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Voix d'un personnage d'animation: combien ça gagne?

Date de publication: 27 oct. 2010
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Ces dernières années, le doublage des personnages de films d'animation a succombé au marketing people. Les plus grandes stars hollywoodiennes et françaises se voient proposer de prêter leur voix aux héros animés, pour des salaires bien souvent faramineux. Et à  côté desquels les rémunérations les doubleurs professionnels font pâle figure...

Eddie Murphy : 50 millions de dollars pour Shrek

La politique des studios d'animation hollywoodiens se confirme: inscrire le nom de vedettes sur les affiches de leurs production afin d'attirer l'attention des médias et du public. Le succès retentissant de la saga Shrek, par exemple, prouve que la recette marche.

Et elle marche même très très bien, si l'on en croit l'augmentation salariale accordée aux acteurs qui ont donné vie aux personnages. Ainsi Eddie Murphy, qui incarne l'âne, a touché de 3 millions de dollars pour le premier volet, et 10 millions pour le numéro 2. Son cachet évoluant avec le succès de l'histoire de l'ogre vert, il a empoché au total quelque 50 millions de dollars pour les 4 films.

Les Français ne sont pas en reste et ont eu aussi succombé à  la 'people mania' dans les films d'animation. C'est ainsi que Luc Besson, notamment, peut s'enorgueillir de la participation de stars à  sa trilogie d'Arthur et les Minimoys: Gérard Darmon, Marc Lavoine et Mylène Farmer, pour la version française, ou encore Madonna ou David Bowie pour la version anglaise. Ici, aucun chiffre n'a été révélé quant au salaire des voix, mais on se doute qu'ils se classent bien au dessus des barèmes en vigueur dans le métier.

Doubleur professionnel : 30 euros brut de l'heure

David Macaluso, comédien professionnel en Belgique, nous a parlé de la situation des doubleurs en Belgique. Bien peu glorieuse comparée à  celle de leurs confrères français ou, il va sans dire, des vedettes payées rubis sur l'ongle.

" En Belgique, les tarifs ont été fixés par le créateur d'une société de doublage, en 1988. Il s'agissait d'un forfait : 65 euros brut pour 2 heures de doublage,  100 euros brut pour 4. En France, les doubleurs sont payés à  la ligne de texte : ils touchent en moyenne 5 euros à  la ligne, mais il s'agit d'un tarif dégressif en fonction de l'étendue de la diffusion du film. Cela créait une différence énorme entre les deux pays. Pour l'enregistrement d'une série, soit environ 400 lignes, on touchait en Belgique environ 200 euros brut. Les Français, eux, gagnaient environ 2.000 euros, auxquels s'ajoutent encore entre 10 et 30% de droits. "

Les quelque 300 doubleurs belges s'estimant lésés, à  juste titre, ils ont rejoint les rangs d'un syndicat d'artistes, afin de revendiquer un changement du système de rémunération. Et ils sont parvenus, non sans peine, à  atteindre leur objectif : " Depuis 2008, le système a changé. Nous sommes toujours payés au forfait, pour 4 ou 6 heures de travail, mais les tarifs ont été augmentés.  Une limite maximum de lignage par service (de 4 heures) a également été imposée : pour les films d'animation, par exemple, le cachet brut pour 4 heures de doublage s'élève à  121,87 euros (soit environ 30 euros brut de l'heure). Mais si l'on doit doubler entre 230 et 287 lignes, par exemple, la limite de lignage oblige la société de production de nous payer pour 2 services, soit 8 heures de travail. Et ainsi de suite. "

Un système compliqué, puisque les tarifs et le lignage maximum par service varient selon le type d'œuvre produite. Mais nettement plus avantageux tout de même qu'avant, selon David Macaluso. " Depuis les années 2000, les avancées technologiques permettent d'augmenter la vitesse d'enregistrement. Nous enregistrons donc davantage de lignes dans le même temps, ce qui est intéressant avec un système comme le français, où le paiement se fait à  la ligne. Mais ici, nous étions désavantagés. Le système de lignage maximum rectifie ce tort. Et puis nous sommes aussi parvenus à  obtenir une concession de droits sur les revenus du film. Elle ne s'élève ici qu'à  5% mais elle existe, c'est une grande avancée! "

Retrouvez ici tous les tarifs en vigueur dans la CCT

Moins de 900 € en Belgique, plus de 2.000 € en France

Si la situation des doubleurs s'est très récemment améliorée, avec d'ailleurs une nouvelle indexation des tarifs entrée en vigueur cette semaine, le déséquilibre avec la France reste toutefois très marqué. A titre de comparaison, nous avons demandé à  David Macaluso de calculer le tarif proposé aux professionnels belges et français pour un rôle comme celui de l'âne de Shrek.  " Pour un film comme celui-là , je dirais qu'il y a entre 1.200 et 1.500 lignes. Dont environ 275 seront attribuées à  un personnage principal. En Belgique, le cachet serait donc de 780,77 euros brut, augmenté de 62,46 euros brut pour les droits, soit un total de 843,23 euros. En France, vu le nombre de ligne et l'ampleur de la diffusion d'un film de cette envergure, on tournerait autour des 2.145 euros. "

Une différence de revenu choquante entre les deux pays, pour un travail pourtant égal. Mais cela reste une paille à  côté des millions de dollars empochés à  Hollywood...