plutôt alarmants.
Les pauses déjeuner des travailleurs belges sont de plus en plus courtes, voire carrément inexistantes pour certains. Un problème de société que dénonce Isabelle Hoebrechts, consultante experte en well-being, bien-être au travail et importance des pauses au travail.
Seuls 67% des employés prennent une pause déjeuner quotidienne, à peine 53% des indépendants. Comment expliquez-vous ces constats?
"Les indépendants sont particulièrement stressés, ils ont l’impression qu’ils doivent toujours travailler davantage, accepter toutes les sollicitations des clients, et être dans l’hyper-réactivité. On va toujours plus vite, le monde d’aujourd’hui est de plus en plus complexe, ambigu, on n’a plus de sécurité, donc on se sent obligé de tout accepter, au cas où. Mais c’est le début du burn-out, le début des maladies à cause du travail. C’est essentiel de prévenir les gens, de leur donner des avis, des conseils, même au niveau alimentaire, puisque l’estomac est directement lié à notre cerveau. Notre cerveau est construit pour être concentré pendant cinquante minutes, mais a besoin de courtes pauses. Malheureusement, de nos jours, on est devant nos écrans en permanence…"
Est-ce que les habitudes du quotidien ont une influence?
"Je vois que dans les sociétés, 80% des gens ne mangent pas correctement ou ne prennent pas les pauses comme il faut: ils mangent avec une continuité de connexion au digital. C’est très mauvais. On doit oser ralentir le rythme, car notre cerveau n’est plus assez serein, il est toujours en réflexion, on n’a plus rien pour déconnecter. Quand on mange, on doit rire, bavarder, prendre l’air, faire du sport, n’importe quoi, mais sans le digital! On est accro au digital et ce n’est pas bon. Et cela explique pourquoi les gens tombent malades et connaissent de plus en plus le burn-out. On doit apprendre à lâcher notre smartphone! L’habitude de l’immédiateté induite par les réseaux sociaux notamment, est véritablement nocive."
Quel impact sur la vie des travailleurs?
"De plus en plus de gens vont être dépressifs, connaître des nouvelles maladies, des épuisements, des ruptures d’anévrismes. Il y a aussi les addictions qui deviennent de plus en plus importantes, parce que les gens ne savent plus comment réagir à leur surcharge de travail. Alors ils se tournent vers des compléments alimentaires, des médicaments et parfois même des drogues. Et tout cela uniquement pour réussir à tenir le coup physiquement et mentalement parce qu’ils ne parviennent plus à se déconnecter suffisamment et à se ressourcer."
Comment convaincre les employeurs de favoriser les pauses déjeuner?
"Je propose notamment qu’à une certaine heure, ou en deux shifts, on mette en place une musique d’ambiance, pendant cinq minutes par exemple, pour inciter les gens à déconnecter un peu de leur poste de travail. Mettre en place des structures, ou des initiatives simples pour faire du sport, par exemple. Ou encore organiser des moments de repas en équipe. Un bon responsable d’équipe, c’est quelqu’un qui pourra dire à ses travailleurs: maintenant tu dois arrêter et lever un peu le pied. Parce que les perfectionnistes et les gens qui travaillent toujours plus vont finir par s’écrouler. Le rôle d’un manager est aussi de s’assurer qu’un employé pourra gérer son énergie. Et les sociétés y gagneront également à long terme, puisqu’un travailleur usé perd en efficacité, jusqu’au jour où il s’écroule. Là, tout le monde sera perdant. Et d’un autre côté, le travailleur doit pouvoir avoir le courage de le dire, de le signaler, quand il a besoin d’un break. Tout le monde a le droit à un moment de faiblesse, sans être un mauvais employé. Il faut comprendre qu’on ne doit pas toujours dire oui. Trop peu de gens osent dire qu’ils sont en perte d’énergie parce qu’ils ont peur d’être évincés ou mal considérés."
